À l’heure où cet édito est rédigé, la question était posée, avec une petite idée de la réponse à venir !
Sans entrer dans les considérations relatives au comportement de tel ou tel groupe parlementaire, ou la logique des institutions de la Ve République, il importe de revenir au fond du sujet.
Ce dont nous parlons, et sur quoi nous sommes mobilisés depuis cet été en particulier, concerne une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui constitue l’une des composantes majeures du contrat social
, nous dit le Conseil d’État.
À tout le moins, le temps du débat de fond – d’un véritable débat de fond – et non de la répétition d’assertions générales jamais démontrées concrètement, mériterait d’être donné. Là où, a contrario, le gouvernement a choisi, tout à coup, de recourir à une procédure législative dite accélérée, autrefois appelée d’urgence.
On nous objecte que celle-ci avait été précédée de deux années de « concertations » et débats citoyens. Il ne s’agissait pas de débats mais plutôt, sous la houlette du Haut-commissaire et du gouvernement, d’énoncés simplificateurs – du type Êtes-vous favorables à la suppression des régimes spéciaux ? à une retraite plus simple, plus juste, pour tous ?
[1].
Or, on s’est aperçu de l’impréparation du gouvernement avec un projet de loi laissant des questions essentielles à des ordonnances à venir, une étude d’impact lacunaire, et l’obligation d’introduire, au dernier moment, des amendements tentant de répondre aux imprécisions quant à l’impact sur les pensions à venir de telle ou telle catégorie…
Et maintenant que la promesse de ne pas toucher à l’âge de la retraite est clairement contredite, avec un âge d’équilibre à 65 ans et plus, la tentative est de faire porter sur les interlocuteurs sociaux la responsabilité d’un échec sur les conditions de mise en œuvre du régime universel de retraite, dont les thuriféraires sont de moins en moins nombreux à assumer la paternité et dont nous avons dit précisément pourquoi nous n’en voulions pas !
Nous ne sommes pas dupes des échanges récents sur la pénibilité. Oui la pénibilité doit être prévenue et évitée, c’est notre volonté et notre engagement dans une négociation interprofessionnelle devant s’ouvrir sur la santé au travail. Oui, elle doit être compensée par un départ anticipé en en élargissant le bénéfice aux métiers exposés aux charges lourdes, postures pénibles, risques chimiques et aussi psychosociaux, autant de critères récemment exclus ! Mais non, cela ne peut justifier la suppression des catégories actives dans la fonction publique et un recul général de l’âge effectif de départ.
La tournure prise par ladite réforme illustre selon nous les dangers de la mise sous tutelle de l’État de l’ensemble du système social. À l’opposé, le véritable réformisme syndical défend le rôle indispensable – tant sur le plan démocratique qu’économique et social – de la liberté de négociation collective concernant la rémunération du travail et, à ce titre, la part de salaire consacrée aux retraites. C’est en ce sens que nous venons de nous adresser aux organisations patronales et aux confédérations syndicales parties prenantes du paritarisme, afin de pouvoir échanger librement hors de toute forme de tutelle !