RETOUR SUR LES CONSÉQUENCES DU PROJET DE TRANSFERT DES COTISATIONS AGIRC-ARRCO AUX URSSAF AVEC EMMANUEL PREVOST (SDDS)

Depuis le début de ce projet, la Confédération FO a exprimé son opposition.

Ce transfert du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO vers l’ACOSS est pour nous la première étape de la mise en place de la réforme vers un système universel, ce qui ressort de l’entrevue entre la Confédération et le cabinet de M.Pietraszweski du mois de mars dernier.

Cette première étape vers « France retraite » sonne la fin du dernier bastion du paritarisme interprofessionnel, que ce soit dans la définition de la politique ou dans son application dans la gestion. Il est bon de rappeler que la Cour des comptes dans son rapport de 2015 a émis un jugement favorable sur cette gestion paritaire.

Pour revenir sur ce transfert du recouvrement, nous le répétons, il n’est pas question pour nous de dénigrer les collègues de la branche, ce projet les met devant un métier qui n’est pas le leur.

Dans une précédente Lettre de la Michodière, nous avons eu l’occasion de citer le directeur de la Caisse des Dépôts et Consignation qui ne voit aucune plus-value dans ce projet, ni « un intérêt majeur pour le Régime Général ».

Aujourd’hui, nous avons eu l’autorisation du directeur de la publication PREVISSIMA pour reproduire une interview du Président de l’association Simplification et dématérialisation des données sociétés (SDDS).

Nous avions déjà publié des extraits de sa lettre au directeur de la sécurité sociale, l’article que vous pouvez consulter apporte des arguments forts, il est question de démarche régressive.

Contrairement aux porteurs du projet, notre positionnement n’est pas dogmatique, il se veut le défenseur de la gestion paritaire et surtout le garant des intérêts matériels et moraux de près de 18 millions de salariés du privé.

Philippe Pihet, représentant FO à l’AGIRC ARRCO

 

https://www.previssima.fr/actualite/retour-sur-les-consequences-du-projet-de-transfert-des-cotisations-agirc-arrco-aux-urssaf-avec-emmanuel-prevost-sdds.html

L’objectif du Gouvernement est d’unifier, à l’horizon de l’année 2025, le recouvrement des prélèvements obligatoires des sphères fiscales et sociales. Cette volonté est exprimée à travers l’article 18 de la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2020 qui étend les missions des URSSAF au recouvrement de l’ensemble des cotisations et contributions sociales dues au titre de l’emploi des salariés ou assimilés, dans le secteur privé non agricole comme le secteur public, dont les cotisations de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, à compter du 1er janvier 2022.

Mise en place dans le but de simplifier et d’unifier les démarches des entreprises, cette mesure pourrait avoir l’effet inverse. Dans un courrier adressé à la Direction de la Sécurité sociale (DSS), le 22 janvier 2021, Emmanuel Prévost, Président de l’association Simplification et dématérialisation des données sociétés (SDDS), alerte sur les difficultés que soulève cette réforme.

Retour avec lui sur les conséquences du projet de transfert du recouvrement des caisses AGIRC-ARRCO.À NOTER :

La SDDS regroupe des éditeurs de logiciels et prestataires de service spécialisés dans les domaines financiers, fiscaux, sociaux et des ressources humaines. L’association représente 95 % des paies du secteur privé et 75 % des paies du secteur public.

Previssima – Que pensez-vous du projet de transfert de recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO à l’URSSAF ?

Emmanuel Prévost – À la SDDS, nous attachons beaucoup d’importance à ne pas remettre en cause les réformes qui ont pu être votées. Nous ne sommes pas là pour qualifier la portée d’une évolution que le législateur a prévu. Cela a toujours été notre position qu’il s’agisse de la Déclaration sociale nominative (DSN) ou du prélèvement à la source.

Ce qui nous intéresse c’est comment un projet répond à des objectifs de simplification et de dématérialisation et comment le mettre en œuvre. Notre questionnement repose sur la problématique suivante : est-ce que cette réforme est productible au niveau des entreprises ou est-ce qu’elle est d’une complexité folle ?

Dans le cas de la reprise du recouvrement par les URSSAF, deux aspects posent problème.

Quelles sont les difficultés qu’engendre ce projet ?
Un problème de fond

La déclaration sociale nominative (DSN) est une déclaration sociale unique, mensuelle et dématérialisée qui a remplacé la majorité des déclarations sociales adressées par les employeurs aux différents organismes de Sécurité sociale. Elle vise à simplifier le processus déclaratif des employeurs en le fiabilisant et le sécurisant.

Le recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO se fait depuis des années à la maille nominative, salarié par salarié. Ce qui permet à l’AGIRC-ARRCO de contrôler ces informations et de rattacher ces cotisations à des droits individuels.

Dans ce contexte, le projet de transfert du recouvrement adopte une démarche régressive. En effet, les URSSAF envisagent de mettre en place un recouvrement, non plus à mailles nominatives, mais en mailles agrégées, comme elles le font, par ailleurs, pour leurs cotisations sociales. Actuellement, les URSSAF font figure d’exception dans le paysage déclaratif et il est prévu que dans quelques années, elles s’intéressent à la maille nominative.

Néanmoins, au lieu de commencer par mettre à jour leurs systèmes puis de récupérer le recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO, elles souhaitent repartir sur un système agrégé pour revenir dans quelques années à la maille nominative.

Cette méthodologie est un non-sens par rapport à l’objectif de la DSN. C’est pourquoi, côté éditeurs, nous ne sommes pas prêts à transformer l’ensemble des réglementaires de nos clients pour un système transitoire.

Des conséquences techniques

Nous avons identifié plusieurs points techniques qui ne permettront pas de mener ce projet en temps et en heures. Nous souhaitons alerter l’Administration sur ces risques et sur le fait que nous dégageons notre responsabilité si le projet était maintenu pour le 1er janvier 2022.

Un projet mené en big bang

Jusqu’à la fin de l’année 2021, nous allons devoir conserver des spécificités AGIRC-ARRCO dans nos réglementaires et à compter du 1er janvier 2022 basculer sur les nouvelles modalités souhaitées par les URSSAF. Cependant, si au cours de l’année 2022, des régularisations doivent être opérées, elles devront être faites selon les anciennes modalités. Il y aura donc une superposition des deux mécanismes.

Un pilote opérationnel pour septembre 2021

Il nous est demandé de mettre en place un pilote opérationnel aux alentours de septembre 2021. Un délai extrêmement court ! D’autant plus difficile à tenir que nous n’avons pas encore l’ensemble des éléments nécessaires pour y parvenir, puisque l’URSSAF ne s’est pas encore prononcée sur l’intégralité du projet. Enfin le déroulement de ce pilote sera court, puisqu’au mieux, il tournera trois mois (paies d’octobre, novembre et décembre). C’est insuffisant pour effectuer des tests sur les 2 millions d’entreprises et les 40 milliards d’euros de recouvrement concernés.

De nouveau comptes-rendus métiers (CRM)

Ce projet de transfert instaure de nouveaux comptes-rendus métiers (CRM). Ces rapports sont importants, car ils permettent à l’organisme ou l’administration concernée de faire un retour aux déclarants à réception de leur déclaration lorsqu’une erreur ou une suspicion d’erreur est détectée. Il nous faut appréhender ce protocole d’échanges pour en apporter une compréhension claire aux entreprises. Le travail autour de ces comptes-rendus métiers constitue une charge importante. Or cette partie du projet ne nous a été présentée que lors d’une dernière réunion avec le GIP et la DSS, le 1er février 2021.

Une nouvelle brique de contrôle

À chaque envoi de DSN, nous avons des contrôles qui s’assurent que la déclaration sera conforme, du moins dans sa forme. C’est ce que nous appelons des briques de contrôle. Dans le cadre du projet de transfert, l’URSSAF nous a annoncé, le 8 mars 2021, le développement d’une nouvelle brique de contrôle, pour une mise en application au 1er janvier 2022.

Tout un processus remis en cause dans un délai trop court

Ainsi, le projet de transfert tel qu’il est envisagé par les URSSAF remet en question tout le processus déclaratif : la fabrication des cotisations en paie, la DSN en mailles agrégées, le passage sur une nouvelle brique de contrôle, l’envoi à l’organisme et la compréhension des nouveaux comptes-rendus métiers… Dans un délai extrêmement court.

Des sujets non identifiés par les URSSAF

En outre, un certain nombre de sujets n’ont pas été identifiés par les URSSAF. Il nous a été fourni une dizaine de codes types de personnel (CTP), mais pour gérer le système de recouvrement de l’AGIRC-ARRCO, il nous en manque. Certaines typologies de cotisations n’ont pas été prévues par les URSSAF.

Un paysage réglementaire déjà chargé à l’horizon 2022

Nous sommes abasourdis par l’impact de ce projet qui nous est présenté très tardivement dans un paysage réglementaire extrêmement développé. Je pense notamment à toutes les adaptations liées à la crise économique engendrée par les mesures COVID. Au-delà de celles-ci, le calendrier des entreprises est déjà chargé pour le 1er janvier 2022 :

  • Mise en place des nouvelles modalités d’envoi d’attestation Pôle emploi (FCTU) ;
  • Mise en place d’un nouveau cahier technique de la DSN pour 2022 (très ambitieux, il prévoit l’intégration des caisses de congés payés) ;
  • 2021 est une année pré-électorale ce qui implique que la LFSS et la LF introduiront probablement des modifications sur un certain nombre de sujets pour préparer les élections.

Ce projet est-il réellement simplificateur pour les entreprises ?

Certes, à terme les entreprises bénéficieront d’un interlocuteur unique, mais à un prix très élevé. Actuellement, elles sont particulièrement occupées et n’ont pas les moyens de se consacrer à des projets techniques de longue haleine.

Cela peut apparaitre comme un investissement payant à long terme, mais cette réforme nécessite un investissement à court terme extrêmement important.

Concernant ce projet de transfert, que préconisez-vous ?

Une première approche serait de reporter le transfert de recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO aux URSSAF.

Il faudrait peut-être envisager la mise à jour du système de gestion des cotisations URSSAF avant d’opérer ce transfert. À partir du moment où ce système n’est pas taillé pour gérer du nominatif, il resterait en incohérence avec le projet de la DSN.

Nous avons proposé à la DSS de reprendre avec eux ce projet en co-construction avec une méthodologie différente, que l’on pourrait mener dans un mode collaboratif. Ce qui n’a pas été le cas, contrairement à d’autres projets comme celui du prélèvement à la source pour lequel nous avons eu un travail exemplaire avec les équipes de la Direction générale des finances publiques (DGFIP).