Le Haut-commissaire à la réforme des retraites a présenté le 10 octobre les grandes lignes du projet gouvernemental lors d’une réunion avec les interlocuteurs sociaux. FO avait invité l’exécutif  à « sortir du bois », mais de nombreuses inconnues demeurent, dont les futurs retraités pourraient faire les frais.

Après des mois de concertation, et une longue trêve estivale, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a exposé le 10 octobre aux interlocuteurs sociaux les grands principes du futur système de retraite. Sans grande surprise, il a confirmé les craintes de Force Ouvrière : il s’agira bien d’un système unique universel, par points, qui viendra se substituer aux 42 régimes de base et complémentaires existants.

Il couvrira l’ensemble des salariés, ceux du privé et les fonctionnaires, les travailleurs indépendants, les professions libérales et les agriculteurs. L’âge légal de la retraite sera maintenu à 62 ans, mais des incertitudes demeurent quant à l’âge effectif de départ. Le système de retraite restera un système par répartition, c’est-à-dire que les actifs continueront de financer, en temps réel, les pensions des actuels retraités. Ils cotiseront dans la limite de trois plafonds de la Sécurité sociale, soit 120 000 euros brut de revenus annuels, alors que les salariés du privé affiliés au régime général cotisent actuellement dans la limite d’ « un plafond de la Sécurité sociale » (3 300 euros brut mensuels), et dans la limite de huit plafonds pour l’Agirc-Arrco.

Les droits à la retraite seront calculés sur les carrières complètes, et non plus sur les vingt-cinq meilleures années pour les salariés du privé et les six derniers mois pour les fonctionnaires. Pour ces derniers, qui seront les plus impactés par la réforme, l’exécutif prévoit de prendre en compte leurs primes, ainsi que celles des salariés dépendant des régimes spéciaux de retraite, dans le calcul des droits à la retraite.

Le taux de cotisation sera de l’ordre de 28% pour les salariés et les employeurs, dans le privé comme dans le public. Ce qui ne manquera de poser question concernant la contribution de l’Etat-employeur. Lors de la réunion, qui se tenait au Ministère de la Santé, la délégation Force Ouvrière, emmenée par le secrétaire général de FO Pascal Pavageau, accompagné des secrétaires confédéraux Philippe Pihet (Retraites) et Serge Legagnoa (Protection sociale), a rappelé ses revendications, dont le maintien des régimes existants.

Car pour la confédération FO, « la retraite par points c’est le travail sans fin » et, « le régime unique, c’est un modèle inique ». Force Ouvrière voit dans le modèle proposé « individualisation et incertitude permanente », la « casse des régimes existants et donc des statuts selon une logique de « déprotection » », et des « menaces sur les principes de solidarité et d’égalité ».

« Il ne saurait être question de découvrir des éléments non débattus préalablement au moment de la sortie du projet de loi », a aussi rappelé la délégation confédérale. Une nouvelle phase de concertation va s’ouvrir, qui devrait durer jusqu’au mois d’avril ou mai 2019. Elle abordera notamment les délicates questions de la durée de cotisation et des carrières longues. Ce n’est qu’ensuite que sera élaboré un projet de loi, qui devrait être soumis au vote des parlementaires avant la fin 2019, et après les élections européennes de mars 2019. Mais la réforme ne s’appliquera pas immédiatement. L’exécutif annonce une période de transition « très progressive ». Les retraités actuels ne seront pas concernés par le changement, ni « ceux qui seront à moins de cinq ans de l’âge de départ au moment de l’adoption de la loi ».

FO DEMANDE DES SIMULATIONS SUR DES CAS CONCRETS

La délégation Force Ouvrière a également réclamé « des simulations sur des cas concrets ». L’idée : demander au Haut-commissariat de travailler sur des cas de personnes qui ont liquidé leur retraite, pour pouvoir comparer réellement les droits dans le système actuel et dans le futur système. « Car la retraite, c’est du sur-mesure, pas du prêt-à-porter », rappelle Philippe Pihet, secrétaire confédéral FO. Alors que le gouvernement vante un futur système « plus simple et plus juste », d’innombrables questions subsistent. Au premier rang desquelles celle du niveau de retraite qui sera assuré pour les futurs pensionnés. Car le risque, c’est bien que l’Etat, qui fixera la valeur du point de retraite, décide de la baisser pour réduire les dépenses. Ce qui ouvrirait un boulevard aux assurances privées.

Françoise Lambert, FO Actu dans L’inFOmilitante du 17 au 30 octobre 2018