Le projet de loi instituant un système universel de retraite consacre son titre 4 à décrire « UNE ORGANISATION ET UNE GOUVERNANCE UNIFIÉES POUR RESPONSABILISER TOUS LES ACTEURS DE LA RETRAITE ».
Ce faisant, en voulant ériger une protection sociale du XXIe siècle, il met à bas l’organisation de la Sécurité sociale de 1945 et les régimes complémentaires de retraites (AGIRC-ARRCO) créés par les organisations syndicales.
Au niveau national, la CNAV et la fédération AGIRC-ARRCO sont les premières victimes d’une fusion d’autorité donnant naissance à un nouvel établissement public national à caractère administratif, la Caisse Nationale de Retraite Universelle (CNRU).
Cette dernière disposerait de prérogatives étendues, notamment le pilotage du système universel de retraite, la gestion dudit système, la mise en œuvre de l’action sociale, le tout grâce aux services des organismes assurant jusqu’à présent la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires que sont la CNAV et la fédération AGIRC-ARRCO.
Plus avant, bafouant encore le dialogue parlementaire, c’est par voie d’ordonnance que le gouvernement prévoira l’intégration des caisses de retraites et des institutions de retraites complémentaires, ainsi que les modalités de transfert des contrats de travail des salariés.
Pour reprendre les termes de l’actuel article 50 du projet de loi :
I.- A titre de préfiguration du système universel de retraite, la Caisse nationale de retraite universelle a pour missions :
1° L’élaboration et le pilotage de la mise en œuvre du schéma de transformation du système de retraite […]
II.– Un schéma de transformation préfigurant la mise en place du système universel de retraite fixe les orientations, les modalités d’organisation ainsi que le calendrier permettant notamment :
1° De définir les opérations de réorganisation opérationnelles et de transfert de personnel […], afin notamment :
- a) De définir les modalités de fusion au sein de la Caisse nationale de retraite universelle, notamment de la Caisse nationale d’assurance vieillesse et de la fédération [AGIRC-ARRCO] ;
- b) De mettre en place un réseau unique composé d’établissements locaux reprenant le personnel des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des institutions de retraite complémentaire […].
Dans le rôle du fossoyeur, c’est au Directeur général de la CNRU que revient la tâche de proposer, au plus tard le 30 juin 2021, le schéma de transformation. C’est le dialogue social qui est ici bafoué, comme il le fut lors de la disparition du RSI.
Si le directeur faillit, c’est le Ministre chargé de la Sécurité sociale qui arrêtera le schéma de transformation.
Au niveau local, la CNRU possédera un « réseau territorial composé d’établissements ne disposant pas de la personnalité morale ». Le verbe posséder s’impose pour deux raisons :
- D’une part, il est créé un réseau unique d’établissements locaux reprenant le personnel des CARSAT et des IRC. C’est la mort des CARSAT qui se fait jour (elle était déjà dans les tuyaux depuis la sortie du Rapport LECOCQ, le coup de grâce vient de tomber)
- D’autre part, si la CNRU est la seule à jouir de la personnalité morale, cela signifie que les établissements locaux ne sont plus « dirigés » localement, mais « managés ». Les directeurs de CARSAT seront déclassés (c’est la mode en ce moment avec la négociation sur la classification) et deviendraient de simples chefs de services déconcentrés.
De plus, le gouvernement prendra par voie d’ordonnance toute mesure afin de prévoir l’intégration des caisses de retraite et IRC, en particulier la mise en place du réseau unique et les modalités de transferts des contrats de travail.
Au final, la création des ARS et la disparition du RSI, deux brèches majeures faites au modèle de 1945, auront été des séances d’entrainement. Qui peut encore soutenir que le projet de loi est issu des principes fondateurs de la sécurité sociale quand le dialogue et les organisations syndicales sont écartés ? L’étatisation de la protection sociale s’intensifie !
En conclusion, à l’occasion de la RPN du 14 janvier 2020 relative au programme des négociations, le SNFOCOS revendique avec force la tenue d’une réunion exceptionnelle urgente sur ce sujet.
Le SNFOCOS appelle en tout état de cause l’ensemble des organisations syndicales, qu’elles représentent les agents de direction, les cadres ou les seuls employés, à se mobiliser sans attendre pour exiger le retrait de ces dispositions du projet de loi.
Alain GAUTRON, Secrétaire Général du SNFOCOS