Le modèle français de Sécurité Sociale a été conçu dans l’immédiat après-guerre et porte donc en lui les préoccupations de l’époque.

La Sécurité Sociale est ainsi organisée autour de 4 branches : maladie, vieillesse, famille et accidents du travail plus le recouvrement et du paradigme des 3 U : Universalité, Unicité et Uniformité.

Elle s’est, par ailleurs, construite avec un financement assis sur les revenus du travail, justifiant la gestion paritaire des organismes de sécurité sociale du régime général et l’administration des caisses RSI par un CA composé d’élus choisis par leurs pairs.

Les Travailleurs Indépendants (TI) : une population différenciée et atomisée

Pour les TI, la situation est, parfois, moins lisible que pour les salariés compte tenu de leur extrême diversité : le notaire peut-il être logé à la même enseigne que le petit commerce de proximité ou l’industriel ?

Cette diversité est accentuée par l’émergence récente d’un prolétariat indépendant issu de l’économie 2.0, sorte de bourse virtuelle où le micro entrepreneur offre sa seule force de travail sur un support dématérialisé, média oligopolistique et spoliateur de mise en relation entre l’offre et la demande.

Le RSI, régime dédié aux travailleurs indépendants, couvre, dans ce contexte, 7 millions de personnes.

Il est actuellement otage d’une campagne présidentielle indigne où, dans un bel élan de lâcheté généralisée, différents candidats cèdent aux sirènes de la démagogie pour apporter une réponse facile et électoraliste au mécontentement des travailleurs indépendants. Encore eût- il peut être fallu s ‘interroger sur les origines de ce mécontentement ?

Car, au-delà des dysfonctionnements informatiques quasi-inévitables liés à une gestion industrielle des cotisations et prestations c’est, à notre sens, la capacité des TI à s’acquitter de leurs cotisations qui doit être interrogée.

Des décennies d’austérité et l’illusion que le statut d’indépendant représente une possibilité de sortir des statistiques du chômage ont fragilisé cette population.  La moitié gagne moins de 1000 €/mois ! Il importe que leur activité décolle enfin. Le TI veut travailler plus pour gagner plus, c’est tout ; et le niveau d’acceptabilité du prélèvement ne sera plus le sujet.

Toutefois, il est bien évident que le régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants doit être repensé du fait des spécificités de la population couverte.

Aujourd’hui les solutions ne peuvent se concevoir qu’autour d’une alternative simple et lisible :

  • Externaliser la Sécurité Sociale dans le secteur concurrentiel,
  • Construire un régime de sécurité sociale adapté aux besoins des travailleurs indépendants.

Le RSI à la base de la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants au 21 ème siècle

La 1ère solution apparaît, plus ou moins clairement, véhiculée par certains candidats à l’élection présidentielle qui, surfant sur le RSI bashing, voudraient supprimer ce régime pour ouvrir le marché aux intérêts du secteur de la banque-assurance.

Nul besoin de s’appesantir, nous voyons bien de qui il s’agit et où cela nous mène, y compris pour les salariés.

L’alternative serait de bâtir un régime de Sécurité Sociale dédié aux TI, pour les TI et administré par les TI. Il s’agit, ici, d’inventer la Sécurité Sociale du travailleur indépendant au 21è siècle.

Cette ambition se construira autour de 3 grands principes : agilité, adaptabilité et solidarité.

Ce projet doit comporter 3 axes : politique, technique et humain.

Au plan politique, nous devons réaffirmer avec force les attributions des Conseils d’Administration. En tant que représentants des travailleurs indépendants, ils doivent voir leurs prérogatives respectées. Il en est notamment ainsi quant à leur pouvoir de nomination et révocation des Directeurs, Agents Comptables et Médecins Conseils régionaux et – a fortiori – nationaux. C’est l’assurance que le travail dans les caisses répondra aux besoins et attentes.

Sur le plan technique, le régime doit être doté des moyens techniques lui permettant d’assurer pleinement ses missions. Le découplage du SNV2 constitue un préalable ; il en est de même pour la retraite où les moyens doivent être donnés au régime pour assumer le projet de Liquidation Unique des Régimes Alignés. Les impérities de l’informatique du RSI ont fait l’objet d’un article récemment ; que celui qui a des oreilles entende.

Sur l’aspect humain, la capacité du régime à évoluer n’est plus à démontrer. Il est passé d’un réseau de 90 caisses locales en 2006 à 13, 10 ans plus tard ! La qualité du dialogue social entre la Direction Générale et les syndicats représentatifs s’améliore constamment, il faut le dire. La méthode retenue consiste à organiser le débat au sein de Groupes Techniques et à construire les propositions qui sont ensuite portées en CPN.

Cet accord de méthode que le SNFOCOS porte depuis 2014 a permis d’aboutir dans la transparence et la sérénité à des accords sur la part variable et désormais c’est la classification des agents de direction qui est en discussion. Cela fera l’objet d’une prochaine communication.

S’il respecte ces orientations stratégiques, le RSI a toutes les qualités pour assurer la transition vers un nouveau système novateur de sécurité sociale dédié aux travailleurs indépendants.

Il contribuera à débureaucratiser l’institution en libérant les initiatives locales. Il y a, en effet, urgence à débureaucratiser la Sécurité Sociale, comme l’Etat plus généralement. Il est évident que la tendance au centralisme couplée à la standardisation des pratiques a généré un monstre soviétoide qui aboutit à traiter le notaire de Strasbourg de la même manière que le restaurateur de la Côte d’Azur ou le prolétaire taxiteur ubérisé.

Nous ne referons pas, ici, le débat équité versus égalité mais la Solidarité doit être maintenue et, seul un régime attentif aux attentes protéiformes des indépendants, sera à même de la garantir. Il pourra même, alors, se doter de nouvelles missions : chômage, accès au logement, au crédit, etc…

Cette exigence requiert des administrateurs impliqués, formés et influents de manière à soutenir leur caisse et en assurer la représentation politique tout en veillant à la qualité du service rendu à leurs pairs.

Par ailleurs et enfin, dans ce contexte délétère, il importe que chacun prenne conscience que le discours démagogique actuel sur le RSI peut avoir des conséquences dramatiques au quotidien. Les agents des caisses sont, tous les jours un peu plus, livrés à la vindicte des ressortissants aiguisée par une campagne de dénigrement indigne.  Incivilités et violences physiques sont le lot quotidien des agents du front office.

Nous apportons notre soutien aux agents et cadres des caisses, et en particulier en Midi Pyrénées.

Nous demandons instamment aux élus et candidats de tous bord de prendre immédiatement conscience des risques qu’ils font peser, par leurs discours immatures et inconséquents, sur des agents en charge d’une mission de service public qu’ils remplissent avec dévouement et professionnalisme et dans l’intérêt des assurés sociaux, dans tous les cas.

Christian Porta, SNFOCOS