08 Avril 2016
Deux arrêtés datés du 05 mai 2014 viennent modifier les conditions d’agrément :
des agents chargés du contrôle de l’application des législations de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail (les inspecteurs et contrôleurs du recouvrement) ;
des agents et des praticiens conseils chargés du contrôle de l’application des législations de sécurité sociale.
Ces arrêtés, dénoncés avant même leur parution par le Snfocos, et dont nous avions demandé le retrait dès la publication au journal officiel le 23 mai 2014, ont fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Ces recours ont été soutenus par toutes les organisations syndicales et déposés au mois de juillet 2014.
Les décisions attendues ont été rendues le 30 mars 2016 dans un arrêt pour le moins laconique au regard des nombreux arguments présentés à l’appui de nos demandes.

L’arrêt est clair, les requêtes en annulation sont rejetées.Les questions de forme étant rapidement balayées, restent les questions de fond qui sont primordiales.

La légalité des délits et des peines
Rappelons tout d’abord que le retrait de l’agrément est automatique notamment « …lorsque les garanties d’intégrité ou les aptitudes professionnelles de l’agent ne sont plus avérées… ».
Aucune information préalable de l’agent n’est effectuée, une simple « décision motivée » suffit, sans que les arrêtés précisent si ces motivations sont communiquées ou non au salarié concerné.
Aucun débat contradictoire n’est prévu pour que le salarié puisse se défendre.

Comment détermine-t-on les inaptitudes professionnelles et l’absence d’intégrité ?Pourquoi ces mêmes manquements peuvent aboutir soit à la suspension, soit à la suppression de l’agrément ? Là encore, aucune précision n’est apportée, laissant la porte ouverte à des sanctions arbitraires.

La suspension ou le retrait constituent donc des sanctions qui présentent une nature répressive et qui sont par conséquent soumises au principe de légalité des délits et des peinesN’oublions pas que sans agrément les inspecteurs et contrôleurs du recouvrement notamment ne peuvent plus exercer leur métier.
Le Conseil d’Etat en a décidé autrement en indiquant que « …quand bien même une décision de suspension ou de retrait peut être liée au comportement de l’agent voire à une faute qu’il aurait commise, l’exercice de ces pouvoirs, sauf à être détourné de leur objet, n’a pas de finalité répressive…les syndicats requérants ne peuvent donc utilement se prévaloir du principe de la légalité des délits et des peines…».
Le respect des droits de la défense
L’absence de toute information, consultation, procédure contradictoire, préalablement à la suspension ou au retrait de l’agrément, constitue également une violation des droits de la défense.
Sur ce point, le Conseil d’Etat écrit que « …si ces dispositions ne prévoient pas de procédure contradictoire,
elles n’ont pour objet, ni pour effet d’exclure l’application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000…désormais codifié à l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui, s’agissant notamment des mesures de police, garantit à la personne intéressée d’être mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ;
elles ne sauraient d’avantage faire obstacle au respect du principe général des droits de la défense qui impose, en outre, à l’autorité administrative de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations lorsqu’elle prend une décision en considération de la personne… ».
L’erreur de droit
Les dispositions prévoyant les cas de suspension automatique de l’agrément notamment en cas de suspension du contrat de travail sont, soit inutiles, en cas de congés de l’agent par exemple, soit illégaux dès lors qu’ils entrainent une discrimination notamment des salariés malades.
En effet, après un arrêt maladie de plus de 2 ans, l’agent doit de nouveau justifier de ses aptitudes professionnelles, sans, bien sûr, que ne soit explicité quelle forme doit prendre cette justification. Il doit ensuite solliciter un nouvel agrément.
Que se passe-t-il professionnellement ou en termes de rémunération ? Redevient-il simple stagiaire ?
Encore une fois rien n’est écrit.
Le Conseil d’Etat a estimé qu’ « …il était loisible au pouvoir règlementaire de prévoir que l’agrément de l’agent qui a été suspendu plus de deux ans doit être renouvelé,………, qu’une telle exigence, qui est sans incidence sur les droits nés du contrat de travail de l’intéressé, notamment sur ses droits à réintégration, et qui proportionnée à l’objectif légitime poursuivi, n’est pas entachée d’erreur de droit et ne peut notamment pas être regardée comme de nature à constituer une discrimination à raison de l’état de santé… ».
Sur le principe, nous ne pouvons nous satisfaire de cette décision qui ne répond pas à nos demandes.
On reste notamment surpris sur l’absence de réponse en ce qui concerne les champs d’application respectifs de la suspension et du retrait puisque des faits semblables peuvent aboutir, indifféremment, à une suspension ou un retrait.
Pour autant, voyons le bon en toutes choses, il est désormais clairement rappelé que, dans tous les cas, des procédures disciplinaires devront être mises en place, les règles conventionnelles et légales en matière de sanctions devront être respectées préalablement à la suspension ou au retrait des agréments, puisque d’une part, ces décisions ne peuvent « …sauf à être détournées de leur objet… » avoir de « …finalité répressive… » et d’autre part, elles ne peuvent « …faire obstacle au respect du principe général des droits de la défense… ».
Enfin, puisque ces décisions sont également « …sans incidence sur les droits nés du contrat de travail et notamment des droits à réintégration… », il est incontestable que le salarié revenant d’une absence de plus de deux ans conservera son statut, ses avantages et sa rémunération pendant toute la durée de l’accompagnement que l’employeur devra mettre en place et ce, jusqu’à l’obtention de son nouvel agrément.
Si cet arrêt n’annule pas les arrêtés incriminés, il confirme le bien fondé de nos demandes sur les points évoqués dès lors qu’il affirme que l’arbitraire ne peut intervenir en matière de suspension ou de retrait d’agrément.
Ces dispositions ne peuvent être un prétexte à la remise en cause du contrat de travail, mais sont uniquement la conséquence d’une procédure disciplinaire conduite en bonne et due forme et dans le respect des droits des salariés.
Emmanuelle Lalande
Secrétaire Nationale en charge du recouvrement et de la formation professionnelle