Les diverses départementalisations, régionalisations et inter-régionalisations de nos différents organismes, accompagnées d’une mainmise des caisses nationales par pilotage direct des différentes fonctions ou secteurs, se sont traduites par une dépréciation de l’ensemble de l’encadrement.
L’enfumage des salariés par des projets pseudo participatifs, cache mal une organisation imposée avec perte de relations sociales et d’intérêts au travail.
Les cadres dits stratégiques n’en ont bien souvent plus que le titre, la plupart sont devenus cadres fonctionnels et ne font qu’exécuter les directives nationales.
Ces réorganisations de services avec perte d’autonomie et compression des effectifs se sont traduites très souvent par un accroissement de la charge de travail.
Rares sont les organismes à avoir procédé à une réelle pesée des emplois.
Les pouvoirs politiques veulent transformer le système de protection sociale Bismarckien en Beveridgien sans en assumer les conséquences. Toujours plus de missions, de prestations ou de cas d’exonérations différents à gérer sans accroissement de personnel.
Bien des cadres de proximité, ayant une conscience professionnelle de la mission sociale et de service public de nos organismes, se voient écrêtées d’heures effectuées.
Il existe avec certitude un écrêtement des heures par le système de gestion du temps de travail (exemple : Workflow ou tout autre système de pointage).
Il nous appartient, en tant qu‘élus syndicalement responsables, d’être très vigilants sur l’existence et le traitement social de ces heures écrêtées.
En sus de l’inexistence de l’augmentation de la valeur du point, c’est la formule « travailler plus pour gagner moins qui est appliquée ».
Toute heure travaillée doit être rémunérée (l’art L 1331-2 du Code du travail prohibe toutes sanctions pécuniaires, notamment des heures effectuées).
Quelles sont les heures écrêtées ?
En fonction des accords sur le temps de travail négociés au sein de chaque organisme, ces heures peuvent représenter un dépassement de l’amplitude journalière de travail, ou de l’amplitude hebdomadaire ainsi que les heures réalisées au-delà de la possibilité de comptabilisation du compteur crédit temps.
Un dysfonctionnement du système en cas de prise de dispense de plage fixe peut également impacter le nombre d’heures écrêtées.
Tout agent a connaissance de son compte temps de travail avec les heures écrêtées.
Connaissance et preuve des heures écrêtées
Délégués syndicaux, dans le cadre des réunions de suivi des différents accords sur le temps de travail, membres du Comité d’Entreprise dans le cadre de la communication du bilan social, nous devons exiger la communication du total des heures écrêtées sur l’année au sein de nos organismes.
Le service RH de tout organisme a la connaissance de ces heures écrêtées.
Nous ne pouvons laisser ces heures effectuées non payées, il en va de notre crédibilité.
Ayant eu une connaissance de ces heures écrêtées, révélées par l’employeur, une demande d’investigation plus pertinente permettra d’affiner l’origine, l’individualisation par services et par agents de cet écrêtement.
Ces heures écrêtées sont révélatrices d’une surcharge de travail de certains services. Il appartient à l’employeur de prendre l’ensemble des dispositions nécessaires afin que les salariés ne dépassent pas le contingent d’heures de travail et de crédit temps individuel qui leur est attribué.
Connaissant ces données, nous devons exiger le paiement des heures écrêtées, dans un premier temps, et une nouvelle organisation au sein des services concernés pour un juste équilibre vie professionnelle/ vie privée dans un second temps.
Exigeons le paiement des heures écrêtées, en heures supplémentaires
Ces heures sont caractéristiques d’heures supplémentaires car elles sont effectuées en sus des heures plage fixes et hors plages fixes prévues par l’accord d’entreprise.
Pour se défendre, certaines directions chercheront à reporter sur l’agent la pratique de ces heures écrêtées au motif « qu’il ne sait pas organiser son travail et donc accomplit, à son initiative, des heures hors protocole d’accord sur le temps de travail applicable au sein de l’organisme ».
Cette posture, pour ne pas faire droit au paiement de ces heures, n’est pas recevable au regard de la jurisprudence constante.
L’article 212-1-1 du Code du travail (article 3171-4 du Code du travail recodifié) dispose que la preuve des heures supplémentaires pèse sur les deux parties :
le salarié devra prouver les heures qu’il a effectuées ;
l’employeur devra démontrer que le salarié a respecté l’horaire de l’entreprise sans jamais avoir travaillé plus.
Le salarié à la preuve des heures écrêtées par son pointage via Workflow.
L’employeur a connaissance de ces heures par le même système.
L’employeur ayant connaissance de ces heures, les a admises implicitement, il ne les a pas contestées (Cass.soc, 19 janv.1999 n° 96-45.628.
L’employeur qui ne s’oppose pas à l’attitude d’un salarié « qui n’hésite pas à prolonger son travail au-delà de la durée normale »cautionne les heures supplémentaires qui sont effectuées et doit les rémunérer (Cass.soc, 31 mars 1998, n°96-41.878), (Cass.soc, 2 juin 2010, n°08-40628), (Cass.soc, 23 mai 2013, n°12-13602). L’accord implicite de l’employeur suffit au salarié pour obtenir le paiement des heures supplémentaires quand bien même le contrat de travail mentionnait expressément qu’aucune heure supplémentaire ne saurait être effectuée sans l’accord préalable et explicite de l’employeur (Cass.soc, 16 mai 2012, n°11-14580).
Moyens d’actions
L’ensemble des éléments précédents permet d’exiger le paiement des heures réellement effectuées et écrêtées au titre d’heures supplémentaires dans le cadre d’une négociation et notamment la NAO.
Dans l’hypothèse où la direction maintiendrait son refus de s’acquitter du paiement des heures écrêtées, il faudra sans état d’âme porter cet état de fait, violant le droit de base de tout salarié au paiement du travail effectué, devant les tribunaux avec publicité dans la presse.
Par l’action civile : Il y a alors lieu de faire un recours devant la juridiction prudhommale, pour non-paiement d’heures effectuées.
Par l’action pénale (éventuellement en sus de l’action civile) : L’intervention de l’inspection du travail, ou de l’inspecteur d’URSSAF pour établissement d’un procès-verbal de délit de travail dissimulé avec transmission au procureur.
Les articles L 8221-5, L 8224-1 et L 8211-1 du code du travail apparentent cet état de fait au travail dissimulé et illégal. Le délit est constitué dès lors que les bulletins de paye des salariés ne mentionnent pas d’heures de travail dites écrêtées et qui correspondent à des heures de travail effectuées par ces salariés.
Il s’agit en tout état de cause, d’une justice sociale, de revendiquer le simple droit à la reconnaissance du travail accompli.
Notre vieille dame a fêté ses 70 ans.
Partout les directions nationales ont affichées « les valeurs de la sécu ».
A nous, salariés, de faire valoir la plus élémentaire de ces valeurs ……celle du travail.
Jean Philippe BOUREL
Alain GAUTRON
Secrétaire national 
Secrétaire général