Avec les ordonnances MACRON-PENICAUD, la possibilité de déroger aux accords de branche et de faire primer les accords d’entreprise, même si cela génère des dispositions moins favorables pour les salariés, a été étendue. Le ministère du travail reconnaissant que les thèmes ouverts à la négociation en entreprise sont « tellement nombreux qu’il est impossible de les lister », toute tentative de les énumérer reviendrait à rédiger un inventaire « danaïdiens » à la Prévert : cela partirait dans tous les sens sans pouvoir remplir la liste. Plus avant, il ne faudrait pas donner d’idées à certains organismes zélés qui ont déjà pour habitude de « contourner » les dispositions de nos conventions collectives (on pensera à l’attribution de l’indemnité forfaitaire de repas ou aux primes découlant de l’article 23).

Alors que le système français de protection sociale connait de profondes mutations (disparition du RSI avec transfert du personnel au sein du régime général, COG prévoyant des diminutions de moyens et d’effectifs…), il ne faudrait pas que les salariés des organismes de sécurité sociale ne soient plus régis par des règles uniformes. Rappelons à cet égard que selon la Ministre du Travail, Mme PENICAUD, il est théoriquement possible de remettre en cause, par accord d’entreprise, le montant d’une prime d’origine conventionnelle, voire la supprimer (en la remplaçant par autre chose, voire sans contrepartie). Partant, il importait que les organisations syndicales représentatives s’emparent sans tarder de l’avenir des textes conventionnels. C’est ce qu’elles ont notamment fait en participant aux négociations entourant la mise en place de la Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation (CPPNI).

Sur ce point, il est intéressant de s’attarder sur le récent rapport GATEAU-SIMONPOLI (http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_accompagner_la_dynamique_du_ds_v2.pdf). Pour ce qui nous intéresse ici, à savoir l’enjeu de « l’observation, de l’analyse et de l’impulsion du dialogue social et de la négociation collective », les auteurs envisagent la mise en place d’un observatoire du dialogue social. Transposé dans notre secteur, c’est plus ou moins la CPPNI dont on nous dit que sa vocation est de se substituer aux actuelles RPN et Commissions Paritaires Nationales d’Interprétation des textes conventionnels.

Partant, ce sont en fait davantage les recommandations 18 à 20 dudit rapport qui pourraient trouver un écho dans la nouvelle organisation de la négociation collective au niveau national dans les organismes du régime général de la sécurité sociale. Leur transposition pourrait prendre la forme suivante :

  • Les travaux de la CPPNI devraient permettre de réaliser un bilan annuel à la fois quantitatif et qualitatif. Rappelons sur ce point que, officiellement, les ordonnances visent à favoriser un essor quantitatif et qualitatif du dialogue social. On peut s’interroger sur l’essor qualitatif attendu quand on sait ce que les COG contiennent comme mesures et quand on pense aux accords « cassés » par la tutelle lors du processus d’agrément alors même qu’ils prévoyaient des mesures plus favorables (par exemple pour l’accompagnement des seniors et l’aménagement de leur temps de travail à l’approche du départ en retraite.
  • Ladite CPPNI devrait avoir des moyens de suivre les pratiques locales. Sur ce point, le COMEX et Monsieur MALRIC s’avèrent à tout le moins frileux : ils proposent que les organisations syndicales présentes à la CPPNI disposent d’un droit de regard et d’émission d’observations non contraignantes : on est plus sur du pointage que sur de la négociation… Le rapport liste à cet égard les principales instances permettant de suivre la situation et/ou d’accéder à un recensement des accords, y compris des accords d’entreprise et on peut se demander si ce qui sera présenté à la CPPNI ne sera pas une simple extraction du bilan annuel de la négociation collective tel que dressé par la DGT.
  • Surtout, et c’est un point non prévu dans le projet de protocole d’accord, une réunion sociale annuelle (qui ne se limiterait pas à une demie journée sous peine de perdre tout crédit) réunirait, sous la présidence du Ministère du Travail et en présence des ministères de tutelle, les représentants des organisations syndicales représentatives afin d’encadrer les pratiques locales moins disantes. Concrètement, il s’agirait de faire remonter les « dérives» pour que le législateur puisse protéger les salariés en ajoutant tel ou tel thème dans le bloc 1, mais aussi de faire remonter les bonnes pratiques pour les intégrer dans une forme d’accord de branche étendu au sens du bloc 2.

Chafik EL AOUGRI, membre de la Commission Permanent Professionnelle de l’Encadrement du SNFOCOS