Nous sommes dans une opacité totale, et dangereuse à la lecture du rapport IGAS et de la présentation aux Délégués Syndicaux Centraux du directeur de la CNAM.

Deux missions distinctes dans la lettre de mission de 22/02/2023 avaient été confiées par François Braun, ancien ministre, à l’IGAS

  • Évaluer l’efficacité du Service Médical et sa contribution à l’atteinte des objectifs de pertinence des soins, de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude »
  • Plusieurs évolutions du Service Médical pourraient être envisagées dans un cadre juridique constant ou évolutif …

Deux parties distinctes dans le rapport IGAS : 39 recommandations sur l’amélioration efficience du Service Médical et 4 scénarios d’évolution de notre organisation

Le regard que l’on doit porter dans le contexte d’aujourd’hui sur notre outil de travail doit être pragmatique par rapport aux risques encourus

Deux des scénarii nous voient évoluer vers un « rattachement CPAM ». Une idéologie ancienne dont nous avons toujours dénoncé les risques au regard de notre indépendance et de notre déontologie, tout en rappelant notre attachement indéfectible à dépendre d’un établissement public administratif garant des missions de service public dont nous sommes investis.

Les deux autres scénarii ne modifient pas l’employeur mais peuvent être requalifiés de détricotage du service médical dans sa forme actuelle.

La mission de concertation menée par Aurèlie COMBAS RICHARD et Thierry PREAUX entendra sur ce rapport l’ensemble des MCR, deux MCCS par région, MCRA des sous directeurs du Service Médical, des directeurs de CPAM, DCGDR soit 105 entretiens et les personnels de 4 DRSM sous forme d’ateliers. Au total 300 personnes dans un temps record : 3 mois.

La méthode est inédite tant sur la forme que sur le fond : informer communiquer sur quelque chose qui n’existe pas encore…dans une période de concertation courte 3 mois.

Retrouvez l’édito de notre SG sur le Service médical dans la précédente édition

La contribution du service médical aux valeurs de responsabilité solidarité universalité portées par l’assurance maladie ne méritait surement pas cette ode funeste au nom de la sacrosainte synergie médico administrative.

Le SNFOCOS a trois niveaux de responsabilités : 

  • Faire obligation à la CNAM de définir le réseau cible : nul ne connaît ce jour la cartographie réelle de ce qu’engendreraient les différents scénarios ou un scénario « 5 » notamment en matière de politique immobilière, préservation des emplois, mobilité des personnels
  • Faire obligation à la CNAM de mettre en place un vrai dialogue social et qui ne pourra se résumer à une concertation du CSEC en octobre
  • Ne pas accepter l’inacceptable

Vous trouverez ci-après notre analyse des scénarii et recommandations.

  1. Les scénarii

Sur les scénarii 3 et 4 nous sommes clairement sur la ligne rouge ! Nous retrouvons ici le vieux cheval de bataille des technocrates contre les Hippocrate.

Le conflit entre les velléités d’autonomie des praticiens conseils et le statut subordonné dans lequel une hiérarchie administrative pourrait les cantonner doit être appréhendé non seulement dans le degré de contrôle qu’ils ont sur leur manière de travailler, mais également, voire surtout, dans la manière dont le périmètre de leur travail légitime se modifierait insensiblement, sous l’effet des pressions des directions administratives.

Notre indépendance professionnelle vis-à-vis des CPAM, organismes payeurs, nous met à l’abri de toute suspicion. La médecine est un art, une tekhnè disait Hippocrate dont les médecins conseils sont, dans toutes leurs spécificités, les gardiens. Y compris vis à vis de l’extérieur.

Par ailleurs dans un univers pas si futuriste où la mutualisation des caisses est aboutie avec une gestion professionnalisée inter caisse des prestations, est-il vraiment raisonnable de supprimer la souplesse apportée par la DRSM ?

Ces deux scénarii supprimeront ipso facto un certain nombre de services notamment supports, missions d’appui …

Ils nécessiteraient des évolutions des textes codes, CCN … et généreraient sans nul doute de nombreux contentieux.

Les scénarios 1 et 2 préservent un service médical distinct :

 « Le scénario 1 » dit statu quo renforcé : le minimaliste qui devra évoluer secondairement vers ?

Il vise à redéfinir et redistribuer les missions des ERSM et des ELSM. En clair, les tâches spécialisées relèveront des DRSM, et les tâches de proximité des ELSM. La synergie médico administrative est renforcée dans ce scénario avec un positionnement renforcé du Médecin Conseil Chef de Service (quoiqu’insuffisamment pour l’IGAS)

Le rôle de coordination des pôles régionaux sur la production de proximité disparait.

Ce scénario est un frein à la diversification des activités et pourrait entrainer par le partage entre production et LCF, RCT, AOS une fuite des PC vers les ERSM ou d’autres métiers du salariat.

Il sera également un frein à l’entraide inter ELSM

Le scénario 2 « la régionalisation et la suppression des échelons locaux »

 Tous les salariés d’une DRSM sont réaffectés à un niveau régional, permettant selon l’IGAS, des gains immédiats de mutualisations.

« Supprimer les services de proximité, c’est admettre implicitement l’idée que demain tous les dossiers des assurés pourraient être traités à ROUBAIX ou CHARLEVILE MEZIERES ». Se dessine ici toute la dépersonnalisation dénoncée dans le film « Moi, Daniel BLAKE » et que renforcera la mise en place de plateformes de traitement des prestations.

Régionaliser le service médical au sens strict du terme a d’autres conséquences en matière de politique immobilière, d’emplois ; cet aspect RH est majeur

  • Recréer une fusion après la fusion récente des DRSM fragilisera le réseau et supprimera les postes de proximité des managers intermédiaires et les possibilités de progression vers le niveau B
  • Risque de perte d’intérêt au travail par le travail en plateforme avec un rythme, un flux…
  1. Les constats et recommandations

L’IGAS pointe du doigt les déficiences du pilotage national, le manque de coordination entre les différentes directions de la CNAM. On ne saurait mieux dire ! La mission incite à augmenter les marges de manœuvres budgétaires régionales et les marges de manœuvre en termes de recrutement tant locales que régionales.

La première difficulté relevée par l’IGAS porte sur les ressources humaines avec un déficit d’attractivité sur les médecins conseils qui, fragilise fortement le réseau. Entre 2018 et 2022, date de la mission, ce nombre avait diminué de 12,15%. De nombreux départements ne comprennent que peu de médecins conseils, aucun pharmacien conseil, aucun chirurgien, dentiste conseil et cela implique de recourir à des entraides entre échelons avec des impacts sur l’activité. Dont acte.

Au SNFOCOS nous n’avons cessé de rappeler l’absence de politique volontariste de la CNAM et de la tutelle. Nous partageons avec l’IGAS qu’un certain nombre de leviers peuvent être mobilisés.

    • En recrutant davantage de pharmaciens en Conseil et de Chirurgiens-Dentistes Conseil.
    • En développant le recours à des compétences médicales externes et en rénovant les méthodes de travail avec par exemple le développement de la téléconsultation ou le recours comme en médecine du travail à des médecins collaborateur ou consultant pour les départements en faible ressource médicale

Nous déplorons que la mission qui fait beaucoup de parallèles avec la médecine du travail n’ait pas fait le constat que la reconnaissance d‘un métier d’expertise sociale reconnu comme une spécialisation rendrait notre métier visible pour les nouveaux médecins. La médecine du travail ne souffre pas des mêmes difficultés avec des postes proposés aux ECN.

La mission estime que le levier salarial n’est pas à activer prioritairement. Nous ne partageons pas cette approche. Les premiers niveaux de rémunération ne sont pas concurrentiels par rapport aux autres professions salariés.

La possibilité pour des médecins conseils de niveau A d’évoluer sur des missions de niveau B sans avoir à faire systématiquement preuve de mobilité sur des postes d’adjoints proposé par l’IGAS est nécessaire en période de tension, l’ouverture déjà des postes d’adjoints aux pharmaciens et chirurgiens-dentistes conseils, ou de responsables de pôle contentieux est effective à ce jour.

La réflexion sur l’écart salarial comme élément incitatif déterminant au déploiement de postes de management est à creuser. Bien que la CCN ait rajouté une prime de responsabilité associée à la mobilité cela reste insuffisant pour accepter de prendre des postes générant des contraintes familiales ou sociales fortes.

La mission IGAS souligne la plus-value médicale sur deux activités et prône pour un renforcement des effectifs de médecins conseils dans ces domaines.

La lutte contre la fraude tout en pointant du doigt le pilotage de la DDAFF

L’augmentation des analyses d’activités ne peut se concevoir qu’en lien avec d’autres mesures et avec une réflexion globale sur l’utilisation optimisée des ressources médicales : stratégie IJ, recrutement de chirurgiens-dentistes conseils et pharmaciens conseils, délégation de tâches vers d’autres PS (ISM, Kiné).  Cf. supra

Le recours contre tiers : le résumer au rôle du service médical dans l’évaluation des frais futurs c’est oublier l’ampleur des dossiers hors protocoles où la plus-value médicale est incontournable.

Le contrôle des indemnités journalières présente pour elle des rendements modestes. L’attrition des ressources humaines médicales amenant à privilégier une logique de prévention des ruptures de droit plutôt qu’une logique de contrôle. Les économies réalisées par le service médical sont pesées au trébuchet …Et ne tiennent pas compte, pour reprendre un terme de lutte contre la fraude, des préjudices évités.

Constat amendé par le récent rapport de la cour des comptes qui souligne d’ailleurs les montants substantiels d’économies réalisées grâce à la démarche « d’accompagnement gradué » des médecins dans leur prescriptions d’arrêt de travail – depuis les échanges confraternels jusqu’à la mise sous accord préalable (MSAP), en passant par la mise sous objectif (MSO)

La disparition d’indicateurs de dépenses sur les IJ dans les CPG souligne que ce secteur n’est pas depuis longtemps au cœur battant des préoccupations de la CNAM qui n’a pas cru bon dans sa réponse « en défense » d’évoquer un indicateur CPG la reprise « spontanée » après action du Service Médical qui traduit la stratégie multi acteurs du SM.

L’accompagnement des offreurs de soins : La mission relève paradoxalement à la fois la faiblesse des ETP pour cette activité et la faible plus-value du service médical dans cette activité. Une des propositions est d’adapter les indicateurs CPG et mesurer la productivité en matière d’accompagnement des offreurs de soins.

Au final : Le SNFOCOS reste vigilant et combatif pour mettre en œuvre notre priorité qui reste de préserver un service médical avec un  corps unique de PC professionnels, indépendants et garants d’une assurance maladie juste et protectrice.

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