Nous assistons à une amplification du dogme central qui structure la politique de santé depuis 2008 : ramener la croissance de l’Ondam au niveau du PIB. Ce choix a été respecté avec discipline entre 2010 et 2019, mais au prix d’une pression budgétaire qui a profondément désorganisé le système de santé. Les économies ont été réalisées principalement par des mesures tarifaires, notamment sur les rémunérations des soignants hospitaliers. Le rattrapage partiel opéré par le Ségur de la santé, d’un montant de 13 milliards d’euros, n’a d’ailleurs pas été intégré à l’Ondam, ce qui explique que le déficit structurel, une fois l’effet Covid passé, corresponde presque exactement à ce montant. Autrement dit, sans cette politique de compression régulière des rémunérations, il aurait fallu assumer une croissance de l’Ondam supérieure de 0,7 point par an, soit environ 3% au lieu de 2,3%.
Ce choix de pilotage budgétaire s’accompagne d’une absence totale de réflexion sur les recettes. Les propositions de la Cnam visent uniquement à maintenir leur évolution au rythme de la croissance nationale, sans jamais envisager d’augmenter les ressources pour accompagner les besoins. On persiste ainsi à imposer au système de santé une pression qui a déjà montré ses effets délétères : désorganisation, perte d’attractivité, dégradation de la qualité, et désormais déficit structurel. Le système de santé français, autrefois considéré comme un modèle, n’est plus à la hauteur de ses ambitions, ni des attentes de la population.
Le véritable point aveugle de la stratégie actuelle est le refus d’agir sur les recettes. Maintenir l’équilibre de l’assurance maladie uniquement par la compression des dépenses, sans adapter les ressources à la réalité des besoins, revient à organiser la pénurie et à fragiliser les fondements de la solidarité. Il est illusoire de penser que l’on pourra garantir l’accès aux soins pour tous sans accepter une augmentation maîtrisée, mais inévitable, des prélèvements. La soutenabilité de notre système de protection sociale passe par une adaptation courageuse et réaliste de ses financements, à la hauteur des enjeux démographiques, médicaux et sociaux qui s’imposent à lui.
Refuser ce débat, c’est prendre le risque d’un déclassement durable de notre système de santé et d’une remise en cause de la solidarité nationale.
Sources : https://www.daniel-lenoir.fr/pour-quelques-milliards-de-oins-ondam-quand-tu-nous-tiens-suite/