Albi, le 14 novembre : quand le gouvernement réduit la santé à un enjeu de territorialité administrative, il veut décapiter les Agences Régionales de Santé sous prétexte de « décentralisation », transférer aux préfets et aux départements une mission qui ne relève pas de leur compétence, et faire passer la facture aux citoyens sans qu’ils ne comprennent vraiment ce qui leur arrive.
La méthode sournoise : un coup de force législatif
Soyons clairs : ce qui s’est dit à Albi n’est pas une réforme. C’est un détournement, un futur cavalier législatif savamment orchestré pour transférer les charges sans les moyens, pour vider la sécurité sociale de ses prérogatives, pour faire de la santé publique un butin électoral local.
Le gouvernement le sait : il ne peut pas augmenter les cotisations sociales. Il ne peut pas créer de nouvelles taxes. Alors il invente un bricolage : des « territoires », de la « subsidiarité », du « local ». Et pendant ce temps, les départements héritent des tâches sans les ressources. Et nous, citoyens, on nous rend muets devant ce qui ressemble à une arnaque ?
L’éclatement délibéré : quand on tue la santé publique en la fragmentant
Projection : la santé environnementale par ici, les soins par-là, le médico-social ailleurs, l’hospitalier nulle part… C’est du sabotage déguisé.
On ne peut pas traiter une allergie respiratoire sans connaître l’environnement. On ne peut pas soigner un enfant chronique sans lien avec le médico-social. On ne peut pas gérer une crise épidémique en territoires isolés. Mais voilà : personne n’aura une vision d’ensemble. Personne n’aura le pouvoir de dire non à un préfet qui veut réduire les dépenses de santé pour gonfler son budget local.
Pire : ce morcellement permet au gouvernement de dire à chacun « ce n’est pas de notre responsabilité ». Les ruraux sans médecins ? Le problème local. Les urgences saturées ? La gestion du département. Les déserts médicaux ? La variable d’ajustement.
Aucun pilote à l’horizon. Juste du grand n’importe quoi administratif.
Les experts dehors, les politiques dedans
Deuxième coup de massue : éjecter les professionnels de santé du pilotage. Plus de représentation médicale, plus de données épidémiologiques au cœur des décisions, plus d’expertise technique. À la place ? Un couple politique – préfet et président de département – qui décidera de ce qui se passe dans les hôpitaux, de quels services fermer, de comment répartir les ressources.
Un préfet nommé par Beauvau, un président de département élu localement – potentiellement du camp adverse – vont-ils s’accorder sur la fermeture d’une maternité ? Sur le renforcement de la pédiatrie ? Sur les moyens de la psychiatrie ? Non. Ils vont s’entre-dévorer. Et pendant ce temps, c’est la santé des citoyens qui trinque.
L’expertise scientifique, les données, les preuves – tout cela, on s’en fiche. Le gouvernement a décidé : la santé, c’est un problème d’administration, pas de médecine.
Les laissés-pour-compte : ruraux, banlieusards, précaires
Et vous, lecteur, vous qui habitez en zone rurale ? Vous dont le médecin est à 40 km ? Vous qui dépendez des urgences du petit hôpital du coin ? Vous êtes « jetés avec l’eau du bain ».
Ce qui se prépare, c’est l’abandon organisé des territoires fragiles. Car avec cette logique de « dynamiques territoriales », seules les régions riches, les agglomérations puissantes, les départements bien dotés, pourront maintenir une offre de santé digne. Les autres ? Ils fermeront des lits, des services, des maternités. Les banlieusards, les zones rurales, les précaires – ceux-là n’ont pas de lobby, pas de pouvoir auprès du préfet, pas de maire influent pour défendre leurs intérêts.
On vous regarde dans le blanc des yeux et on vous dit : oui, vous valez moins cher que les autres. Votre santé, c’est une variable d’ajustement budgétaire.
L’arnaque financière : faire payer la Sécu pour enrichir les départements
Voilà le truc malin du gouvernement : on vire les ressources des ARS, on les donne aux départements. Mais avec quoi ? Pas avec une augmentation des impôts – oh non. Pas avec des cotisations nouvelles – on ne peut pas. À la place, on transfère des compétences sans financement dédié, et on laisse les départements se débrouiller. Résultat ? Ils vont rogner sur les services, vendre les terrains des hôpitaux, fusionner des services, fermer des lits. Et c’est Santé publique qui trinque, c’est la protection sociale qui s’effondre en silence ?
C’est une déconstruction méthodique et financièrement sournoise du pacte social français. On touche à la Sécu – le bien commun – sans jamais le dire explicitement, sans jamais le soumettre à un vote, sans jamais l’expliquer clairement aux citoyens.
Il est temps de dire NON.
Le gouvernement compte sur votre silence. Il compte sur le fait que ces questions sont « trop complexes », « trop administratives » pour mobiliser. Il compte sur votre épuisement.
Nous, nous disons : non. Les associations, les syndicats de santé, les élus de terrain conscients de leurs responsabilités, les citoyens – nous devons nous lever et dire non.
Non à l’éclatement de la santé publique. Non au cavalier législatif qui vide la sécurité sociale et sacrifie la santé publique. Non à la logique de marché appliquée aux soins. Non à l’abandon des plus vulnérables.
Parlez à votre voisin. Interpellez vos élus. Soulevez la question dans vos organisations. Exigez un débat public digne de ce nom sur l’avenir de notre système de santé.
La Santé publique ne se négocie pas en arrière-cour. Et la démocratie n’est pas un obstacle à contourner lâchement par des cavaliers législatifs ou un 49.3.
Le SNFOCOS appelle tous les citoyens à faire entendre leur voix. Maintenant.
Bruno Gasparini, Secrétaire Général du SNFOCOS