ARTICLE INFO MILITANTE 5 NOVEMBRE 2021 – ELIE HIESSE

Depuis que l’exécutif a demandé mi-juillet au Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) d’approfondir ses propositions pour réformer l’articulation entre l’Assurance maladie obligatoire et l’Assurance maladie complémentaire, l’inquiétude a gagné le monde de la protection sociale. Car, dans sa lettre de mission, le ministre de la Santé Olivier Véran ne cache pas sa préférence pour le scénario « Grande Sécu », visant à renforcer l’intervention de la Sécurité sociale.

Sa commande trouve un écho particulier, alors que les comptes de l’Assurance maladie ont plongé dans le rouge (29,4 milliards de déficit prévu en 2021) du fait de dépenses liées à la crise Covid, que le gouvernement a décidé de lui imposer. Quant à la Cour des comptes, si elle rappelait en juin dans un rapport le choix singulier de la France d’accorder un rôle déterminant aux assurances privées dans la prise en charge des dépenses de santé, son diagnostic est sévère.

Des critiques sévères

Certes, note-t-elle, le système assure une protection à 96 % de la population. Et le reste à charge des ménages est le plus faible des pays de l’OCDE. Mais, pointe la Cour, le système est coûteux et peu efficient ! L’imbrication entre régimes génère une superposition des dépenses de gestion administrative sur les mêmes flux. Coût pour les finances publiques : 10 milliards d’euros par an, entre les niches fiscales et sociales accordées au titre de la complémentaire santé et de la complémentaire santé solidaire (CSS). Et, estime encore la Cour, malgré ces dépenses, le système est en partie inéquitable du fait des conditions inégales faites aux assurés, les moins bien lotis étant les agents publics, retraités, chômeurs, personnes sans activité professionnelle…

Scénario imprécis d’un chamboulement total

La « Grande Sécu » résoudra-t-elle ces faiblesses structurelles, pour reprendre l’objectif assigné aux travaux du HCAAM attendus en novembre ? Chose certaine, le scénario prisé par le ministre est le plus détaillé du pré-rapport. Il revient à généraliser le dispositif des affections longue durée (remboursées à 100 % par le régime obligatoire) à l’ensemble des patients, note le Haut conseil. Fini le ticket modérateur, les frais forfaitaires à l’hôpital : la « Grande Sécu » prendrait tout en charge, sauf les chambres particulières. Fini le reste à charge zéro sur l’auditif, le dentaire, l’optique : elle rembourserait seule les soins onéreux. Le contenu du panier des soins couverts par la Sécu et leurs tarifs seraient révisés régulièrement. Mais le législateur encadrerait aussi le panier de soins « libre », remboursé par des complémentaires réduites à la portion congrue.

Le chamboulement serait total. « Attention aux effets d’annonce en période pré-électorale », avertit Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO à la protection sociale : Personne ne sait ce que recouvre la Grande Sécu de l’exécutif. Mais le danger est là. Telle qu’esquissée par le HCAAM, elle remettrait en cause les principes fondateurs de la Sécu : sa gestion d’assurances sociales, paritaire. Elle renforcerait l’étatisation de la gestion, alors que le contexte budgétaire est plus que contraint. Les risques en sont connus, comme l’illustre la mission IGAS-IGF, commanditée par l’exécutif sur  l’amélioration de la performance des organismes de Sécurité sociale. « Une attaque sans précédent contre le personnel de la Sécu ! » résume Éric Gautron, secrétaire national du Syndicat FO des cadres des organismes sociaux, qui a révélé son existence. Inédit dans une lettre de mission formulée avant le renouvellement des conventions d’objectifs et de gestion (COG) des caisses du régime général : elle préconise de traiter les enjeux communs (réduction des coûts, mutualisation, implantation) en inter-branches et en inter-régimes (avec la MSA). Réflexion qui s’applique aux conventions collectives, à faire converger. Vous avez dit « Grande Sécu » ?

Vous retrouverez ici le dossier « Sécurité sociale : les principes fondamentaux d’abord ! » dont cet article est issu.