On m’a posé une question surprenante et intéressante: depuis que tu es directrice comptable et financière, qu’est-ce qui a changé dans ton travail ? Veux-tu en parler dans la Lettre de la Michodière ?

J‘avoue que cela m’a fortement interrogé : qu’est-ce qui a changé depuis cette loi de financement de la sécurité sociale de 2018 ? A priori pas grand-chose: la certification des comptes m’a bien occupée comme d’habitude.

Faire des parallèles apporte un début de réponse. Le SNFOCOS a signé avec l’UCANSS cette même année 2018, la convention collective des agents de direction.  Cet accord présente – outre des avancées non négligeables sur la favorisation de la mobilité et les spécificités d’un régime disciplinaire garantissant les droits des personnes – une particularité : il s‘agit de la convention collective des agents de direction et non de la convention collective des agents de direction et des agents comptables comme précédemment.

Dans la ligne du rapport Libault et de la loi de financement de la Sécurité sociale, nous sommes désormais inscrits dans les textes comme étant des agents de direction avant tout : nous ne travaillons pas que pour établir les comptes, même si nous conservons une responsabilité spécifique – régalienne ai-je lu quelque part- sur le domaine financier. Nous ne sommes pas que des comptables : les cadres et agents des comptabilités, oui. Nous sommes des directeurs comptables et financiers.

Agents de direction, comme nos collègues, et de surcroît cadres dirigeants de plein droit compte tenu de notre responsabilité spécifique.

De ce fait : exige-t-on d’un directeur adjoint de savoir liquider une indemnité journalière ? Alors qu’il parait normal dans encore beaucoup d’esprits que l’agent comptable sache passer des écritures si un ou plusieurs de ses comptables sont défaillants en période d’arrêté des comptes.

Le rapport Libault retraçait déjà que dans la réalité, les agents comptables se voient un peu partout confier toutes sortes de missions : qualité, contrôle interne, recouvrement des créances, fraudes, pilotage budgétaire, informatique, contrôle de gestion… Il appelait à un élargissement des missions confiées en dépassant la traditionnelle opposition ordonnateur/comptable.

La séparation de l’ordonnateur et du comptable est bien moins contraignante règlementairement que cela est envisagé dans les organismes de manière traditionnelle. Rien n’empêche sur le fond un directeur comptable et financier de piloter une plateforme téléphonique, les DAM/CIS ou le budget. Si on veut renforcer l’attractivité des postes de DCF, c’est maintenant aux directions de réfléchir aux missions qui pourront être proposées aux candidats et qui seront en pleine adéquation avec notre statut d‘ADD et de deuxième « cadre dirigeant » des organismes. Cela susciterait de nouveaux profils de postulants, un élargissement rompant la crainte d’enfermement que nos collègues peuvent craindre en s’engageant dans la voie comptable et financière, si on peut espérer enrichir les réalisations probantes exigées pour accéder aux emplois de directeur.

Il est exact que le changement de libellé a clarifié notre fonction vis-à-vis de nos partenaires et c’est déjà ça ! Pour autant, cette clarification n’est peut-être pas encore ancrée dans l’esprit de nos caisses nationales.

Car il faut le dire, au vu des chiffres des nominations de directeur : manifestement, être agent comptable ou directeur comptable et financier n’est pas la voie royale pour devenir directeur. Alors que nos postes sont reconnus comme étant transverses, que la majorité d’entre nous ont des missions au-delà de leur domaine propre, disposerions-nous moins de sens stratégique qu’un directeur adjoint ? Il est vrai que nos fonctions nous conduisent assez rarement à rencontrer notre directeur financier et comptable national de manière individuelle pour une évaluation de nos compétences. Certaines branches s’y mettent. Pour d’autres, loin des yeux…. Pour ceux qui appartiennent aux autres branches, notre compétence se réduirait elle au rapport de validation des comptes ?

Il est vrai que le quotidien ne donne pas envie, parfois.

Les outils des agences comptables sont souvent obsolètes, non communiquant et multiplient les taches sans plus-value, et chronophages. Les reportings sont multiples, redondants, complexes, rassemblant des données selon la très fameuse technique du « paluche mimining »… données qu’il faut ensuite ajuster vérifier, revérifier déplacer d’outils pour les copier dans d’autres. Les personnels des agences comptables  et leurs directeurs financiers et comptables savent pourtant se mobiliser avec beaucoup de professionnalisme pour réussir à tenir toutes ces échéances multiples, transverses qui permettent d’évaluer que globalement nous savons assurer la régularité d’un budget aussi important.

Tout ce temps pourrait être utilement consacré à analyser les résultats de nos contrôles et à proposer des plans de développement. Mais il semblerait que la refonte de l’informatique comptable ne soit pas la priorité. On parle toujours – dans l’assurance maladie- de « galaxie comptable » compte tenu du nombre d’outils. Combien y a-t-il «  d’ années-lumière » entre chaque étoile de cette galaxie?

Les caisses nationales font un pas vers le changement, mais avec quelle frilosité! Confier le recouvrement des créances aux directeurs comptables et financiers de l’assurance maladie pour assoir et revaloriser notre rôle?

D’autres branches que l’assurance maladie y avait pensé bien avant la CNAM et peut être à une époque plus favorable en termes d’effectifs. Le recouvrement des créances restant un domaine peu outillé en gestion  informatique et en automatismes, le cadeau est peut être empoisonné à effectifs constant voire en diminution.

Les réductions drastiques engagées au fil des COG successives atteignent désormais un seuil critique en l’absence d’innovation et de renouvellement informatiques majeurs. L’innovation que pourraient porter les directeurs comptables et financiers sur l’amélioration de la qualité des prestations servies  suite à l’analyse de nos contrôles est en difficultés  au regard de la pression sur les effectifs globaux des organismes et d’une réglementation changeante.

Maintenir le niveau et qualité et le prouver risque de devenir une gageure dans ce contexte et finalement impacter plus durement nos postes qu’un changement de dénomination. Les progrès de la dématérialisation et des injections dans nos systèmes informatiques – réels – n’évoluent pas au même rythme que nos effectifs. Nous le vivons tous les jours.

Faire plus avec moins, c ‘est peut être désormais la marque de la reconnaissance de notre statut d’agent de direction; l’avenir nous est donc aussi ouvert – et difficile- que pour nos collègues ordonnateurs. Nous sommes des managers et non des techniciens et pouvons donc prétendre à un élargissement de nos responsabilités, et de nos possibilités de carrière, au-delà du strict domaine comptable et financier, alors même que le poids des opérations comptables et financières  sur des effectifs réduits tends à nous concentrer sur le domaine strict car nous avons une obligation de résultat. C’est le côté paradoxal de la chose. Et puis avoir une revalorisation limitée au titre de la fonction, c’est bon pour l’ego peut-être, mais à part ça !

Dans tous les cas le SNFOCOS sera à nos côtés pour porter et défendre notre profession.