Intégration des services médicaux aux services des CPAM et risques pour l’indépendance professionnelle
et le secret médical.
Cher Confrère, Monsieur,
Suite à notre échange de juillet 2024, nous avions exprimé notre ferme opposition à tout projet qui entraînerait un changement d’employeur pour les praticiens-conseils, nous plaçant ainsi sous l’autorité directe des CPAM. Aujourd’hui, nous réitérons nos inquiétudes, car le projet transmis par la CNAM confirme ce scénario, et va même plus loin en prévoyant la disparition de la direction du Service Médical à l’horizon 2026.
Nous souhaitons attirer votre attention sur deux points fondamentaux remis en cause par cette réforme :
1. L’indépendance technique des praticiens-conseils
Le projet prévoit que les praticiens-conseils soient directement rattachés aux CPAM, avec un lien de subordination au directeur de la CPAM, responsable de leur évaluation et de leur avancement. Ce lien direct remet en cause notre indépendance professionnelle, essentielle pour garantir l’impartialité de nos décisions, en particulier vis-à-vis de nos confrères libéraux.
De plus, en phase 2 du projet, la dissolution complète de la direction du Service Médical est envisagée. À partir de 2026, les praticiens-conseils seront intégrés aux services des CPAM sans qu’une direction médicale spécifique soit maintenue pour organiser, évaluer et fédérer les praticiens-conseils. La disparition d’une telle entité, créée par les ordonnances de 1945, est profondément préoccupante.
La jurisprudence est pourtant claire sur la question de l’indépendance technique des praticiens conseils :
• Conseil d’État N° 342699 : « Les praticiens-conseils appartiennent à un corps autonome, dont les conditions de nomination et d’avancement garantissent leur indépendance à l’égard des caisses de sécurité sociale. »
• Cour d’appel de Toulouse, 17 mars 2008 : « Le contrôle médical est un service national extérieur aux Caisses primaires d’assurance maladie et par essence indépendant de celles-ci. »
Toute atteinte à cette indépendance fragiliserait la crédibilité des praticiens-conseils, notamment dans le cadre des recours contre tiers, où notre impartialité est essentielle pour que nos attestations soient recevables devant les tribunaux.
2. Garantie de préservation du secret médical
Le projet met également en péril le secret médical, en particulier lors de la phase 2, où les missions des praticiens-conseils seront dissoutes dans les différents services des CPAM. Il est précisé que ces missions seront exercées dans une approche médico-administrative, par délégation du directeur médical.
Cela signifie-t-il que tous les personnels des CPAM, soit potentiellement plus de 80 000 salariés, y compris des CDD, pourraient devenir dépositaires du secret médical par cette délégation ? Cette perspective nous semble inacceptable et incompatible avec les exigences de confidentialité et de respect des données médicales.
Ce projet de transformation avec toutes les conséquences qu’il génère nous semble inapproprié d’autant plus qu’il n’apporte pas de solution concrète aux problèmes soulevés par l’IGAS, comme l’insuffisance des outils à disposition des praticiens-conseils, ou l’utilisation des ressources médicales sur des missions à faible valeur ajoutée.
Ce projet, en l’état, représente un morcellement du Service Médical sans vision à moyen ou long terme, avec pour seul objectif apparent la réalisation d’économies d’échelle. Une telle transformation risque d’affaiblir notre rôle de service public, pourtant clairement défini par les articles L.315-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale, et d’entraîner des conséquences néfastes pour les assurés, les professionnels de santé, les praticiens-conseils, et l’Assurance Maladie elle-même.
Nous souhaiterions obtenir un rendez-vous dans les plus brefs délais, afin d’obtenir des recommandations de votre part sur les points suivants :
• Comment garantir le secret médical lorsque les praticiens-conseils seront intégrés dans des services administratifs des CPAM, aux côtés de personnels non médicaux ? Comment peuvent-ils exercer leurs missions dans les mêmes locaux que ces personnels ?
• L’indépendance technique des médecins-conseils, inscrite dans le Code de déontologie, peut-elle être assurée dans un cadre où leur activité sera directement liée à des objectifs comptables des directeurs de CPAM ?
Notre rencontre serait ainsi l’occasion de discuter de ces questions et d’envisager les démarches à suivre pour protéger notre indépendance professionnelle et le secret médical.
Ce projet, transmis il y a 8 jours par la CNAM, sera présenté au CSEC (comité central entreprise) le 03/10/2024 pour information et en consultation le 07/11/2024. Nous vous invitons à lire particulièrement les pages 5 et 6 du document joint.
Dans l’attente de votre retour, nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos salutations les plus confraternelles.
Dr Hélène AZOURY HELENE
Secrétaire générale adjointe SNFOCOS