Dans nos organismes sociaux, une dérive organisationnelle s’installe insidieusement. Sous couvert de modernité managériale et de bienveillance affichée, certaines directions ont trouvé un bouc émissaire commode : le manager de proximité. Cette phrase entendue en CODIR résume tout : « Quand un manager a un problème avec un collaborateur, il faut s’interroger sur ses qualités managériales. » Derrière cette « manipulation oratoire » se cache un renoncement institutionnel majeur.
Le courage managérial ne suffit plus
Oui, nous l’affirmons : le courage managérial est indispensable. Nos cadres doivent savoir mener des conversations difficiles, recadrer, décider. Mais certaines situations d’équipe déviantes dépassent structurellement leurs prérogatives. Le refus obstiné du cadre de travail par un agent, les comportements toxiques chroniques d’un membre de l’équipe relevant du harcèlement vis-à-vis d’un collègue ou même de son supérieur, et l’incompatibilité systémique avec le collectif ne se règlent pas par des techniques de communication. Ces situations exigent des décisions institutionnelles assumées.
Or, la facilité de certaines directions renvoie systématiquement ces problèmes vers le manager, créant ainsi une injonction paradoxale insupportable : résoudre des situations pour lesquelles il ne dispose ni de l’autorité ni des moyens nécessaires. Cette démission institutionnelle produit des effets dévastateurs : démobilisation des équipes performantes face à l’impunité des dysfonctionnements, érosion du vivier managérial, dégradation du climat social.
L’absence majeure : le courage institutionnel
Si le courage managérial est abondamment conceptualisé dans nos formations, son pendant organisationnel demeure le grand absent. Le courage institutionnel impose pourtant des obligations précises : reconnaître explicitement les limites du management de proximité, protéger les managers qui exercent correctement leur mission, intervenir décisivement sur les comportements incompatibles avec les valeurs collectives.
Notre exigence syndicale
Au SNFOCOS, nous réclamons des organisations qui formalisent des processus capables de traiter rapidement les situations graves, et assument leur obligation de protection envers les cadres. Si le manager doit se questionner sur ses pratiques, l’organisation doit simultanément s’interroger sur sa capacité à protéger ceux qui effectuent correctement leur travail.
La crise managériale observable dans nos organismes n’est pas une anomalie : c’est la conséquence logique d’un système qui confond responsabilisation et abandon.