Les centres de santé pluriprofessionnels (CDS) sont de plus en plus présents dans le paysage médical français. Destinés à offrir une prise en charge globale et accessible, ils connaissent pourtant des difficultés économiques majeures qui mettent en péril leur développement. Un récent rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) dresse un état des lieux alarmant et propose des solutions pour assurer leur pérennité.
Un modèle en expansion, mais encore marginal
Les CDS sont des structures de soins de proximité où les professionnels de santé sont salariés. Contrairement aux maisons de santé pluriprofessionnelles, qui réunissent des praticiens libéraux, ces centres pratiquent le tiers payant et dispensent majoritairement des soins remboursables par l’Assurance Maladie.
Leur nombre a connu une hausse spectaculaire de 65 % entre 2016 et 2022, atteignant 586 établissements. Toutefois, ils restent nettement moins nombreux que les maisons de santé (2 251 en 2022) et ne représentent encore que 1,2 % des dépenses de soins de ville.
Ces structures sont majoritairement situées en Ile-de-France (40 %), suivie des Hauts-de-France et de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Elles sont souvent implantées dans des territoires en tension médicale, où elles constituent parfois la seule offre de soins de proximité.
Un modèle économique fragile
Malgré leur rôle essentiel, les CDS font face à une crise économique préoccupante. Le rapport IGAS révèle que leurs charges d’exploitation ont explosé de 82 % entre 2016 et 2022, atteignant 842 millions d’euros. En cause ? Une forte augmentation des charges de personnel (+78 %), dans un contexte de pénurie de professionnels de santé.
Par ailleurs, leur modèle de financement repose à 80 % sur les honoraires médicaux, ce qui les rend très dépendants du volume d’actes réalisés. Or, la productivité des praticiens en CDS est inférieure à celle des médecins libéraux : un médecin salarié en CDS réalise en moyenne 3 396 actes par an contre 4 614 pour un médecin libéral, soit un écart de 36 %.
Conséquence directe : un déficit médian d’exploitation de 10 %, avec de grandes disparités selon les centres. Si certains parviennent à équilibrer leurs comptes, d’autres, notamment ceux gérés par des collectivités territoriales ou des universités, enregistrent des pertes allant jusqu’à 67 %.
Quelles solutions pour sauver les CDS ?
Face à cette situation, le rapport IGAS préconise plusieurs mesures pour renforcer la viabilité des CDS :
- Optimiser les recettes : améliorer la facturation des actes, étendre les horaires d’ouverture, encourager la téléconsultation et limiter les rendez-vous non honorés.
- Renforcer le soutien institutionnel : mieux intégrer les CDS dans les politiques régionales de santé et améliorer leur accompagnement par l’Assurance Maladie et les Agences Régionales de Santé (ARS).
- Encourager la coopération entre professionnels : promouvoir le travail en binôme médecin/infirmier pour augmenter la file active des patients, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres pays européens.
- Faire évoluer le modèle de financement : tester des dispositifs alternatifs à la tarification à l’acte, en introduisant une part de financement forfaitaire basée sur la capitation (rémunération par patient suivi).
- Responsabiliser les patients : envisager des sanctions financières pour les rendez-vous non honorés, à l’instar de l’Italie, la Suède ou l’Allemagne.
Un avenir incertain
Les centres de santé pluriprofessionnels apparaissent comme une solution précieuse pour lutter contre la désertification médicale et améliorer l’accès aux soins. Mais sans une réforme profonde de leur modèle économique et organisationnel, leur avenir reste incertain.
Alors que le système de santé français traverse une crise majeure, la question demeure : saura-t-on adapter ce modèle pour en faire un pilier durable de l’offre de soins de proximité ? Les prochaines décisions des autorités sanitaires seront déterminantes pour le futur des CDS et pour celui des patients qui en dépendent.