Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 contient une mesure qui suscite l’inquiétude des syndicats et des associations de défense des droits sociaux : la réduction drastique de la durée d’indemnisation des arrêts maladie, accompagnée de la suppression du contrôle médical semestriel.
Un raccourcissement brutal des droits à indemnisation
La réforme prévue dans le PLFSS 2026 modifie profondément les règles d’indemnisation des salariés en arrêt maladie. Jusqu’à présent, après un examen médical à six mois, les indemnités journalières pouvaient être prolongées jusqu’à trois ans, que le patient soit atteint d’une affection de longue durée (ALD) exonérante ou non.
Le nouveau dispositif plafonne cette durée à 360 jours, soit une année complète, supprimant simultanément le contrôle médical intermédiaire qui permettait d’évaluer la nécessité de prolonger l’indemnisation. Cette double mesure touche particulièrement les patients souffrant de pathologies lourdes non classées en ALD exonérante : polytraumatismes, séquelles neurologiques ou maladies chroniques invalidantes.
La disparition d’un mécanisme protecteur
Le contrôle médical semestriel ne constituait pas uniquement un dispositif de vérification des arrêts de travail. Il représentait un mécanisme de protection sociale essentiel, permettant d’éviter le basculement des malades vers des dispositifs moins favorables comme le chômage, le RSA ou les pensions d’invalidité.
Cette évaluation régulière garantissait également un accompagnement médical dans la durée, facilitant l’accès aux soins lourds et aux traitements de longue durée sans crainte de perte de revenus. La suppression de ce « filet de sécurité » laisse craindre une approche purement comptable, déconnectée des réalités sanitaires et sociales.
Des économies budgétaires au détriment de la solidarité
L’objectif affiché de cette réforme s’inscrit dans la volonté du gouvernement de maîtriser l’augmentation des dépenses d’indemnités journalières, qui ont progressé de 28% entre 2019 et 2023, atteignant 11,3 milliards d’euros en 2024. Cette croissance s’explique à 60% par des facteurs démographiques et économiques, mais 40% proviennent de l’augmentation du nombre et de la durée des arrêts.
L’économie escomptée, estimée à 300 millions d’euros, s’accompagne d’autres mesures restrictives comme la limitation des primo-prescriptions d’arrêts de travail à 15 jours en médecine de ville et 30 jours à l’hôpital. Ces dispositions témoignent d’une approche globale visant à réduire les dépenses de protection sociale.
Des conséquences sociales préoccupantes
Pour les salariés touchés par cette réforme, les alternatives à l’indemnisation prolongée s’avèrent nettement moins protectrices. L’invalidité nécessite des procédures longues et complexes, avec des pensions souvent modestes. Le passage au chômage n’est possible que sous conditions de cotisations, excluant de nombreux malades de longue durée.
Quant au RSA, il représente un filet de sécurité minimal, assorti d’une stigmatisation sociale importante.
Cette réforme intervient dans un contexte où les syndicats, notamment Force Ouvrière et le SNFOCOS, dénoncent déjà d’autres projets de démantèlement du service public de santé, comme la suppression annoncée du service du contrôle médical de l’assurance maladie.
Une remise en cause des fondements solidaires
Au-delà des enjeux budgétaires, cette réforme questionne la vocation même de la sécurité sociale. En supprimant le contrôle médical semestriel tout en réduisant drastiquement la durée d’indemnisation, le législateur privilégie une logique d’économies à court terme au détriment de la mission protectrice du système social français.
Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large de restriction des droits sociaux, où l’efficience budgétaire prime sur la solidarité nationale. Les conséquences de cette réforme risquent de se faire sentir durablement sur les populations les plus fragiles, confrontées à la maladie et à la précarité.