A l’occasion des 30 ans du cycle Actualité Protection Sociale, l’EN3S a organisé une journée de colloque autour du thème « Quelle protection sociale pour le XXIème siècle ? » le 15 novembre 2019.

Riche de 17 intervenants, dont Dominique LIBAULT et Jean Paul DELEVOYE, cette journée de prospective a été l’occasion de rappeler et/ou de mesurer l’importance des défis auxquels la protection sociale est confrontée.

Comme l’a rappelé à juste titre Dominique LIBAULT, la Sécurité sociale n’est pas qu’un héritage du passé. Elle doit en effet, être un acteur de la société de demain.

Qui dit être un acteur dit penser la Sécurité sociale de demain. C’est alors penser le vivre ensemble en assimilant que le futur n’est jamais la suite du présent !

Partant, face aux enjeux démographiques, migratoires et au vieillissement de la population, la Sécurité sociale (et plus largement le modèle français de protection sociale) doit interroger ses fondements.

La solvabilisation pose la question du financement, laquelle en appelle à la réflexion plus large autour de la confiance des citoyens vis-à-vis de la Sécurité sociale, ainsi que de l’acceptabilité/l’adhésion des citoyens, voire de la combinaison entre fécondité et immigration pour alimenter les ressources du système

Le maillage territorial pose la question de l’accès (égal ?) aux droits et aux services. C’est presque un choc de civilisation qui est à l’œuvre entre l’avènement des papy boomer d’un coté et la montée en puissance des générations X, Y et Z de l’autre : vision de l’avenir, conscience politique, sociale et/ou écologique, rapport au collectif et à la solidarité…sont autant de thèmes qui peuvent les opposer. Mais c’est davantage sur l’accès aux droits et services que la différence peut se faire en raison notamment de l’émergence de nouveaux besoins (ceux liés à la dépendance des plus âgés…) et des évolutions technologiques (le besoin d’avoir accès depuis son smartphone à tout et tout le temps pour les plus jeunes…).

Les transformations numériques interrogent notre contrat social au regard de l’effectivité de l’accès à la Sécurité sociale. L’impact du rapport CAP22 à cet égard n’a pas été évoqué directement mais le glissement vers le tout numérique, les fermetures d’accueils physiques, la participation aux Maisons France Service en sont autant de manifestations. Comme l’a souligné Julien ORLANDINI, Directeur de la CAF du Var, la dématérialisation n’est pas nécessairement problématique sauf quand elle est rendue obligatoire.

Tout agent de direction d’un organisme de Sécurité social se reconnait dans ce constat et a certainement eu à s’interroger sur le placement du curseur : jusqu’où aller dans l’accompagnement des usagers dans les accueils physiques alors même que ces lieux sont transformés en espaces numériques ?

Quelle(s) réponse(s) apporter à la fracture numérique quand il faut rendre des comptes au niveau national sur le recours à internet (y compris pour de la prise de RDV) ?

Comment se donner les moyens d’accompagner quand il est plus facile de rendre du personnel au niveau des accueils physiques « grâce » au tout numérique ?

La question du maillage territoriale et de l’accès aux droits et services a soulevé une autre réflexion autour de la manière de mieux accompagner les citoyens.

La fracture numérique n’est pas qu’une question de génération mais aussi, et surtout, d’exclusion territoriale (les zones blanches) et/ou sociale (difficulté de se doter d’outils ou de se former pour les populations précaires).

Sur ce point, la réponse politique interroge syndicalement.

En effet, politiquement, il est évident que les citoyens ont besoin que les organismes de sécurité sociale s’associent pour bénéficier d’un parcours d’accès aux droits et services. La création d’un Dossier Social Partagé est souhaitable pour y parvenir et sortir de l’effet de silos, du cloisonnement que les citoyens ont du mal à comprendre à l’ère du numérique.

Toutefois, ce décloisonnement qui a été évoqué, et plébiscité par Jacques LE CACHEUX, Président du Conseil d’Orientation Scientifique de l’EN3S, doit-il justifier une restructuration des réseaux ?

Il est difficile de raisonner derrière le voile de l’ignorance pour un salarié d’un organisme de Sécurité sociale, a fortiori pour un agent de direction, et davantage surement lorsqu’il est syndicaliste, lorsqu’il s’agit d’envisager des mutualisations. Quand Jacques LE CACHEUX dit que le système français est trop compartimenté, trop opaque et qu’il convient de mutualiser différemment les tâches des différents organismes de sécurité sociale de façon à mieux répondre et mieux accompagner les défis de la protection sociale au XXIème siècle, il porte une vision de théoricien qui vient heurter un édifice : la Sécu de 45 !

En faisant cela, il s’inscrit pourtant dans la lignée des déclarations de MM. REVEL et MAZAURIC qui expliquaient que les CPAM et les CAF avaient vocation à se rejoindre sur certaines activités (notamment au sujet des services autour de la maternité et de la petite enfance). Même si les Caisses nationales affirment vouloir maintenir les accueils physiques, les projets de mutualisation de l’accueil entre services publics ne peuvent qu’obérer la capacité d’écoute et de traitement personnalisé des situations difficiles et complexes que connaissent les assurés précaires. Cette mutualisation paraît en ce sens également contradictoire avec l’objectif de réduction des droits non exprimés, donc non traités, par cette population.

D’où l’importance du maintien du maillage territorial que représente l’organisation actuelle de la Sécurité sociale.

Monsieur LE CACHEUX s’inscrit surtout dans l’article 51 du PLFSS 2020 qui prévoit un « élargissement des possibilités de créer des caisses communes de Sécurité sociale ».

Pour l’instant, l’objectif affiché est « d’assurer la soutenabilité des activités dans les organismes départementaux de taille réduite » !

Mais à terme, si l’école qui forme les futurs managers et agents de direction promeut elle-même la mutualisation, qu’adviendra-t-il du personnel et des agents de direction ? Moins de caisses, ce sont moins de postes et moins de possibilités de mobilité et/ou d’évolution pour les agents de direction…et moins d’élèves à former pour l’EN3S !

 Réfléchir à l’avenir de la protection sociale est une nécessité. Chaque agent de direction doit se l’approprier en qualité de citoyen, de salarié et d’agent de direction pour que la réflexion qui se mènera nécessairement soit éclairée par nos remarques et nos revendications !

Alain GAUTRON,

Secrétaire général du SNFOCOS