L’intelligence artificielle (IA) est en train de transformer discrètement mais profondément le paysage de la protection sociale en France. Une étude récente menée par l’École nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S) révèle que les caisses nationales de Sécurité sociale, loin de craindre cette technologie, y voient une opportunité sans précédent.

Tout d’abord, il est essentiel de comprendre que l’IA n’est pas une nouveauté pour la Sécurité sociale. Depuis plusieurs années, elle est utilisée pour automatiser divers processus, allant des assistants digitaux aux systèmes de détection de fraude. Par exemple, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) utilise des algorithmes de datamining pour identifier les fraudes aux allocations familiales. Cependant, l’essor récent d’outils plus généralistes, comme ChatGPT, marque un tournant décisif. Ces nouvelles technologies permettent d’automatiser des tâches cognitives et créatives, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour l’amélioration des services publics.

Ensuite, l’étude de l’EN3S met en lumière le potentiel immense de l’IA pour la Sécurité sociale. Des expérimentations sont déjà en cours, notamment dans le domaine du « reporting » augmenté, de l’aide à la rédaction, et de l’interrogation de bases de données. L’Union des caisses nationales de Sécurité sociale (Ucanss) teste actuellement une aide à la recherche juridique augmentée par l’IA, incluant une assistance à la rédaction de réponses juridiques. Ces innovations ne sont que la partie émergée de l’iceberg. En effet, l’IA pourrait également transformer la relation entre les usagers et les organismes de protection sociale. Les chatbots, par exemple, pourraient devenir plus interactifs et personnalisés, offrant des réponses rapides et de qualité.

Par ailleurs, l’IA pourrait jouer un rôle crucial dans la lutte contre le non-recours aux droits sociaux. En interconnectant les chatbots avec les systèmes d’information existants, il serait possible de fournir des réponses proactives aux usagers, sans attendre une sollicitation de leur part. Cette approche permettrait de lutter contre le manque d’informations, principal facteur du non-recours aux droits. Toutefois, il est impératif de garantir la protection des données personnelles et de maîtriser les risques d’erreur. À cet égard, la mise en place d’une boucle qualité s’avère indispensable pour assurer un contrôle rigoureux à chaque étape clé du fonctionnement de l’IA.

De plus, l’IA pourrait considérablement alléger la charge de travail des agents de la Sécurité sociale. En offrant des outils complémentaires pour le traitement de dossiers, la rédaction de réponses complexes, ou encore la vulgarisation de décisions, l’IA permettrait aux agents de gagner en efficacité. Par exemple, l’IA pourrait aider à rédiger des courriers compréhensibles pour les destinataires, réduisant ainsi le volume de contentieux enclenchés par les usagers.

Cette assistance technologique, loin de remplacer les agents, les augmenterait en leur permettant de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Enfin, pour que les organismes de protection sociale puissent pleinement bénéficier des opportunités offertes par l’IA, plusieurs pistes d’amélioration sont proposées. La création d’un centre d’excellence pour l’IA entre caisses nationales permettrait de mutualiser les ressources et de créer un vivier de compétences. Par ailleurs, il est crucial d’améliorer la circulation des données entre caisses et d’expérimenter des solutions IA sur des sujets majeurs, comme la prévention pour le grand âge ou la lutte contre le non-recours. En outre, il est essentiel de communiquer sur les apports positifs de l’IA pour les usagers et de proposer des formations accompagnantes aux personnels.

En conclusion, l’IA représente une chance unique pour la Sécurité sociale de se réinventer et d’offrir des services plus efficaces et personnalisés. Cependant, cette transformation nécessite une adaptation des méthodes de travail et une formation adéquate des collaborateurs.