Le rapport de la Cour des Comptes, paru le 20 septembre dernier, consacre un chapitre de 35 pages à la fonction informatique dont la bonne organisation souhaitée « joue un rôle déterminant pour faire progresser la qualité du service rendu aux usagers, l’efficience de la gestion des organismes, la réalisation effective des gains de productivité attendus de la modernisation et la fiabilisation des processus de production ».
La Cour considère que la fonction informatique, qui bénéficie de ressources importantes mais imparfaitement connues, reste organisée de manière complexe et fragmentée ce qui entrave son efficience notamment par la dissociation des responsabilités fonctionnelles et hiérarchiques et par une dispersion des implantations géographiques et des équipes.
Elle demande en conséquence des évolutions structurelles rapides.
Ces évolutions se déclinent en 4 recommandations, qui impacteront près de 9000 agents*, toutes catégories, branches, régimes et organismes confondus.
1ère recommandation: reconnaître aux organismes nationaux une autorité fonctionnelle et hiérarchique sur l’ensemble des agents et des moyens affectés à la maîtrise d’ouvrage, aux développements et à l’exploitation informatiques.
2ème recommandation: regrouper la fonction informatique sur un nombre beaucoup plus réduit de sites, en prenant en considération les perspectives démographiques et les implantations des réseaux de l’ensemble des régimes et branches.
Ces deux recommandations sont déjà engagées par toutes les branches du Régime Général et leur poursuite planifiée pour certaines. La Cour demande de prolonger la dynamique enclenchée. Les agents ayant connu les épisodes précédents ne sont pas à l’abri des prochains.
Concernant les maîtrises d’ouvrage, elle rappelle à la CNAMTS, sa préconisation de s’aligner sur ce que les autres branches et régimes ont mis en oeuvre en créant une structure de pilotage ou de regroupement de cette fonction sous une seule tête, préconisation dont la pertinence n’est pas démontrée comme l’indique le Directeur de la CNAMTS dans sa réponse à la Cour.
La principale cible de ces recommandations est la maîtrise d’ouvrage.
« Balkanisation géographique et fonctionnelle », « réorganisations entravées », « émiettement géographique très préjudiciable », « parc immobilier informatique sous-utilisé », sont autant d’appréciations convergentes dessinant l’avenir des équipes et centres informatiques de développements et d’exploitation. Avec, au coeur des entraves à ce grand mouvement de rationalisation collective, la dénonciation de la « rigidité des conditions d’emploi des personnels reposant selon les dispositions de la convention collective exclusivement sur le volontariat ».
3ème recommandation: consolider les compétences internes, en réorientant les agents vers des tâches à plus forte valeur ajoutée grâce à une gestion prévisionnelle active des emplois et des compétences, en recrutant les profils de haut niveau nécessaires en petit nombre pour assurer en interne la complète maîtrise des projets structurants et en encadrant plus fortement le recours aux prestataires externes.
La Cour fait un constat de carence d’une réflexion aboutie de la part des directions en général.
S’appuyant sur le fait que 20% des effectifs de la fonction informatique ont en moyenne plus de 56 ans, avec des proportions plus importantes dans les centres de production (CTI, CERTI, CNEDI), elle alerte sur le risque de perte de connaissances et considère parallèlement que « cette situation peut aussi constituer une opportunité, qu’il ne faut pas manquer, pour redéfinir l’organisation de la fonction informatique et recomposer la carte des implantations informatiques, en permettant notamment de fermer les sites qui comptent peu d’effectifs et de recentrer les activités sur un nombre de sites plus réduit ».
Concernant le volet humain, elle expose les principes devant conduire la réflexion des branches et régimes pour répondre à « l’importance des départs en retraite à désormais brève échéance » :
- Réduction des effectifs,
- Accroissement des compétences à hauteur des enjeux stratégiques,
- Ré internalisation ciblée, à mener avec pragmatisme et sélectivité branche par branche et régime par régime,
- Identification des profils à haut niveau,
- Accompagnement de cette politique, en particulier les cadrages des emplois, par les administrations de tutelle au travers de la prochaine génération de COG.
Comme le rappelle du Directeur de la CNAF, dans sa réponse aux préconisations de la Cour, encore faut-il que la grille des rémunérations permette le recrutement des profils requis ?
4ème recommandation: développer les synergies entre les institutions de sécurité sociale en matière notamment d’achats informatiques, de mobilité des agents et d’utilisation des infrastructures L’idée de réduire les coûts de matériels et de licences en faisant jouer le volume d’achat ne suscite pas de remarque particulière si ce n’est que sa mise en oeuvre n’est pas aussi simple qu’il y paraît puisque ce chantier, confié à l’UCANSS, n’a pas progressé.
Concernant la mutualisation d’infrastructure immobilière et de matériel voire de couches logicielles, la Cour souhaite à ce stade l’engagement d’une réflexion. Il ne nous appartient pas de donner un avis sur la pertinence technique, la faisabilité, les coûts et les risques générés par le regroupement d’infrastructures aussi sensibles. Les Directeurs des Caisses Nationales d’Assurance Maladie et des Allocations Familiales le font à juste titre.
Quant au regroupement des agents, le texte de la Cour est ambigu car elle l’associe aux possibilités offertes par la télégestion** tout en ajoutant que « la création de centres de services partagés interbranches et interrégimes pourrait (…) contribuer (…) à surmonter les contraintes affectant les mobilités géographiques ». Nous trouvons, là, l’idée, qu’une fois les personnels regroupés, l’obstacle de la mobilité géographique disparait. Comment la Cour peut-elle imaginer sérieusement qu’une telle opération puisse être menée sans réaction des personnels ?
La Cour demande enfin que soit activé le chantier de mise en place de passerelles effectives entre branches et régimes afin d’offrir aux agents de nouvelles possibilités de mobilité aux agents, notamment lorsque des services informatiques de différents réseaux sont installés à proximité « immédiate ».
La Cour des Comptes conclut en demandant que la fonction informatique soit considérée comme une priorité de premier rang pour des institutions dont l’activité repose sur la solidité de systèmes d’information parmi les plus importants de notre pays. Il apparaît essentiel à cet égard de fixer un cap beaucoup plus ambitieux en ce domaine pour la prochaine génération de conventions d’objectifs et de gestion.
Au bilan
Les recommandations de la Cour des Comptes de réduire les effectifs, le nombre de sites informatiques, les étages de pilotage et les rattachements hiérarchiques ne constituent pas une nouveauté.
Mises en oeuvre pour une part concernant l’organisation hiérarchique et fonctionnelle et le nombre de sites, elles seront poursuivies au cours des prochaines COG et, concernant les effectifs, se réaliseront avec les prochains départs en retraite.
La réflexion et l’affichage d’une politique de gestion des ressources humaines et de la prestation externe devra être un sujet d’interpellation des directions générales et informatiques par les organisations syndicales pour que l’intérêt des agents soient défendu et leurs avis entendus.
Enfin, la défense de notre Convention Collective Nationale reste une ardente obligation.
Pierre Duca, secrétaire de la Commission Permanente Professionnelle des Informaticiens.
* Maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’oeuvre, production et support
** Il est en effet tout à fait possible techniquement d’exercer les métiers de l’informatique sans être en proximité géographique des matériels