COURRIER ADRESSÉ À LA DIRECTRICE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Paris, le 18 avril 2020

Objet : Mesures en matière de congés payés, de jours de repos et de reconnaissance financière

Copie à :  M. Renaud VILLARD, Président du COMEX

  1. Raynal LE MAY, Directeur de l’UCANSS
  2. Nicolas REVEL, Directeur général de la CNAM
  3. Yann-Gaël AMGHAR, Directeur Général de l’ACOSS
  4. Vincent MAZAURIC, Directeur général de la CNAF

Madame la Directrice de la Sécurité sociale,

Dans un précédent courrier, je vous alertais : aucune mesure homogène n’est prise pour traiter la situation du personnel des organismes de Sécurité sociale, notamment en matière de congés ou de gestion des ressources humaines.

A ce jour, malgré les possibilités offertes par la législation en matière de gestion des congés et jours de repos, aucune négociation nationale n’a été ouverte pour aboutir à un accord de branche.

Je reviens vers vous tant pour vous alerter que pour solliciter une prise de position de votre part sur 3 points : l’application de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative aux congés et aux jours de repos, le renforcement du dispositif de chômage partiel et enfin, à titre de rappel, la mise en place d’un fonds de financement et d’investissement.

I – En premier lieu, je découvre ce jour que vos services auraient admis l’éligibilité des organismes de Sécurité sociale s’agissant des dispositions sur les congés annuels et les jours de RTT.

Cette position, si elle s’avère vraie, est un non-sens juridique et social.

 S’agissant de l’argument juridique, je vous rappelle que l’ordonnance du 25 mars 2020 pose une condition explicite : la possibilité d’y recourir pour imposer ou modifier des jours de repos n’est offerte que lorsque « l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du COVID-19 ».

 Nos organismes qui, et chaque directeur l’a suffisamment rappelé, assurent des missions de service public ne peuvent pas invoquer des difficultés économiques liées à la propagation du COVID-19, cette disposition devant s’appliquer aux entreprises exerçant dans les domaines concurrentiels (l’économie marchande, les services…) pouvant s’exposer à des défaillances (faillite, liquidation…).

C’est une interprétation portée par le SNFOCOS et développée parmi la doctrine juridique, y compris les avocats spécialistes en droit du travail.

S’agissant de l’argument social, c’est presque un argument d’opportunité car, comme notre confédération l’a signalé : « Les congés payés sont un droit à congés repos. Ces derniers sont protégés par le droit communautaire, ces périodes doivent permettre aux salariés de se reposer et pratiquer des loisirs. Imposer des congés payés dans une période où le salarié n’est pas totalement libre de ses mouvements nous paraît contraire aux droits de l’Union européenne. »

Je peux comprendre que l’objectif de la tutelle et des caisses nationales semblent être de disposer de la plus grande force au travail possible à la sortie du confinement, au moment du retour à une activité « normale » dans nos organismes, à une date pour l’instant inconnue. Pour ce faire, le moyen choisi semble être de chercher à diminuer les stocks de congés et de jours de repos des salariés qui n’ont pas pu être pris à ce jour, justement à cause de la crise sanitaire liée au covid-19. La tutelle et les Directeurs généraux de Caisses nationales semblent ne pas avoir pris la mesure de ce que les salariés de l’institution vivent et ressentent pendant le confinement, de leur état d’épuisement physique et psychologique et du fait que des dizaines de milliers d’entre eux continuent de travailler autant qu’avant la crise, voire parfois plus, dans des conditions souvent difficiles.

À la levée du confinement, les salariés auront besoin de prendre un nouveau départ pour participer à la construction de ce monde d’après. Prendre un nouveau départ, cela suppose de pouvoir prendre de l’élan et donc de souffler pour certains, de voir sa famille pour d’autres, voire de se soigner ou de se recueillir auprès des proches disparus.

Certains directeurs de Caisses locales l’ont compris en décalant la période de référence, en annulant les congés pendant le confinement, et/ou en permettant la monétisation des reliquats.

A contrario, les mesures contraintes, autoritaires ou unilatérales, annoncées pendant le confinement, ajoutent le sentiment d’injustice à la détresse psychologique qui se développe.

II – En second lieu, et pour autant dans le prolongement du précédent point, il apparait que le Gouvernement envisage, via le vote du projet de loi de finance rectificative, de renforcer le dispositif de chômage partiel. Ce renforcement serait la conséquence du passage des salariés se trouvant actuellement en arrêt dérogatoire (garde d’enfants, ALD) au chômage partiel à compter du 1er mai.

Jusqu’à présent, les salariés des organismes de Sécurité sociale ont été épargnés par le chômage partiel. En revanche, nombreux sont les salariés à être en situation d’arrêt dérogatoire, ce qui s’explique au regard de la démographie de nos organismes (majorité de femmes, rajeunissement des effectifs…) ou à subir, faute d’équipement disponible en nombre suffisant et/ou de moyens techniques d’accès aux réseaux, une dispense d’activité.

La temporalité des annonces m’interroge : y aurait-il un « jeu de chaises musicales » en prévision ? La tutelle et les Caisses nationales envisagent-elles de fournir une activité aux personnes susmentionnées pendant que d’autres seront en « repos » forcé ? Ou nous dirigeons-nous vers un accroissement de la dégradation des conditions de travail et du sentiment d’injustice ?

J’en appelle donc à vous pour favoriser l’accompagnement, la bienveillance et le dialogue : aucun salarié ne doit être pénalisé au sein de nos organismes, c’est la condition sine qua non pour que le personnel reste mobilisé pendant le confinement, mais surtout après le confinement, sans rancœur et conservant sa fierté de participer à nos missions de service public.

III – Enfin, je profite de l’occasion pour relancer mon appel à la suite des dernières annonces gouvernementales en matière de reconnaissance financière de certaines catégories : l’instauration d’un plan d’investissement et de revalorisation au profit des personnels, actuels et futurs, de la Sécurité sociale, de l’administratif au dirigeant, en passant bien entendu par les personnels médicaux et paramédicaux s’impose.

Et je le redis, selon moi, ce plan doit procéder de 3 mesures principales :

  • Allocation d’une prime exceptionnelle à l’ensemble des personnels, en la graduant le cas en échéant pour récompenser ceux qui ont dû ou voulu continuer de se rendre sur sites
  • Déplafonnement de l’enveloppe dévolue aux négociations de nouvelles classifications des emplois et desserrement du calendrier pour y aboutir
  • Enfin, et c’est une revendication récurrente depuis plusieurs années, revalorisation de la valeur du point.

Il est nécessaire que la Direction de la Sécurité sociale et le COMEX se positionnent sans délai et nous rendent réponses sur l’ensemble des éléments précédemment évoqués.

Je vous prie de recevoir, Madame la Directrice de la Sécurité sociale, l’expression de mes sincères salutations.

Le Secrétaire Général, Alain GAUTRON