Un des avantages d’avoir (beaucoup) d’ancienneté dans la carrière « sécu » est de pouvoir prendre un peu de recul pour analyser une des conséquences majeures pour nous, agents de la sécurité sociale, quel que soit l’emploi occupé.

Il y a presque un an, lors d’une réunion de concertation avec le Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites (HCRR), nous avons été destinataires (comme à chaque fois) d’un document, celui que j’évoque traitait des conditions d’ouverture des droits (COD).

La diapositive 9 est particulièrement éclairante sur les effets néfastes d’un système intégral en points, et encore un peu plus pour les cadres et agents de direction.

Sous le titre « le système universel offre plus de liberté dans les conditions de départ », on peut lire, en allusion à un ou « des âges de référence » qui permettent d’effectuer « un libre choix » :

Une manière strictement équivalente serait de déterminer un ou des « âges de référence » permettant aux assurés deffectuer leurs choix.

 Ce ou ces âges seraient présentés aux assurés à lapproche de leur départ afin de les accompagner dans larbitrage quils ont à faire entre le niveau de pension (ou le taux de remplacement) et l’âge de départ.

 

  • On pourrait par exemple indiquer aux assurés le ou les âges (ou une durée travaillée) leur permettant datteindre un objectif 1) soit en termes de niveau de pension ou 2) soit en termes de taux de remplacement (75% du dernier salaire par exemple) : dans ce dernier cas, les âges de référence des assurés à carrières plates et à revenus faibles seraient effectivement plus bas que ceux des assurés à carrières ascendantes et à revenus élevés, lesquels auraient besoin de partir plus tard pour obtenir un taux de remplacement équivalent

 

  • Une option alternative serait de définir un âge de référence commun à tous les assurés dune même génération  –Si une telle approche était retenue, lapplication du coefficient reviendrait à définir, comme aujourdhui, un système de décote/surcote autour de ces âges de référence 

 J’attire votre attention sur les assurés à carrières ascendantes : même si on n’est plus dans les années 90 où on pouvait compter sur une augmentation de près de 2% par an (à qui la faute ?), force est de constater que les carrières dans nos organismes sont « ascendantes », entendez par là que même en restant au même niveau hiérarchique toute sa vie active, le coefficient du début est plus faible que celui de la fin de carrière.

Que dire alors des collègues cadres ou agents de direction ?

Sauf à méconnaître la réalité comme un simple ancien élève d’une grande école menacée, lorsque on veut progresser, il faut aller chercher des concours ou des examens. Je n’évoque même pas ici la mobilité professionnelle ou géographique.

Pour me faire comprendre, en 40 ans « de sécu », je n’ai jamais vu un directeur « naître » directeur (pour un cadre c’est la même chose) y compris pour les collègues qui viennent du concours externe.

Plus la carrière est ascendante (on pourrait dire « pentue ») plus le système intégral à points est pénalisant.

Que tout le monde se rassure, si vous êtes dans cette situation (et nous y sommes tous) vous aurez « besoin de partir plus tard pour obtenir un taux de remplacement équivalent » à ce que l’on connaît aujourd’hui.

C’est le HCRR qui l’écrit !

La raison tient dans le calcul de la future pension : quand vous basez le salaire annuel moyen (SAM) sur les 25 meilleures années, forcément c’est plus favorable que si vous faites la moyenne de toutes les années (là le niveau scolaire requis doit être CM1).

Est-il utile de rappeler qu’avant 1993 c’était les dix meilleures, et, pour les plus anciens, la moyenne des trois dernières années ?

Enfin, sur ces départs « plus tard », et s’il en était besoin, nous avons la confirmation que dans un régime intégral en points, le levier important est celui de l’âge…

Quant à la « liberté de la date de départ », nous avions respectueusement expliqué au HCRR, en 2019, que ce scoop avait 16 ans, c’est dans la loi depuis 2003, confortée dans celle de 2014…

En conclusion : la double peine ! Individuellement tous les cadres seront donc perdants et en plus ils seront les premières victimes des réorganisations avec la création de la CNRU.

Une seule solution : se mobiliser contre le projet.

 Philippe Pihet, Conseiller retraites de la Confédération