L’art du raccourci étant couramment pratiqué, tu passes cher collègue cette semaine pour un sacré fainéant, responsable du trou de la sécu à cause de ton manque de travail et de tes absences.
C’est à la très respectable et libérale Cour des comptes que l’on doit cette semaine des titres dans la presse tel que « la lutte contre l’absentéisme, la recette miracle pour sauver la Sécu ? » vu dans la Tribune par exemple. Car en effet, en plus d’une batterie de mesures sur la santé, la Cour des comptes dans son nouveau rapport fait de curieux calculs pour arriver à la conclusion que le salarié de la Sécu est plus souvent absent que la moyenne, alors qu’il travaille déjà moins que la durée légale du travail !
D’après la Cour des comptes, ce fourbe de salarié de la Sécu serait absent 22 jours de plus que ses congés légaux conventionnels. Motifs ? Ils sont très variés : 14 jours pour maladie, 6 pour des congés liés à une naissance et pour bien mélanger tout et n’importe quoi 1,5 jour pour l’exercice de mandats divers et 0,5 pour grève !
Pour la Cour donc redresser les comptes de la Sécu passe par la lutte contre l’absentéisme. Elle a même classé les salariés les plus malades en affirmant que le taux d’absence pour raison de santé est de 3,7 % dans le secteur privé, 3,9 % dans la fonction publique et 5,8% au sein du régime général.
La Cour trouve tout de même une bonne chose dans la gestion du personnel, en soulignant qu’une « rigueur accrue s’est manifestée » en matière de rémunération et de masse salariale. Ouf, le gel de la valeur du point redore notre blason !
La Cour reproche aussi aux caisses nationales et à l’UCANSS de ne pas disposer d’une connaissance précise du temps de travail effectif des salariés. Nous pourrions conseiller aux auditeurs de se pencher sur les badgeuses qui regorgent d’heures supplémentaires bien souvent non payées et non récupérées. Au lieu de cela, ne disposant pas de chiffres, la Cour a elle-même fait on ne sait comment sa propre estimation, pour arriver au résultat suivant : un salarié Sécu à temps plein travaille en moyenne 1.540 heures par an, contre 1.594 heures pour les agents du secteur public, alors que la durée annuelle pour une semaine de 35 heures correspond à 1.607 heures travaillées.
La Cour conclut en conseillant à nos caisses nationales de faire une priorité la lutte contre l’absentéisme. Et pour améliorer la faible productivité des salariés elle propose l’alignement de la durée du travail sur la durée légale et la mise en place d’incitations financières pour ceux qui jouent le jeu.
Vu les chiffres, les motifs d’absence mis en avant et les bons conseils de la Cour on ne s’étonnerait pas de voir fleurir des plans de redressement productif qui récompenseraient les salariés les moins malades (14 jours d’absence pour raisons de santé), lutteraient contre les naissances (6 jours de congés liés aux enfants), interdiraient les grèves (0,5 jour) et les salariés impliqués dans les IRP (1,5 jour d’absence pour l’exercice des mandats).
Eric GAUTRON,
Secrétaire national en charge des ARS, de la communication & syndicalisation