Vous trouverez ci-dessous la retranscription de l’interview du Secrétaire général de la Confédération FO, Yves Veyrier, invité à France Inter « La matinale » le 28 août 2021.
Laetitia Gayet : Bonjour Yves Veyrier, les syndicats font leur rentrée lundi avec une première intersyndicale où vous vous retrouverez avec FSU, Solidaires, les organisations de la jeunesse et la CGT mais pas la CFDT. L’idée c’est d’arriver groupés ou en tout cas avec une ligne commune avant d’être reçus individuellement mercredi par Jean Castex à Matignon ?
Yves Veyrier : Cette réunion avait été annoncée dès le 1er juillet, lorsque nous avions pris l’initiative d’inviter les confédérations syndicales à une réunion intersyndicale justement. A l’époque, parce que nous comprenions bien que nous avions du mal à nous faire entendre simplement, en expliquant les raisons de nos positions sur les retraites, sur l’assurance chômage, sur les questions de salaire. On entend aujourd’hui le Ministre de l’Economie inciter les employeurs à augmenter les salaires mais, quand nous avions appelé à ce que le Smic soit augmenté franchement, cela a été la plus faible augmentation, au 1er janvier 2021, de ces trois dernières années : 0,99 %. C’est assez mesquin !
On voit bien qu’à chaque fois qu’il y a des signes de reprise, le gouvernement, le Président de la République reviennent avec la réforme des retraites, qui a pourtant été très contestée, insistent sur la réforme de l’assurance chômage que les cinq confédérations dénoncent. Sur les salaires ça n’est pas ce qui nous semble nécessaire. Donc, à un moment donné, nous avons considéré qu’il fallait que nous examinions les conditions d’une expression qui prenne la forme d’une mobilisation. Nous nous étions réunis au mois de juin, avec un communiqué le 1er juillet qui annonçait que nous nous reverrions le 30 août, lundi prochain, pour examiner les formes d’une expression, d’une mobilisation qui permette de donner un signal fort, déterminé, aux pouvoirs publics, aux employeurs sur ce qui nous paraît indispensable du point de vue des droits des salariés.
LG : « Vous parlez du début juillet, depuis il s’est passé énormément de choses en deux mois avec notamment l’instauration, l’élargissement du passe sanitaire. Mais quand vous parlez de réforme des retraites, application de l’assurance chômage, élargissement du passe sanitaire… C’est une rentrée sociale pour vous ?
YV : C’est une rentrée qui est sociale, elle l’est en permanence. La rentrée sociale n’est pas un rite avec la journée de manifestation pour les syndicats. Est-ce qu’il y a une nécessité ? Est-ce que les conditions sont réunies aujourd’hui ? Nous allons entrer dans une période de présidentielles, c’est aussi le moment d’alerter tout un chacun sur la détermination, les positions qui nous paraissent essentielles du point de vue des salariés. La question des salaires, nous le voyons : les prix augmentent, l’énergie, l’électricité, le gaz, l’alimentation, et le pouvoir d’achat ne suit pas ! Y compris si les employeurs admettent enfin que les difficultés de recrutement viennent des conditions de salaire et d’emploi, eh bien ça fait longtemps que nous le disons !
LG : Les employeurs disent « il y a des pénuries dans certains secteurs donc nous allons être obligés d’augmenter les salaires ».
YV : Effectivement, si vous n’arrivez pas à recruter. Nous l’avions dit. Lorsque l’été dernier nous pensions que nous allions sortir de la crise sanitaire, Monsieur Castex venait d’être nommé Premier ministre, nous avions insisté sur le fait qu’on regarde les questions d’emploi, notamment la revalorisation de ceux qu’on a appelés la deuxième ligne mais plus largement les emplois confinés aux bas salaires, au Smic, à temps partiel. J’avais insisté sur le fait que les métiers en tension, ceux sur lesquels il y avait des difficultés de recrutement, il fallait regarder les raisons. Elles sont celles des salaires, des conditions d’emploi, de la précarité. Et, plutôt que de taper sur les chômeurs avec la réforme de l’assurance chômage, il faut résoudre ces problèmes d’accès à l’emploi et de qualité des emplois.
LG : Mais c’est précisément le sens de ma question. C’est-à-dire que pour cette rentrée-là, il faudrait être encore plus vigilant de vos points de vue syndicaux ?
YV : Il faut l’être en permanence. Au mois de juillet, nous avons rencontré le Président de la République à sa demande. Le variant Delta pointait à peine son nez. Nous étions encore dans une période durant laquelle nous pensions qu’on allait sortir définitivement de cette crise sanitaire. Et, immédiatement, on voit revenir, à grands pas, la réforme des retraites, avec le recul de l’âge, la confirmation de la détermination du gouvernement à vouloir passer la réforme de l’assurance chômage, alors qu’y compris le Conseil d’Etat, saisi par les syndicats, venait de la sanctionner. Je l’ai dit, nous sommes sur nos gardes ! Il faut être vigilant. Et, à un moment donné, si nous ne sommes pas écoutés, si nous ne sommes pas entendus lorsque nous nous exprimons quand nous rencontrons nos interlocuteurs, eh bien, le moyen d’action du syndicat c’est de s’exprimer publiquement par la manifestation, par la grève et c’est ce dont nous parlerons lundi.
LG: Vous maintenez qu’il y aura une mobilisation prévue pour le début octobre ?
YV : Nous allons nous accorder sur les conditions d’une réussite. Il faut qu’on réussisse.
LG : Il faut que vous réussissiez la mobilisation… Est-ce que les syndicats sont aussi forts qu’il y a quelques années pour faire descendre les gens dans la rue sur ces thématiques-là ?
YV : J’ai l’impression qu’une information chasse vite l’autre. Si vous vous souvenez, au moment des retraites nous avons mis, à plusieurs reprises, plus d’un million de salariés dans la rue et la grève a été très longue, notamment dans le secteur des transports. C’était un mouvement assez exceptionnel contre la réforme des retraites, avec des manifestations pratiquement deux fois par semaine, sur le temps de travail avec des journées de grève dans des secteurs où nous n’avions pas observé une participation à la grève depuis longtemps. C’était en 2019, ce n’est pas très vieux. Depuis, effectivement, nous sommes dominés par cette pandémie. Donc la priorité, qui a été la nôtre, était de se concentrer sur la préservation de la santé des salariés, les moyens de protection : le masque, le gel, aujourd’hui la vaccination, qui est le moyen de se protéger. Nous avons obtenu qu’on puisse se faire vacciner sur son temps de travail considéré comme du temps de travail effectif. Nous avons contesté les modalités du passe sanitaire, de l’obligation vaccinale, la sanction du licenciement. Cet été, nous n’étions pas absents, au contraire ! Nous étions sur le terrain. FO s’est bagarrée ! Nous avons réussi à ce qu’on retire la sanction du licenciement du projet de loi. Et nous avons obtenu, par voie de conséquence, que la rupture du contrat de travail pour les CDD ou les salariés en intérim, soit également supprimée. Nous sommes présents au quotidien sur le terrain. Je rappelle que FO, c’est plus de 20 000 implantations dans ce pays, dans les entreprises, dans les services publics, les administrations. C’est une mobilisation, un engagement de tous ses adhérents, de tous ses militants, de tous ses délégués au quotidien.
LG : Vous redoutez la fin du quoi qu’il en coûte parce que l’économie repart ?
YV : J’ai été frappé. J’ai entendu un discours en stéréo à l’université d’été du MEDEF lorsque le ministre de l’Economie et des Finances, Monsieur Bruno Le Maire, dit « c’est fini le quoi qu’il en coûte ! », que répond le MEDEF ? « Il faudra augmenter l’âge de la retraite et il faut que la réforme de l’assurance chômage s’applique immédiatement ». Je suis un peu inquiet sur le fait qu’on nous dise, demain, il va falloir payer le coût de la crise covid, de la dette générée par cette pandémie. Ce que je ne voudrais pas, c’est qu’à nouveau, reviennent les politiques d’austérité, de contraintes sur les services publics. Nous avons besoin, au contraire, de renforcer le service public. Nous l’avons suffisamment dit dans le secteur de l’hôpital notamment. Nous le disons dans le secteur de l’éducation. On manque de moyens ! Ce sont les salaires, la sécurité sociale, les retraites et les conditions de travail des salariés.
LG : Pour vous il est inconcevable qu’on remette sur le métier, avant la Présidentielle, la réforme des retraites ?
YV: Si c’était le cas, et c’est, lundi, notre objectif de donner à nouveau un signal très clair au gouvernement.
Si c’était le cas, ce dossier a donné lieu à un conflit social majeur, il donnerait lieu à un conflit important, majeur.