Selon les dispositions de l’article 21 de notre convention collective (« protection juridique » des agents de direction) :
« L’agent de direction poursuivi en justice pour des faits liés à l’exercice de son activité bénéficie de la pris en charge par son organisme employeur de ses frais de défense. Lorsque l’agent de direction est condamné en raison d’une faute personnelle et qu’elle se révèle détachable de l’exercice de son activité, les frais de défense sont remboursés par l’agent de direction »
Si l’on met en parallèle la « protection fonctionnelle » des fonctionnaires, l’inquiétude est de mise à la lecture d’une décision récente du Conseil d’Etat.
A l’origine de la décision : un recours engagé à l’encontre d’une note du Secrétariat Général du Gouvernement en date du 2 avril 2024 adressée aux Secrétaires Généraux et aux Directeurs et Directrices Juridiques des Ministères.
Dans cette note ayant pour objet « le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics », la Secrétaire Générale du Gouvernement, partant du constat que « plusieurs procédures mettant en cause des fonctionnaires (…) ont été engagées par la nouvelle chambre du contentieux de la Cour des Comptes » , précise les conditions dans lesquelles la protection fonctionnelle peut être accordée.
La Secrétaire Générale du Gouvernement distingue ainsi trois cas de figure : « la protection dans l’exercice des fonctions contre les menaces et attaques que l’agent peut subir » la protection en matière civile, la protection en matière pénale. Tout en rappelant que les juridictions financières (la chambre du contentieux de la Cour des Comptes et la Cour d’appel financière) ne sont ni des juridictions civiles, ni des juridictions pénales.
Par ailleurs, la SGG écarte également le troisième cas de figure, usant d’une terminologie qu’il vous revient d’apprécier :
« Les poursuites devant la chambre du contentieux de la Cour des Comptes, puis le cas échéant devant la Cour d’appel financière, peuvent difficilement être assimilées à des « attaques » au sens de l’article L 134-5 du code général de la fonction publique qui vise à protéger le « fonctionnaire victime » alors que dans le cas d’une mise en cause au titre d’une infraction financière c’est le « fonctionnaire coupable » qui est concerné par des poursuites engagées dans la grande majorité des cas par des autorités publiques » (sic)
Conclusion de la SGG : les fonctionnaires ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont mis en cause devant les juridictions financières …
A défaut de protection fonctionnelle – et pour les seuls cas où « la défense de l’agent mis en cause rejoint l’intérêt du service lui-même » – la SGG estime « très opportun » de « mobilise(r) des ressources internes (conseil juridique, fourniture d’informations, recherche dans les archives (…), préparation aux auditions) et d’organiser des « points réguliers » avec l’agent mis en cause.
Le tout pour aboutir à une ultime mesure censée rassurer les gestionnaires publics : « l’organisation de formations à destination des gestionnaires publics afin de leur présenter le nouveau régime et de les aider à prévenir toute mise en cause serait également très bienvenue » (re-sic). En bref, une protection fonctionnelle en mode « dégradé » ?
Un recours auprès du Conseil d’Etat
En fait deux requêtes en annulation pour excès de pouvoir, dont l’une émanait de l’ancienne DGA de l’Institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement.
Pour la « petite histoire » , ladite DGA avait dans un premier temps bénéficié de la protection fonctionnelle mais la délibération de son conseil d’administration précisait que cette protection pouvait lui être retirée pour le cas où « une doctrine interministérielle conclurait qu’elle a été incompétemment accordée » …
Principaux éléments tirés de la requête … et de la décision du Conseil d’Etat
- La requérante invoquait notamment une méconnaissance du principe d’égalité : les fonctionnaires ne bénéficieraient pas de la protection fonctionnelle alors que les salariés du secteur privé bénéficient de la protection juridique accordée par leur employeur
- Cette protection aurait dû être accordée en application d’un principe général du droit à la protection fonctionnelle (à cet égard, et pour celles et ceux qui seraient intéressé(e)s, les conclusions du rapporteur public – qui demandait la « consécration jurisprudentielle » de ce principe – méritent d’être consultées)
Une « fin de non recevoir » du Conseil d’Etat, qui consacre la note du SGG …
La (double) requête a en effet été rejetée par décision rendue le 29 janvier dernier.
A souligner notamment, ces deux extraits de la décision :
- Sur le principe d’égalité : « Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en l’état de la jurisprudence du juge judiciaire, ce principe imposerait aux employeurs de garantir les salariés de droit privé faisant l’objet de poursuites devant la Cour des comptes pour l’une des infractions énumérées aux articles L. 131-9 à L. 131-15 du code des juridictions financières. La société UGGC Avocats et Mme C… ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que les dispositions litigieuses, telles qu’interprétées par la note de la secrétaire générale du Gouvernement, introduiraient une différence de traitement injustifiée entre les agents de droit public et les salariés de droit privé en privant les premiers du bénéfice de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont poursuivis devant la Cour des comptes»
- Sur le principe général du droit à la protection fonctionnelle: « Toutefois, lorsqu’un agent public est mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes dans le cadre du régime de responsabilité des gestionnaires publics prévu aux articles L. 131-1 et suivants du code des juridictions financières, s’il est toujours loisible à l’administration de lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense, ce principe n’impose pas à la collectivité publique de lui accorder une protection. Par suite, la société UGGC Avocats et Mme C… ne sont pas fondées à soutenir que la secrétaire générale du Gouvernement aurait méconnu le principe général du droit à la protection fonctionnelle en estimant qu’un agent poursuivi devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes n’était pas fondé à s’en prévaloir »
Le SNFOCOS reste et restera vigilant quant aux conséquences d’une réforme hâtive et inachevée de la « responsabilité des gestionnaires publics » pour les agents de direction (DCF en particulier) ainsi que pour les fondé(e)s de pouvoir.
Le SNFOCOS n’oublie par ailleurs pas sa revendication relative à la revalorisation de l’indemnité de maniement de fonds
Le SNFOCOS vous défend, collectivement mais aussi individuellement : n’hésitez pas à nous contacter à snfocos@snfocos.fr.