Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a décidé dans deux arrêts retentissants de mettre en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congés payés, en estimant que « les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle ». Cette décision s’applique à tous, de manière directe et immédiate.
En application de cette décision, en cas d’accident du travail le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail. La prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile (application classique de l’article 2224 du code civil).
Actuellement, les articles L3141-3 à L3141-5 du Code du travail conditionnent l’acquisition des congés payés à un travail effectif. Donc, le salarié ne peut acquérir de congés payés durant ses arrêts pour maladie car, par définition, il ne travaille pas.
Les arrêts de travail consécutifs à un accident de travail, un accident de trajet ou une maladie professionnelle permettent d’acquérir des congés payés dans la limite d’une année ininterrompue d’arrêt de travail.
Rien n’interdit à une convention collective de prévoir que les congés payés s’acquièrent aussi, durant les arrêts de travail pour maladie. Certaines conventions le prévoient avec une limitation de durée.
Or, les dispositions du Code du Travail dans ce domaine ne sont pas conformes au droit de l’Union Européenne car la directive sur le temps de travail datant de 2003 prévoit que tout travailleur a droit aux congés payés, tout travailleur sans exception qu’il ait travaillé ou pas, qu’il ait été en arrêt de travail pour maladie ou pas.
La Cour de cassation avait alerté depuis 2013, elle préconisait de prendre des dispositions légales pour adapter le Code du travail. Les confédérations, qui comme Force Ouvrière, avaient déjà mené des actions en ce sens, ont salué cette nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.
On notera que certaines juridictions ont déjà appliqué cette nouvelle jurisprudence ( la Cour d’appel de Paris, le 27 septembre 2023 et la Cour d’appel de Versailles, le 5 octobre 2023).
Sans surprise, le patronat redoute le coût afférent et demande une « clarification juridique ». Pour lui c’est un séisme. A savoir qu’en 2022, environ 407,5 millions de journées ont été indemnisées par l’Assurance maladie. Le MEDEF estime l’impact à « plus de deux milliards d’euros par an » pour le secteur privé, et donc potentiellement six milliards si les entreprises sont « tenues de provisionner et de verser trois années d’antériorité ».
Les employeurs « espèrent une modification législative qui limiterait la portée dans le temps, notamment son caractère rétroactif ».
Concrètement, avec 2,5 jours ouvrables de congés acquis par mois travaillé la différence est peu significative en cas d’arrêt de courte durée. Elle sera plus significative pour un arrêt long. Il semble qu’il n’y aurait pas encore de statistiques en fonction de la durée des arrêts.
– En novembre 2023, un arrêt de la Cour de Justice Européenne laisse aux « Etats » le soin d’adapter les conditions et modalités d’une mise en conformité au Droit Européen.
– Puis, par décision publiée le 8 février 2024, le Conseil Constitutionnel (saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité) vient de juger que les articles du Code du Travail sont conformes à la Constitution.
Pour fonder cette position le Conseil a écarté la méconnaissance du droit au repos, celle du principe d’égalité, celle du droit à la protection de la santé et l’atteinte à un droit ou une liberté garantie par la Constitution.
Cette position n’annule pas celle de la Cour de cassation sur le défaut de compatibilité avec le Droit Européen et les règles fixées par le Code du Travail peuvent continuer à s’appliquer…
Pour les DRH, quid de l’application de la nouvelle jurisprudence ? Quid des risques de contentieux ?
Pour la représentante du Ministère du travail il y aurait « une réflexion du gouvernement qui travaille à une évolution législative dans le délai le plus court possible avec les acteurs sociaux ». Affaire à suivre…
Le SNFOCOS restera attentif aux prochaines étapes de ce dossier.
Jocelyne Lavier d’Antonio, en charge de la Protection Sociale au SNFOCOS