La pression managériale

A priori, nous devrions être en relations bienveillantes au travail. Mais, il n’est pas rare que cela puisse se passer mal en particulier pour le management.

On attend du manager :

  • De relever des défis ;
  • De toujours faire mieux ;
  • De s’adapter, or s’adapter en permanence devient vite épuisant.

Au travail, nous vivons une course sans fin caractérisée par :

  • Etre individuellement toujours plus autonome ou inventif mais simultanément être en permanence sous surveillance, sous contrôle ;
  • Travailler avec des indicateurs, appliquer des procédures, des bonnes pratiques ;
  • Etre en terreur de l’échec, mécanisme qui développe une attention focalisée sur les détails qui, du coup, prennent du temps et font s’enliser dans ses tâches tout en paralysant dans la prise de décision.

Ce système conduit à :

  • Ne plus prendre de recul sur ce qui est essentiel dans la mission ;
  • Ne plus déléguer ;
  • Exiger la perfection pour soi-même.

La pression amène à s’auto-dévaloriser et, par ricochet, met en posture de « construire » de la concurrence, au lieu de fabriquer du dialogue entre collègues. On entre dans le paradoxe de la peur sans fondement réel : le syndrome de la précarité d’emploi.

Une pratique de management à la française, un peu spécifique, instaure le changement permanent, faisant perdre les repères et les acquis. Cette perte renvoie à des pertes – le plus souvent imaginaires mais finalement pouvant devenir réelles lorsque la confiance en soi s’émousse ou que l’adaptation au changement se distend – sur ses propres compétences, donc génère une instabilité.

Comme Taylor qui volontairement faisait éclater savoir et action (le savoir, c’est le pouvoir donc pour maintenir l’ouvrier à sa tâche maintenons-le dans l’ignorance), on fait aujourd’hui éclater le « savoir être compétent ».

Par exemple, le burn-out est un effondrement professionnel, mais aussi et même surtout un effondrement de soi … celui qui entend « tu nous as déçus ».

Aujourd’hui, le salarié souhaite faire son boulot, convenablement, avec conscience, avec compétences, donc avec stabilité. Il attend d’être reconnu pour son expertise, sa plus-value, ce qui implique de le mettre en situation bienveillante de réussite par une relative stabilité. Les collaborateurs, en tout premier lieu les managers, ne sont pas en besoin intrinsèque de changement permanent, qui plus est érigé en dogmatique fonctionnement d’entreprise ou institutionnel … même au nom de la raison publique !

Relâcher la pression

Cela présuppose d’accepter être sous pression, une pression trop forte ou trop durable. La première étape est ainsi de sortir du déni de réalité.

Pour cela, il faut rechercher les signes de connaissance de soi qui alertent :

  • Dérégulation des fonctionnements métaboliques (sommeil, récupération, fatigue, poids, appétit …) ;
  • Santé plus ou moins défaillante avec des cas pouvant devenir lourds ;
  • Relations qui se dégradent.

La pression qui stimule, le « bon stress », peut aisément atteindre négativement autrui et n’est jamais durablement bonne pour soi-même. Le travail, c’est 40 à 45 ans de sa vie qui ne peuvent pas devenir un marathon permanent. Sur une telle période, chacun a des moments de plus grande efficacité mais également de méforme : lisser la performance professionnelle comme si toutes choses étaient continuellement identiques constitue un leurre. Et leurre encore plus flagrant que de considérer tous les êtres comme identiquement capables dans leur résistance à la pression !

Autre dimension aidante … la zone de confort. Trouver sa zone de confort implique de préserver et enrichir ce qui nous identifie, nous sécurise : pour l’essentiel, nos habitudes avec leurs aspects matériels, et nos réseaux avec leurs aspects affectifs. Pour l’extrême majorité d’entre nous, ce serait clairement une erreur de croire qu’il est bénéfique de s’extraire continuellement de sa zone de confort, d’en changer tout le temps. Bien sûr, les effets sont encore pires lorsque ce déséquilibre est inattendu ou/et de source externe, ce qui pourtant constitue désormais le quotidien des cadres et directions locales.

Il convient cependant de n’être point perfectionniste : toute zone de confort contient par définition son espace et ses limites. Elle est ainsi susceptible de renvoyer à des manques, des frustrations … et en appelle donc à un dosage – qui devrait être tout ce qu’il de plus personnel et choisi – entre contentements, quêtes et abandons.

Renoncer est difficile, mais nous gagnerions à prendre conscience – ou garder conscience pour les plus chanceux – de ce qui nous fonde.

On parle sans cesse de management adaptatif, mais nettement moins d’entreprise ou institution humainement bienveillante. Pourtant, être bien dans son job ouvre les portes de la performance.

Si, en plus, vous entrevoyiez des perspectives professionnelles, cela voudrait dire que vous bénéficiez de reconnaissance et de respect …

Je m’égare, patron ?

Je m’égare, pardon !

Hervé Gringoz