Le rapport IGAS-IGA-IGF commandé le 5 décembre 2025 (voir à la suite de cet édito) fera l’objet d’un premier rendu le 15 décembre 2025 pour un passage en conseil des ministres le 17 décembre 2025.
C’est un pas de charge technocratique de l’exécutif qui sent (pas bon) le cavalier législatif.
Une réforme de santé-autonomie à haut risque : le gouvernement esquisse une transformation majeure sans avoir résolu les contradictions budgétaires fondamentales
La mission d’inspection lancée par le gouvernement sur la décentralisation de la santé et de l’autonomie révèle l’ampleur du chantier entrepris. Et l’absence cruelle de réponses aux questions les plus épineuses. Présentée comme une clarification salutaire du fouillis territorial français, cette réforme s’apparente davantage à un jeu de chaises musicales entre État, départements et Assurance Maladie, dont les conséquences pour les citoyens pourraient être durables.
Des transferts sans contrepartie financière claire
Le Premier ministre promet une « nouvelle décentralisation » : aux départements les politiques de maintien à domicile des personnes âgées et handicapées, à l’État les établissements médico-sociaux complexes. Séduisant sur le papier. Mais le diable se niche dans les chiffres que personne n’ose affronter.
Transférer les Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) aux conseils départementaux, c’est ajouter quelque 3 à 4 milliards d’euros de dépenses annuelles à des collectivités déjà asphyxiées. Pour un petit département rural, cela représente 15 à 20 % de budget supplémentaire d’un coup. Comment financer sans couper ailleurs — et donc sans dégrader les autres services sociaux ?
Le gouvernement esquisse une réponse : transférer une fraction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) aux départements. Mais c’est un vrai problème. La CSG finance actuellement le régime général de l’Assurance Maladie pour 62 de ses 95 milliards de rendement annuel. La réduire créerait un trou à combler ailleurs — par une hausse de CSG (impopulaire), une réduction des remboursements santé (impensable politiquement) ou une augmentation des cotisations (qui tuent l’emploi). Aucune de ces options n’a été chiffrée ni présentée aux ministres du Budget.
Dans le contexte, cela revient à détricoter la sécurité sociale.
Des agents pris en otage
Un autre nid de guêpes : qu’adviennent les 2000 agents de droit privé des ARS sous convention collective de l’Assurance Maladie ?
Une situation anxiogène qui n’est pas rentrée dans l’équation technocratique du gouvernement. Nos parlementaires doivent en être alertés !
L’esquive sur les normes nationales
Voici le non-dit majeur : une fois les SSIAD transférés aux départements, plus rien ne garantit que « une aide infirmière à domicile » signifiera la même chose en Normandie et en Lozère.
Chaque conseil départemental fixera ses normes, ses salaires, ses conditions d’accès.
Bienvenue dans la New French santé à deux ou trois vitesses selon la richesse du département.
Le gouvernement fonde toute sa rhétorique sur la « proximité » , comme si c’était un bien en soi, magique, qui compenserait toutes les failles. Or, la proximité sans régulation nationale égale inégalité territoriale.
Le calendrier de l’illusion
Le projet de loi devrait être présenté avant Noël. Mi-décembre, une communication en Conseil des ministres. Fin décembre, les vrais débats budgétaires et juridiques commenceraient à peine. C’est un calendrier qui ressemble moins à de la réforme structurée qu’à de la com’ politique en temps de crise budgétaire.
On pourrait saluer l’intention de redonner du pouvoir aux élus locaux. Mais le faire sans clarifier le financement, sans organiser la transition des personnels, sans garantir l’équité territoriale, ce n’est pas de la décentralisation — c’est du bricolage qui déconstruit la sécurité sociale au passage.
La vraie question n’est pas si cette réforme est possible. C’est : « l’État s’en va » sans que personne ne soit vraiment venu le remplacer.
Serons-nous les seuls au SNFOCOS à nous en émouvoir et réclamer clarification, négociation et accompagnement ?
Bruno Gasparini, Secrétaire Général du SNFOCOS