A deux jours de la journée internationale des droits des femmes, il nous semblait important au SNFOCOS de revenir sur les inégalités femmes / hommes, notamment à la suite d’une séparation.

En janvier 2025 une parution de Terra Nova traite des séparations conjugales et reconfigurations familiales pour s’interroger sur le rôle de l’Etat (providence) face à cette évolution de la société.

L’occasion de comprendre les effets induits, notamment économiques, d’une séparation qui affaiblit particulièrement les femmes.

Quelques données chiffrées

En France, une famille sur quatre est une famille monoparentale (d’après l’Insee), c’est-à-dire constituée d’un parent ou d’une personne qui assume seul la charge d’au moins un enfant.

Chaque année on compte environ 425 000 ruptures (divorces, ruptures de PACS ou d’unions libres) qui concernent 380 000 enfants mineurs. Le nombre de ruptures reflète une liberté nouvelle, chèrement acquise, qui s’accompagne de défis majeurs.

Ces ruptures ouvrent des périodes nécessitant une réorganisation en profondeur au plan personnel et familial : partage des tâches éducatives, de l’autorité parentale, déménagement éventuel, organisation à trouver pour concilier travail et parentalité, ajustement des budgets familiaux, gestion émotionnelle et charge mentale.

Les familles monoparentales sont confrontées à des difficultés spécifiques pour concilier vie privée et vie professionnelle. Elles sont plus exposées au risque de pauvreté que les autres familles. Pas moins de 41 % des enfants vivant dans des familles monoparentales se trouvent sous le seuil de pauvreté.

Professionnellement les conséquences de la monoparentalité peuvent être importantes car assurer seul la prise en charge des enfants tout en subvenant aux besoins du foyer peut limiter les opportunités professionnelles et accroître la précarité.

Ainsi, il apparaît que la famille traditionnelle ne correspondant plus à la réalité de millions de foyers français, l’Etat se doit d’adopter une politique familiale repensée combinant des réponses d’urgence pour soutenir les familles dans les périodes de fragilité et les mécanismes adaptés aux nouvelles configurations familiales.

Selon une étude de la DREES, les familles monoparentales sont plus souvent touchées par l’insécurité financière et 50% se déclarent préoccupés par leur situation future.

Il est donc indispensable que les politiques publiques pensent une politique familiale nouvelle, dans l’intérêt des familles et notamment des enfants. La législation doit s’adapter à ce phénomène de société.

La monoparentalité est aussi un enjeu d’égalité femmes-hommes

Pour beaucoup la séparation ouvre une phase de grande fragilité dont l’impact affecte les deux parents mais le risque de précarisation est plus grand pour les femmes.

En 2020, environ 85 % des familles monoparentales ont une femme à leur tête dont le niveau de vie diminue en moyenne de 20% dans l’année qui suit la séparation, contre 10% pour les hommes.

De plus, en cas de non-paiement de pension alimentaire les mères isolées supportent des difficultés financières durables. Et ce malgré la mise en place de l’AREPA en 2017 (Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires relevant de la CNAF). Pour information le taux de recouvrement  des pensions alimentaires impayées par l’ARIPA est passée de 62.5 % à 70 % entre 2017 et fin 2023.

Mais la précarisation économique de la femme séparée peut perdurer car en cas de désengagement du père, l’insertion ou la progression des femmes sur le marché du travail se complique. En 2020, c’est à peine la moitié des mères de familles monoparentales d’un enfant de moins de trois ans qui ont un emploi et moins de trois sur dix quand elles ont plusieurs enfants.

Nous faisons le constat que les femmes, suite à une séparation, se retrouvent souvent avec peu de patrimoine, les hommes conservant les actifs à forte valeur ajoutée. L’ amélioration facilement réalisable, nécessaire et protectrice, serait de dispenser une meilleure information aux couples en matière de répartition du budget pour lutter contre les effets de « la théorie des pots de yaourt ».

La théorie des pots de yaourt : dans les couples sans compte commun, il est fréquent que le partenaire au revenu plus élevé prenne en charge les dépenses importantes comme la voiture ou la maison, tandis que celui qui gagne moins s’occupe des dépenses quotidiennes, comme les courses alimentaires (les pots de yaourt). En cas de rupture, si le couple n’est pas marié sous un régime de communauté de biens, il se peut que l’homme reparte avec des biens de grande valeur tandis que la femme se retrouve avec très peu, voire rien. Une situation qui devient de plus en plus critique lorsqu’un enfant dont la charge devrait reposer sur le couple, repose bien souvent davantage sur la mère. La conséquence ? Baisse de salaire pour la mère, voire arrêt total du travail pour s’occuper de l’enfant. S’il y a séparation, la maman solo prend bien souvent en charge l’enfant, peut avoir des difficultés à retrouver un travail, ne possède aucun patrimoine (puisqu’elle payait les pots de yaourt).

Quelques pistes d’amélioration

L’Etat a un rôle essentiel pour protéger les femmes en cas de séparation conjugale.

Il peut notamment lors de la procédure de divorce garantir que les femmes puissent divorcer dans des conditions qui respectent leurs droits (garde des enfants, pensions alimentaires et répartition des biens).

Les femmes doivent aussi pouvoir bénéficier d’un accompagnement psychologique et social :

  • Accès à des services de soutien psychologique gratuit ou à faible coût
  • Assistance pour obtention d’un logement, une reprise d’emploi (réinsertion professionnelle, …)
  • Mise en place d’un réseau de refuges et soutien d’urgence
  • Lignes d’assistance téléphonique d’aide immédiate

Enfin parmi les pistes d’amélioration évoquées dans ce document on note la révision du mode de calcul de la pension alimentaire pour tenir compte du temps de disponibilité auprès de l’enfant, la reconnaissance et valorisation du rôle nécessaire des pères dans la vie quotidienne de leurs enfants, l’accompagnement des recompositions familiales.

Karine Gillard pour le SNFOCOS