La Confédération Européenne des Syndicats a lancé sa campagne « L’Europe a besoin d’augmentations salariales » (Our Pay Rise), à Bruxelles le 14 février 2017.
Des syndicalistes européens ont débattu de la nécessité d’augmenter les salaires avec des représentants des employeurs et des gouvernements.
Retrouvez l’intervention de Jean-Claude Mailly lors de cette conférence.
Je me félicite que la Confédération Européenne des Syndicats et ses organisations membres mettent en avant l’augmentation générale des salaires dans tous les pays européens.
C’est une double nécessité :
- Répondre à l’attente, partout, des salariés du privé comme du public ;
- Contrarier les politiques néolibérales d’austérité mises en œuvre au plan européen et, à des degrés divers, dans chacun des pays. En particulier il s’agit de remettre en cause le mouvement de financiarisation et de revoir les traités européens.
Financiarisation de l’économie : nécessité d’une régulation/réglementation
De Milton Friedman (école de Chicago), en passant par les reaganomics et le consensus de Washington, puis l’OCDE en 1994, suivie par la Commission européenne on a assisté à une dérégulation à marche forcée conduisant à la crise de 2008. Ce néolibéralisme s’est traduit par une financiarisation accrue de l’Economie.
Deux chiffres :
- Entre 1970 et 2013, dans l’Union Européenne, la part de l’EBE ne finançant pas l’investissement productif a évolué comme le taux de chômage et le taux moyen d’investissement a perdu 1/3 de sa valeur.
- Le ratio obligations/PIB (France, Allemagne, Italie, Espagne) inférieur à 50% en 1990 a été multiplié par 4 en 2015. Cette financiarisation dérégulée est le problème essentiel.
Les dirigeants et les salariés deviennent les agents des actionnaires. Or l’entreprise n’est pas une donnée juridique. Un actionnaire n’est propriétaire que de ses actions.
Réviser les traités
Je pense en particulier au Pacte de stabilité et de croissance et au pacte budgétaire européen. Ils contribuent à inscrire dans le marbre une logique d’austérité économique et sociale se traduisant par une réduction des dépenses publiques et sociales, un allègement du coût du travail (dumping social et fiscal) un accroissement de la précarité dans l’emploi et les rémunérations.
Au plan salarial il y a une déconnexion entre l’évolution des salaires et des gains de productivité, la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué au bénéfice des profits. Et quand elle se rétablit un peu, ce n’est pas au détriment des dividendes mais de l’autofinancement, c’est-à-dire de l’investissement. Les inégalités se sont accrues (explosion de la rémunération des cadres dirigeants, flexibilité de rémunérations, AI/AG, maintien inégalités hommes/femmes, travail détaché, mini jobs notamment).
En zone euro la baisse du coût du travail constitue une dévaluation interne.
Face à cela la hausse des salaires est une réponse économique, sociale et démocratique
Au plan économique, c’est un soutien de la consommation et de l’activité.
Au plan social on revient dans une logique de progrès et on rétablit une confiance. Complémentairement cela participe d’une meilleure répartition des richesses et accroit les recettes des régimes sociaux. Au passage, il faut rappeler que la bonne revendication c’est l’inflation plus les gains de productivité.
Au plan démocratique, c’est un instrument qui permet de lutter contre la montée des mouvements que je qualifie de rejet de l’autre.
Il faut mettre en application la revendication : à travail égal, salaire égal. Cela vaut aussi pour l’égalité homme/femme et les jeunes.
Deux instruments sont indispensables :
- L’existence de salaires minima dont l’objectif, pour FO, est d’atteindre 80% du salaire médian ;
- La liberté de négociation, ce qui exclut que tout soit renvoyé au niveau de l’entreprise.