Au moment de redéfinir un plan de redressement budgétaire, une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) bouleverse la lecture traditionnelle du déficit français. Loin du discours habituel sur la « dérive des dépenses », les économistes pointent du doigt une autre réalité : la baisse des prélèvements obligatoires depuis 2017.
Cette analyse arrive à point nommé pour éclairer d’un jour nouveau le débat sur les finances publiques françaises. Depuis l’arrivée du Président de la République en 2017, le déficit public français s’est creusé pour atteindre 5,8% du PIB en 2024, un niveau record hors période de crise. Face à cette situation, les responsables politiques invoquent généralement la nécessité de réduire les dépenses publiques. Mais les économistes de l’OFCE inversent la perspective.
Un diagnostic qui dérange
La dégradation des finances publiques françaises n’est pas attribuable à une augmentation plus marquée des dépenses publiques, mais plutôt à une diminution significative des recettes publiques, affirment l’OFCE. Cette conclusion remet en question le narratif dominant qui fait de l’explosion des dépenses le principal coupable de la dérive budgétaire.
Les chiffres sont éloquents : les dépenses publiques auraient même reculé de 0,3 point de PIB potentiel sur la période 2017-2024. Parallèlement, les réformes fiscales engagées depuis 2017 – suppression progressive de la taxe d’habitation, réduction des cotisations sociales patronales – ont amputé les recettes publiques de dizaines de milliards d’euros.
Cette stratégie de baisse des prélèvements obligatoires devait, selon ses défenseurs, stimuler la croissance économique et compenser à terme la perte de recettes par un élargissement de l’assiette fiscale. Force est de constater que cette « ruissèlement » fiscal n’a pas fonctionné comme escompté.
L’écart français se creuse
L’impact de ces choix budgétaires se mesure à l’aune européenne. Depuis 2019, l’écart en matière de déficit entre la France et la moyenne de la zone euro ne cesse de se creuser. Quand nos voisins européens sont parvenus à redresser leurs comptes publics après la crise sanitaire, la France continue de s’enfoncer dans les déficits.
Cette divergence n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte de choix politiques spécifiques à la France : privilégier les baisses d’impôts et de cotisations plutôt que l’assainissement budgétaire. Une stratégie qui, selon l’OFCE, explique « entre un tiers et la moitié de l’augmentation de la dette publique depuis 2017 ».
Les comptes sociaux dans la tourmente
La protection sociale illustre parfaitement ce déséquilibre entre recettes et dépenses. L’OFCE chiffre à 18 milliards d’euros en 2022 le manque à gagner pour la Sécurité sociale, généré par les dispositifs qui substituent aux salaires soumis à cotisations des compléments de rémunération exonérés.
Cette « désocialisation » du salaire fragilise le financement de notre modèle social sans pour autant réduire les besoins de financement. Un cercle vicieux qui accentue les déséquilibres des comptes sociaux et contribue à la dégradation du solde public d’ensemble.
Des perspectives inquiétantes
Les projections de l’OFCE ne sont guère rassurantes. Dans ses simulations, le pic de dette publique serait atteint en 2029 à 121,7% du PIB. Le taux de chômage, actuellement à 7,4%, devrait grimper à 9% en 2027 et s’y maintenir pendant trois ans.
Pour stabiliser la dette à 110% du PIB, l’ajustement budgétaire nécessaire est estimé à « environ 100 milliards d’euros », un montant qui donne le vertige et questionne la soutenabilité politique de tels efforts.
Un changement de paradigme nécessaire
Cette analyse de l’OFCE appelle à un changement radical de perspective dans le débat budgétaire français. Plutôt que de se focaliser exclusivement sur les dépenses, il convient d’intégrer la dimension des recettes pour comprendre la dynamique du déficit.
Une leçon qui pourrait bien redéfinir les termes du débat budgétaire français.