Récemment, Emmanuel Macron s’est dit prêt à ouvrir la porte à un débat sur l’âge de départ à la retraite à 64 ans, et non plus à 65 ans. Est-ce que ça change quelque chose pour vous ?
Yves Veyrier :
Non, ça ne change pas vraiment l’idée initiale puisqu’il dit que c’est toujours 65 ans. Maintenant on va jusqu’à 64 ans et on verra à ce moment-là puisqu’on sera au terme, avec le rythme qu’il propose, du quinquennat qui démarre aujourd’hui. Cela ne change pas vraiment les choses. Il faut bien avoir en tête que reculer l’âge légal de départ à la retraite, ça va obliger à devoir partir plus tard pour tous ceux qui attendent impatiemment. Même à 62 ans aujourd’hui, quand on n’a pas la durée de cotisation, c’est déjà compliqué, on subit une décote, et, d’ailleurs, beaucoup choisissent de subir une décote parce qu’ils sont fatigués, ils n’en peuvent plus. Le projet, et c’était clair d’ailleurs dans ce qui a été explicité par le Président lui-même dans les divers débats, conduirait à ce que ceux qui sont en carrière longue, qui ont commencé avant 20 ans, ou qui ont des travaux pénibles, de toute façon partiront plus tard qu’aujourd’hui. Ils partiront deux à trois ans plus tard également. Donc, non ça ne change pas grande chose !
Ça veut dire que sur ce point, vous étiez plutôt d’accord avec Marine Le Pen qui proposait une retraite à 60 ans pour les personnes ayant commencé à travailler entre 17 et 20 ans ?
YV : Je ne suis pas d’accord avec Marine Le Pen. Je suis en conformité avec les revendications que porte la confédération Force Ouvrière, ses syndicats, ses délégués, ses militants. Que certains veuillent surfer sur les revendications des syndicats dans le cadre d’une campagne politique, cela les regarde, mais nous ne nous positionnons pas ainsi. Vous savez, dans le passé nous avons eu des expériences où lorsque ceux qui arrivent au pouvoir veulent faire le bien des salariés à la place des salariés eux-mêmes, ça ne se passe pas toujours bien, même quand c’est sincère. Ce qui est important, c’est ce que FO a toujours dit : un, l’indépendance du syndicat et deux, s’assurer que le syndicat sera bien là, le moment venu, pour faire valoir les droits et l’intérêt des salariés.
Yves Veyrier la contestation de la réforme des retraites, ça fait partie d’une des crises auxquelles le Président sortant a dû faire face au cours de son premier quinquennat. Est-ce que vous êtes prêt potentiellement à une nouvelle mobilisation de grande ampleur comme cela a été le cas en 2019, en 2020. Est-ce que vous êtes prêt à accepter ne serait-ce que l’idée d’une réforme des retraites ?
YV : Les cinq confédérations sont opposées au recul de l’âge de départ à la retraite. Les cinq confédérations syndicales représentatives de ce pays. Donc, je crois qu’il faut absolument que cela soit entendu. Nous sommes en contact régulier. Nous allons à nouveau prendre contact entre nous. Je m’adresse à mes quatre homologues pour examiner ce que nous pouvons faire pour empêcher – il s’agit bien d’empêcher – ce recul de l’âge de départ à la retraite. En 2017, déjà, le Président de la République avait, dans son programme, la réforme dite du système universel de retraite par points. Il essayait de nous expliquer que son élection valait onction du suffrage universel. On sait très bien que, en 2017, comme cette année d’ailleurs, la plupart de celles et ceux qui ont voté et qui ont voté en faveur de Monsieur Macron, n’ont pas voté spécifiquement [pour cela] et ça n’est pas un référendum ou un plébiscite sur le sujet des retraites. C’était, très largement, pour des raisons multiples, et, cela a dominé le débat, contre l’extrême droite. Donc cela ne peut pas valoir plébiscite en faveur d’un recul de l’âge de la retraite. En 2017, le Président de la République n’a pas réussi à convaincre ensuite du bien-fondé puisqu’il a dû faire marche arrière à plusieurs reprises. La pandémie est arrivée par-dessus. Je retiens aussi que le Président de la République lui-même, en juin 2021, expliquait que, finalement, ce projet n’était pas le bon, qu’il fallait faire autrement parce que c’était « extrêmement complexe et porteur d’inquiétudes ». Heureusement, que son projet, pourtant dans sa campagne, n’avait pas été mis en œuvre, puisque lui-même convenait au final que ce n’était pas du tout la bonne idée.
Pour conclure, Yves Veyrier, comment est-ce que vous voyez les cinq prochaines années avec ce nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron ? Comment est-ce que vous envisagez le dialogue social ?
YV : A chaque jour suffit sa peine. Ce qui est important par rapport au dialogue social c’est de bien faire passer le message que la concertation ça ne peut pas consister à dire : je prends la décision, en l’occurrence de reculer l’âge de la retraite, et je vous demande de la mettre en œuvre. Ça ne marche pas ça ! Il faut que nous soyons entendus sur le bien-fondé des raisons que nous avançons pour nous opposer au recul de l’âge de la retraite. Nous avons des raisons, y compris au regard du financement de l’équilibre des systèmes de retraite. La question qui doit être absolument résolue c’est de faire en sorte que tout un chacun ait accès à un emploi de qualité, pérenne, dès l’entrée dans la vie active jusqu’au moment de la retraite. Le gouvernement, le Président de la République nous dit : on va reculer l’âge de la retraite mais, bien-sûr, il va falloir qu’on fasse en sorte que ceux qui n’ont déjà plus d’emploi aujourd’hui au moment de pouvoir partir à la retraite en aient un. Commençons par ça et nous verrons ensuite ! Si on garantit un emploi de qualité à toutes et tous, on aura résolu la question de l’équilibre financier des retraites.