Après une pause de plusieurs semaines, les organisations syndicales et l’UCANSS se retrouveront le 8 juillet pour une RPN relative au renouvellement des opérateurs du régime de santé du personnel et des anciens salariés de l’Institution.
Pourquoi une telle pause ? Pour une fois, ce n’est pas une question de budget ou de mandat (encore que), mais c’est le fruit de l’union des organisations syndicales qui ont rejeté à l’unanimité le projet de l’UCANSS de modifier unilatéralement la procédure de sélection des opérateurs.
Pour les organisations syndicales, l’UCANSS, en sollicitant la Direction des Affaires Juridiques (DAJ) de Bercy sans en avoir informé les organisations syndicales au préalable et sans en avoir obtenu le mandat de la commission paritaire de pilotage (CPP) du régime, a violé les textes applicables en la matière au sein de l’Institution. En effet, le protocole d’accord de 2008 prévoit bien que c’est la CPP qui a pour mission « de réaliser dans le respect des conditions réglementaires applicables les procédures de sélection des organismes d’assurance recommandés (…) ».
Pour la DAJ, l’UCANSS étant un pouvoir adjudicateur, elle est soumise au code de la commande publique et se doit, à ce titre, de recourir à la procédure de mise en concurrence prévue pour la passation des marchés publics, laquelle écarte les organisations syndicales du dispositif de sélection. Or, le protocole de 2008 prévoit explicitement que : « À l’issue de la procédure transparente de mise en concurrence conduite par la commission paritaire de pilotage dans le respect des dispositions réglementaires et de l’annexe 1 du présent accord, les partenaires sociaux identifient au maximum trois organismes assureurs à qui ils confèrent la qualité d’assureur recommandé ».
Face à ce conflit normatif, quel texte appliquer ? En droit, un principe général veut que la loi spéciale prime sur la loi générale. Au cas présent, cela impliquerait donc de faire primer les dispositions du protocole de 2008 en ce qu’elles reprennent les termes du code de la Sécurité sociale (le droit spécial) sur les termes du code de la Commande Publique (le droit général).
Mais au-delà de ce débat juridique, des enjeux « politiques » sont à l’œuvre ici. En effet, l’accord de 2008 est toujours en vigueur et accepter qu’il soit bafoué par l’UCANSS créerait un précédent dont aucune organisation syndicale ne veut : la négation d’un texte conventionnel par ses signataires !
Ces derniers mois, de nombreux accords ont été bafoués. On pensera notamment ici à l’accord sur les centres de santé et leur personnel, dont on voit que la CNAM manque sciemment à l’esprit et à la lettre en faisant fermer des centres avant leur transfert aux UGECAM de manière à ce que les dispositions de l’accord ne s’appliquent pas. On pense aussi au récent accord sur la classification pour lequel des caisses locales changent d’emploi certains collègues avant ou à l’occasion de la notification de la transposition pour les priver de certaines mesures salariales. Mais jusqu’à présent, les manquements déloyaux étaient uniquement le fait du collège employeur et sont régulièrement contestés par les organisations syndicales nationales dans les instances.
Au cas présent, ce que l’UCANSS demande aux organisations syndicales, c’est de cautionner la violation de l’accord de 2008, tant dans son esprit que dans sa lettre.
Or, dans l’esprit comme dans la lettre, l’accord de 2008 prévoit une mesure de mise en concurrence dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement des candidats qui n’a pas à rougir face à la procédure de mise en concurrence prévue au code de la commande publique. Sauf que l’accord de 2008, qui reprend les dispositions du code de la Sécurité sociale, associe les organisations syndicales et donc la représentation du personnel dans le processus de sélection. In fine, le choix qui est opéré est donc fait avec l’intérêt du personnel en ligne de mire !
Le SNFOCOS, qui a contribué à la création du régime de santé complémentaire, ne peut pas accepter que les organisations syndicales soient écartées du jour au lendemain du processus de sélection des assureurs dans le cadre du système de recommandation. Le personnel paye des cotisations mensuelles pour être couvert par un régime de santé, il est normal que les représentants du personnel participent à la totalité du processus de sélection, dans le respect évidemment des règles de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats…ce qui a toujours été fait par ailleurs.
A moins qu’à la lumière des échanges lors de la dernière CPP sur ce sujet, l’UCANSS ait eu, au mieux, une initiative malheureuse en sollicitant seule Bercy, au pire, que la commande vienne de la DSS pour pouvoir aboutir à une attribution du type de celle du ministère des finances…Issue contestée par le président de MgeFI qui se pose la question d’un choix politique, pour donner un coup de main à un des fleurons de la « start-up nation » ?
Chafik El Aougri et Phlilippe Pihet