PRÉAMBULE : UN APPEL À LA RESPONSABILITÉ ET AU DIALOGUE CONSTRUCTIF

Dans un esprit de dialogue constructif et bienveillant, l’approche du SNFOCOS DOM s’inscrit dans une démarche collective visant à renforcer la pertinence et l’efficacité des réunions de la Commission Paritaire de Coordination des Départements d’Outre-mer (CPC DROM).

L’objectif n’est pas de remettre en cause les acteurs ou les principes existants, mais de favoriser un fonctionnement plus cohérent, plus équitable et plus utile pour l’ensemble du réseau DROM.

Les représentants SNFOCOS des territoires ultramarins souhaitent réaffirmer leur attachement au dialogue social, pilier de la cohésion et de la performance du service public, tout en soulignant la nécessité de l’adapter aux réalités spécifiques des Départements et Régions Outremer.

Ces réalités combinent plusieurs facteurs :

  • l’éloignement géographique, qui rend l’échange d’informations et la participation aux instances plus complexe ;
  • la diversité structurelle des organismes, parfois organisés différemment d’un territoire à l’autre ou d’une branche à l’autre ;
  • le coût de la vie et les contraintes économiques locales, qui influencent directement les conditions de travail et de rémunération ;
  • et la dimension multi-branches de certains territoires, qui impose une coordination renforcée entre les politiques nationales et les pratiques locales.

Dans ce contexte, il apparaît essentiel de redonner à la CPC DOM tout son sens, en la réinscrivant dans l’esprit du protocole de 2010 et de la loi n° 2016-1088 “El Khomri” et de la COG 2022-2026, qui reconnaissent la nécessité d’un dialogue social adapté aux particularités et spécificités ultramarines.

Nos interventions visent donc à proposer des pistes d’amélioration concrètes pour :

  • rendre les échanges plus productifs et ouverts ;
  • assurer une meilleure remontée des réalités de terrain ;
  • et garantir aux personnels ultramarins la prise en considération réelle de leurs problématiques spécifiques par leur employeur.

Il s’agit d’un appel à la responsabilité partagée, au service d’un dialogue social rénové, équilibré et respectueux des différences territoriales — dans la continuité des valeurs de solidarité et de justice sociale qui fondent notre réseau.

CONTEXTE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL

Le SNFOCOS constate un écart manifeste entre le cadre législatif en vigueur et les pratiques actuelles de l’UCANSS :

  • La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, a introduit un principe fondamental d’applicabilité automatique des conventions et accords collectifs nationaux dans les départements d’Outre-mer (DOM), sauf stipulation contraire. Elle reconnaît également la possibilité pour les partenaires sociaux ultramarins de négocier des accords d’adaptation locale, afin de tenir compte des spécificités économiques, sociales et culturelles propres à chaque territoire.
  • Le protocole d’accord du 26 février 2010, créant la Commission Paritaire de Consultation des DOM (CPC DOM), visait précisément à articuler ce dialogue entre le niveau national et les territoires, notamment en permettant à la Commission :

üde proposer à la négociation nationale tout thème intéressant les salariés des DOM ;

üd’examiner les effets des accords collectifs de travail négociés au plan national.

  • et la COG 2022-2026 engage l’UCANSS à accompagner les transformations des organismes.

Pourtant, force est de constater que ces textes semblent lettre morte dans leur application aux départements d’Outre-mer. Cette situation soulève des interrogations juridiques fondamentales sur la conformité de l’action de l’UCANSS à ses obligations légales et contractuelles.

CONSTAT D’UN FONCTIONNEMENT EN CONTRADICTION AVEC LA LOI EL KHOMRI ET LA COG 2022-2026

Les pratiques actuelles observées au sein de la CPC DOM, sous la responsabilité de l’UCANSS, traduisent une interprétation restrictive et contraire à l’esprit de la loi et du protocole de 2010 et de la COG 2022-2026 :

  • Réduction du rôle de la CPC DOM à un simple espace d’information, au détriment de sa mission consultative et de proposition.
  • Absence de suivi et d’évaluation des effets des accords collectifs nationaux dans les territoires ultramarins (mobilité, indemnités, classification, télétravail, etc.).
  • Refus d’aborder les situations locales et sociales, alors même que la loi prévoit la possibilité d’adaptations fondées sur ces réalités.
  • Rigidité dans la composition et la représentativité, qui ne reflète plus les évolutions institutionnelles (fusion des IRP, création des CSE, nouvelles affiliations locales).
  • Absence de données comparées permettant d’apprécier les écarts qui existent : – entre le niveau national et les territoires ultramarins, – mais aussi entre les DOM eux-mêmes.
  • Hétérogénéité des structures locales : les organismes de chaque région sont organisés différemment, avec des tailles, moyens et contextes socioéconomiques distincts.

Cette diversité rend l’application uniforme des accords nationaux inéquitable et parfois inadaptée.

Elle justifie pleinement la nécessité d’accords d’adaptation territoriale, comme le prévoit la Loi El Khomri.

Enfin, la présence silencieuse des directeurs de caisses lors des sessions de la CPC DOM, sans possibilité d’expression ou de contribution, accentue le sentiment d’un dialogue social formel et non opérationnel.

Cette situation prive la Commission des retours de terrain indispensables à la compréhension des effets réels des politiques sociales.

QUESTIONS

Les représentants SNFOCOS ultramarins réaffirment leur volonté de dialogue, dans un cadre rénové, sincère et orienté vers des solutions concrètes au service des personnels, des organismes et de la qualité du service public.

Cadre légal et conventionnel

  1. Comment l’UCANSS justifie-t-elle l’écart entre ses pratiques actuelles et les exigences de la Loi El Khomri concernant l’adaptation des accords collectifs aux spécificités territoriales, notamment au regard de l’exemple récent de la classification ?
  2. Quelles mesures concrètes l’UCANSS envisage-t-elle pour se mettre en conformité avec le protocole de 2010 et ses propres engagements COG 2022-2026 concernant l’accompagnement des organismes ultramarins ?

Évaluation des accords

Une politique RH responsable et efficace devrait reposer sur l’évaluation continue de ses dispositifs. Comment savoir si un accord fonctionne s’il n’est jamais évalué ? Comment identifier les dysfonctionnements s’ils ne sont jamais mesurés ? Le protocole de 2010 confie explicitement à la CPC DOM la mission d’examiner les effets des accords collectifs négociés au plan national.

La COG 2022-2026 engage l’UCANSS à définir et mettre en place des dispositifs d’évaluation. Pourtant, trois ans après la signature du protocole télétravail, aucune évaluation n’a été produite. Aucun bilan social spécifique aux DOM n’existe.

Questions :

  1. Trois ans après la signature du protocole télétravail de juillet 2022, où en est l’évaluation promise dans la COG, particulièrement concernant les spécificités des DOM (climat, embouteillages, infrastructures) ? Quand cette évaluation sera-t-elle disponible ?
  2. Comment l’UCANSS peut-elle prétendre que les accords nationaux récents (classification, télétravail, RSE) fonctionnent dans les DOM sans disposer d’aucun dispositif d’évaluation territoriale et d’aucune donnée d’impact ?

Adaptations conventionnelles aux spécificités des DOM

L’égalité de traitement ne signifie pas uniformité de traitement. Dans des territoires où le coût de la vie est supérieur de 40 à 60%, où les abonnements internet coûtent 30 à 50% plus cher, où les contraintes climatiques et infrastructurelles sont radicalement différentes, appliquer strictement les mêmes barèmes qu’en métropole revient à créer une inégalité réelle. L’UCANSS se retranche systématiquement derrière les seuils d’exonération fiscale et sociale pour refuser toute adaptation, alors même que ces seuils ne constituent nullement une interdiction mais simplement une limite d’exonération.

Questions :

  1. Comment l’UCANSS justifie-t-elle son refus d’adapter les indemnités (télétravail, titres restaurant, transport) aux surcoûts réels des DOM (internet 30-50% plus cher, coût de la vie 40-60% supérieur), alors que cela relève directement de l’esprit de la Loi El Khomri et de ses engagements COG d’adaptation aux réalités territoriales ?
  2. Quelles adaptations spécifiques l’UCANSS prévoit-elle pour garantir une application équitable de la nouvelle classification dans les DOM, tenant compte de la gestion multibranche, de la reconnaissance des compétences locales et des marchés du travail spécifiques ? Comment accompagne-t-elle concrètement cette mise en œuvre?

Transparence et pilotage des politiques

RH La transparence est un principe fondamental du dialogue social. Comment les organisations syndicales peuvent-elles exercer leur mandat de représentation si elles ne disposent d’aucune donnée fiable sur les effectifs, les rémunérations, les mobilités, les formations ? Comment peuvent-elles identifier les inégalités territoriales, les dysfonctionnements structurels, les besoins d’accompagnement ? L’UCANSS oppose systématiquement le RGPD à toute demande de données désagrégées par territoire. Cette utilisation abusive du RGPD est d’autant plus choquante que les données demandées (effectifs par DOM, par niveau de classification, par métier) ne menacent nullement l’anonymat des salariés.

Questions :

  1. Comment l’UCANSS peut-elle piloter une politique RH territoriale cohérente sans ces données ?
  2. Quand l’UCANSS mettra-t-elle en place le SIRH interbranche mentionné dans la COG (Fiche 2, engagement 1) permettant des « analyses RH interbranche fiabilisées en matière d’effectifs, de rémunération, d’absentéisme » ? Pourquoi cette absence d’outil après trois ans de COG ?
  3. Pourquoi l’UCANSS refuse-t-elle de communiquer des données détaillées sur les mobilités (nombre, type d’emploi, niveau de qualification, motifs, flux métropole-DOM et DOM-métropole depuis 2020) ? Comment peut-elle piloter une politique de mobilité interbranche et mettre à disposition des salariés les outils d’information promis dans sa COG sans ces données de base ?

Formation et développement professionnel

Le droit à la formation est un droit fondamental pour tous les salariés, quelle que soit leur localisation géographique. Pourtant, les salariés des DOM font face à des obstacles systématiques : horaires inadaptés aux décalages horaires, offre réduite en présentiel, sessions organisées aux heures métropolitaines sans considération pour les fuseaux horaires ultramarins. Le résultat est sans appel : un taux d’accès à la formation de 72,1% dans les DOM contre 75% pour le Régime général. L’UCANSS affirme dans sa COG vouloir « piloter et développer une politique de formation interbranche permettant de répondre aux besoins de l’Institution et de ses métiers ». Elle prétend avoir organisé « plusieurs sessions spécifiquement dédiées aux collègues des DOM ».

Questions :

  1. Si l’institut 4.10 a organisé « plusieurs sessions spécifiquement dédiées aux collègues des DOM », pourquoi le taux d’accès à la formation y reste-t-il inférieur (72,1%) au Régime général (75%) ? Quels sont les obstacles identifiés et quelles solutions concrètes l’UCANSS met-elle en œuvre ?
  2. Quelles mesures concrètes et mesurables l’UCANSS prévoit-elle pour adapter les horaires et l’offre de formation aux décalages horaires des DOM, développer l’offre en présentiel dans les territoires, et garantir un accès égal à la formation conformément à ses engagements COG ?

Mayotte et accompagnement des situations de crise

Le cyclone Chido a dévasté Mayotte, plongeant le territoire et ses habitants dans une crise humanitaire et sociale sans précédent. Les salariés de la Sécurité sociale mahoraise, eux-mêmes victimes de la catastrophe, ont fait preuve d’un engagement admirable pour assurer la continuité du service public dans des conditions extrêmement difficiles.

L’UCANSS revendique une forte mobilisation : continuité de service, versement des salaires, prime exceptionnelle de 2000€. Ces mesures sont certes nécessaires, mais sont-elles suffisantes ? L’UCANSS refuse de répondre aux questions sur les effectifs, sur les remplacements, sur la stratégie de reconstruction à moyen terme. Comment peut-on vouloir accompagner une situation de crise en refusant d’aborder les questions concrètes qui se posent sur le terrain ? Les salariés mahorais expriment leur sentiment d’abandon. Cette parole mérite d’être entendue et d’appeler une réponse institutionnelle forte.

Questions :

  1. Quels sont les effectifs actuels de Mayotte post-cyclone Chido, combien de postes sont vacants, et quelle est la stratégie concrète de l’UCANSS pour accompagner durablement la reconstruction du dialogue social et le renforcement des effectifs à Mayotte ?
  2. Comment l’UCANSS répond-elle au sentiment d’abandon exprimé par les salariés mahorais (« Les Mahorais se sentent abandonnés par l’État et notre institution ») ? Quelles mesures d’accompagnement psychologique, matériel et RH sont déployées au-delà de la prime exceptionnelle ?
  3. Plus généralement, comment l’UCANSS exerce-t-elle son rôle de fédération d’employeurs pour accompagner les organismes ultramarins confrontés à des difficultés de dialogue social ou à des situations de crise, alors qu’elle refuse systématiquement d’intervenir sur les situations locales en CPC DOM ?

Exécution de la COG 2022-2026 et vision stratégique

La Convention d’Objectifs et de Gestion 2022-2026 n’est pas un document de communication, c’est un contrat qui engage l’UCANSS vis-à-vis de l’État et des partenaires sociaux. Elle fixe des objectifs précis, mesurables, et assortis de moyens. Nous sommes en 2025, soit trois ans après le début de la COG. Il est légitime de demander des comptes sur l’exécution de ces engagements, particulièrement dans les DOM où les besoins sont les plus criants.

Questions :

  1. L’UCANSS envisage-t-elle de présenter un bilan d’exécution détaillé de sa COG 2022- 2026 spécifique aux DOM, avec des indicateurs précis sur : le renforcement de l’appui à la négociation locale, les outils développés pour le dialogue social, les dispositifs d’évaluation mis en place, et le budget consacré aux DOM (évolution depuis 2022) ?
  2. L’UCANSS souhaite-elle faire des DOM des laboratoires d’innovation RH et d’expérimentation de nouvelles pratiques (adaptations conventionnelles, modalités de télétravail spécifiques, accompagnement managérial renforcé) qui pourraient ensuite bénéficier à l’ensemble du Régime général, conformément à l’esprit de la Loi El Khomri et de ses engagements COG ?

Le SNFOCOS demande à ce que l’UCANSS revienne à sa mission première : être une fédération d’employeurs au service de la transformation et de l’accompagnement de tous les organismes de Sécurité sociale, y compris et surtout ceux confrontés à des spécificités territoriales.

Ce changement de paradigme nécessite :

  1. 1.Une mise en conformité avec le cadre législatif : reconnaître le droit à la différenciation et à l’adaptation comme levier de cohésion sociale et de performance durable dans les territoires ultramarins, conformément à la Loi El Khomri. L’exemple récent de la classification illustre parfaitement cette nécessité : alors que les accords nationaux ont été négocié et signé, leur application dans les territoires ultramarins nécessite des adaptations spécifiques pour tenir compte des réalités locales en matière de gestion multibranche, de reconnaissance des compétences et de marchés du travail. Cette adaptation n’est pas une option mais une obligation pour garantir l’équité et l’efficacité du dispositif.
  2. Un respect des engagements COG : ces engagements ne sont pas des déclarations d’intention mais des obligations contractuelles vis-à-vis de l’État et des partenaires sociaux.
  3. Une transformation de la posture de l’UCANSS : passer d’un rôle de gestionnaire administratif du cadre conventionnel à celui d’accompagnateur des transformations et d’adaptateur aux réalités de terrain.
  4. Une reconnaissance de l’hétérogénéité des structures locales : les organismes de chaque région sont organisés différemment, avec des tailles, moyens et contextes socioéconomiques distincts. Cette diversité rend l’application uniforme des accords nationaux inéquitable et parfois inadaptée. Elle justifie pleinement la nécessité d’accords d’adaptation territoriale.

Le SNFOCOS ne recherche pas l’opposition : nous voulons avancer ensemble. Nos alertes ne sont pas des critiques gratuites, mais des leviers d’amélioration. Nous invitons l’UCANSS à unir ses efforts aux nôtres pour construire un cadre conventionnel enfin adapté aux réalités des DOM. Il est désormais nécessaire d’obtenir une réponse claire à cette volonté de coopération.