La Loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 (LFSS 2018) mentionne qu’à défaut d’accord [précisant les modalités, conditions et garanties s’appliquant aux salariés dans le cadre de leur transfert vers les organismes du régime général et prévoyant, le cas échéant, les dispositions s’appliquant pour les salariés transférés à l’exclusion des stipulations portant sur le même objet des conventions collectives du régime général et des accords applicables dans les organismes dans lesquels leurs contrats de travail sont transférés], les Conventions Collectives Nationals (CCN) du Régime Général (RG) s’appliquent intégralement et à titre exclusif aux salariés transférés.
I – Les CCN du RG ne prévoient pas de dispositions/dispositifs régissant une situation analogue
Nous disposons de 3 CCN au RG, dont une CCN « de base », celle des employés et cadres. L’art 1er fixe son périmètre : elle « règle les rapports entre les Organismes de sécurité sociale, d’allocations familiales et tous autres organismes placés sous leur contrôle (Fédération nationale des organismes de sécurité sociale, Union nationale des caisses d’allocations familiales, caisses primaires, Caisses régionales vieillesse et invalidité, caisses d’allocations familiales, organismes de recouvrement des cotisations, services sociaux, Caisse de prévoyance du personnel, etc.) et le personnel de ces organismes et de leurs établissements ayant leur siège en France ou dans les départements d’outre-mer ». La sécurité sociale des travailleurs indépendants ne figure pas dans la liste.
Nonobstant cela, s’agissant des matières couvertes, le recrutement fait l’objet des articles 14 à 18. L’article 16 encadre les situations de mutation volontaire, ce qui ne correspond pas à la situation du personnel RSI qui subit une mutation d’origine politique. Aucune autre disposition ne vient régir les situations de mouvements « massifs » de personnel.
C’est pour pallier cette situation que des accords de branche ont été conclus.
II – L’accord relatif aux garanties conventionnelles dans le cadre de l’évolution des réseaux de 2013
Reprenant certaines dispositions prévues à l’art 16 CCN, notamment celles du point 4 prévoyant des compensations financières (prime de 2 mois à l’issue du stage probatoire, crédit de 3 jours de congés, remboursement des frais de transport…), un accord de branche relatif aux garanties conventionnelles dans le cadre de l’évolution des réseaux a été négocié et signé en 2013.
Or, s’agissant d’un accord de branche, il ne peut être invoqué par les salariés du RSI, a fortiori en s’appuyant sur la LFSS2018.
En effet, les accords du RG ne s’appliquent qu’aux salariés du RG :
- Avant leur transfert, les salariés du RSI sont couverts par les accords RSI
- Après leur transfert, ils seront couverts par les accords de branche du RG dans leurs relations « post transfert » avec leur organisme d’accueil
- Le passage d’un cadre conventionnel à l’autre nécessite un accord d’accompagnement et des accords de transition : le transfert constitue une zone grise qui ne peut pas être couverte par les textes RSI, pas plus que par les textes RG.
Au demeurant, cet accord a un périmètre d’application restrictivement énuméré dès son préambule : « accompagner les salariés dans le cas de :
- mises en commun entre plusieurs organismes d’une mission, d’une fonction ou d’une activité
- ou lorsqu’il y création de nouvelles structures juridiques ».
III – Les accords spécifiques négociés
C’est parce que l’accord de 2013 susmentionné a un périmètre limité que des accords spécifiques ont été négociés par l’UCANSS et les Organisations Syndicales Nationales (OSN) représentatives. Si ces cas étaient entrés dans le périmètre de l’accord de 2013, l’UCANSS et les OSN n’auraient pas pris la peine de mener des négociations. Plus précisément, les OSN n’auraient pas demandé des accords spécifiques pour le personnel des DRSM, le personnel DSI des banches maladie, famille ou recouvrement, ni plus récemment pour le personnel mis à disposition des juridictions sociales (accord Justice) impacté lui aussi par une décision politique.
Parmi ces accords spécifiques, nous en avons négocié deux cette année :
- l’accord Justice du 21e siècle
- l’accord RSI.
Chacun de ses accords intervient dans un contexte de transfert de personnel imposé par l’exécutif ce qui a justifié l’ouverture de négociations spécifiques. Les accords négociés et soumis à signature sont ainsi des constructions hybrides nourries de l’existant :
- pour l’accord RSI, il contient des dispositions reprises du protocole de 2013 ainsi que des dispositions reprises de l’accord évolution des réseaux propre au RSI
- pour l’accord Justice, il contient des dispositions reprises du protocole de 2013, et certaines reprises de l’accord RSI. Pour autant, nous n’avons pas obtenu la reprise de toutes nos revendications car l’UCANSS a indiqué que ce qui figurait dans l’accord RSI n’avait pas vocation à être étendu au RG, notamment en matière de compensation de la mobilité ou d’aide au temps partiel ou de mobilité externe.
IV – La situation du personnel RSI en l’absence d’accord d’accompagnement
Nous l’avons vu, ni la CCN du RG, ni l’accord de branche de 2013 ne pourront couvrir la situation du personnel du RSI qui est confronté à une opération de fusion absorption. Que se passe-t-il alors pour les salariés s’il n’y a pas d’accord ?
- nous avons des déclarations d’intention (de l’exécutif notamment) garantissant qu’il n’y aura pas de licenciement économique ni de mobilité géographique forcée…mais aucune sanction (ou compensation) n’est prévue en cas de non-respect de ces intentions politiques
- le non licenciement pour insuffisance professionnelle pour lequel nous nous sommes battus durant les négociations ? La porte sera grande ouverte pour que les Directeurs locaux, soucieux d’atteindre les objectifs COG de diminution des effectifs, en profitent
- la garantie en matière de qualification et de rémunération ? Les salariés se contenteront du salaire minimum hiérarchique que nous venons de signer, et peuvent oublier les éléments de salaires particuliers (au revoir l’indemnité de résidence Ile de France pour ne citer qu’elle !)…à moins que les accords de transition ne viennent rattraper les choses
- la procédure de repositionnement ? Elle pourrait se limiter à ce que prévoit la LFSS : « les contrats de travail des salariés de la caisse nationale déléguée sont transférés aux caisses nationales du régime général désignées en application de ce critère ; les contrats de travail des salariés des caisses locales déléguées sont transférés à l’organisme, désigné en application de ce même critère, dans la circonscription duquel se situe le lieu de travail de ces salariés ». Autant dire que les salariés peuvent oublier les entretiens, le droit au regret/de rétractation, le recours à la cellule de mobilité.
- le plan d’accompagnement et de formation individualisé ? L’enveloppe supplémentaire pour la formation ? Les formations ? Au bon vouloir des directeurs locaux et comme pour tout salarié du RG, il faudra faire une demande lors des entretins annuels et autant dire qu’ils vont perdre des mois à attendre…
- l’aide au passage à temps partiel dès 55 ans avec indemnisation dégressive de la perte de salaire pendant 3 ans ? Ce dispositif n’existe pas au RG donc s’ils veulent du temps partiel, ils assumeront la perte de salaire (comme tout salarié)
- la retraite progressive ? Ce sera du cas par cas.
Et nous arrivons à l’acmé de la négociation : la mobilité.
La mobilité n’est pas encadrée par les conventions collectives nationales du régime général, mais par des accords de branche. Donc que la LFSS 2018 indique que la CCN s’appliquera à défaut d’accord signifie de facto que les salariés n’auront rien. Nous avons négocié des accords pour la DSI et pour le personnel mis à disposition des juridictions sociales parce que les personnels ne rentraient pas dans les critères de l’accord évolution des réseaux de 2013. La situation du personnel RSI (le tableau comparatif des garanties offertes par les accords Réseau, RSI et Justice est clair sur ce point) ne fait pas exception : objectivement, il ne s’agit pas d’un cas de mise en commun entre plusieurs organismes d’une mission, d’une fonction ou d’une activité, ni de la création de nouvelles structures juridiques ! Nous sommes face à ce que le secteur privé qualifierait de fusion absorption et dans pareil cas, soit un accord spécifique vient apporter des garanties, soit il n’y a pas de garanties !
Donc tout salarié de l’ex RSI rejoindra l’organisme dans la circonscription duquel se situe son lieu de travail.
Et sur ce point, citons Mme BUZYN lors de la séance à l’assemblée nationale le 29 novembre 2017 suite à la question du député REBEYROTTE :
Vous le voyez, c’est le retour du bassin d’emploi, cette notion contre laquelle nous nous sommes battus durant plusieurs séances pour éviter qu’elle ne puisse se retrouver dans un prochain accord régissant le personnel du Régime Général…et pour laquelle l’opposition avait été mise en avant !
De fait, ce serait des accords locaux qui, hypothétiquement, viendraient « accompagner » les mobilités, lesquels accords seraient soumis à l’agrément du COMEX et de la DSS. Ces derniers seraient-ils enclins à valider des accords plus généreux que l’accord de branche qui est ouvert à la signature ? Peu probable.
En tout état de cause, il convient de relever que la LFSS 2018 indique que les CCN du RG seront d’application immédiate en cas d’absence d’accord de transition, et non en cas d’absence d’accord d’accompagnement. En effet, ce sont les accords de transition qui doivent prévoir le passage d’un cadre conventionnel à l’autre, et le législateur a donc prévu qu’en cas d’absence d’accord, il y aura automaticité de l’application des CCN.