C’est par une Loi de décembre 1972 que le législateur a décidé d’une couverture de retraite complémentaire pour tous les salariés du privé et d’en attribuer le pilotage aux partenaires sociaux, gestion exclusivement paritaire.

Environ 26 millions de salariés cotisent au régime AGIRC-ARRCO qui verse la partie retraite complémentaire à 13 millions de retraités. 87 milliards de prestations ont été versées en 2022. La « règle d’or » des gestionnaires du régime impose de conserver six mois de versement d’avance en réserve, sur un horizon de 15 ans.

Aujourd’hui les réserves s’élèvent à 68 milliards d’euros. Elles sont importantes mais ne peuvent, comme le croit le gouvernement, être considérées comme de simples excédents. Elles sont nécessaires pour faire face à la transition démographique.

Déjà dans son projet initial de réforme des retraites dite « systémique » l’Exécutif envisageait la mise sous tutelle de la gestion des réserves des régimes donc au premier titre celles de l’AGIRC-ARRCO.

Puis la LFSS pour 2020 avait posé les bases d’un transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire vers l’URSSAF. Dénoncé par les partenaires sociaux le dispositif a finalement été abandonné par le gouvernement qui s’était entêté pendant plus de deux ans. Le stratagème n’était en réalité qu’une première étape pour l’État de mettre la main sur les réserves.

Cette fenêtre s’étant fermée le gouvernement entre par la porte.

C’est à l’occasion des négociations ayant pour objet de déterminer les règles du régime unifié AGIRC-ARRCO pour la période 2024-2026 : fin du malus, revalorisation à hauteur de l’inflation ou pas, cumul emploi retraites… que l’Etat s’est invité dans le paritarisme pour affirmer sa volonté de puiser dans les réserves de la retraite complémentaire.

L’exécutif réclame un à trois milliards annuels d’ici à 2030, considérant qu’il s’agit d’une participation financière au relèvement des petites pensions promis dans sa dernière réforme des retraites. Il estime que l’AGIRC-ARRCO a un devoir de solidarité pour un retour à l’équilibre général du régime des retraites.

Sans accord des syndicats, le gouvernement menace de passer en force dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Toujours la même méthode…

Or, les réserves appartiennent à l’AGIRC ARRCO donc aux retraités du privé et juridiquement dans notre pays le droit de propriété est inviolable et sacré (principe énoncé dans la déclaration de 1789).

Pour l’AGIRC-ARRCO un milliard d’euros équivaut à 1,1 % de revalorisation des pensions. En décidant de ponctionner les finances du régime de retraite complémentaire des salariés du privé quelle sera la capacité laissée aux partenaires sociaux pour augmenter les pensions ?

Force Ouvrière, s’oppose au « détournement de fonds » par l’Etat de la retraite complémentaire des salariés du privé mais n’ignore pas la question de la solidarité pour les petites pensions. C’est aux gestionnaires de définir le contenu et les modalités de dispositifs de solidarité en direction des allocataires du régime AGIRC-ARRCO.

Le SNFOCOS dénonce la propension des pouvoirs publics à s’attaquer une fois encore au paritarisme.  Il constate que le pilotage prudent a permis au régime de retraite complémentaire des salariés du privé de passer l’épreuve financière de la pandémie et de ses confinements et que les résultats obtenus sont le fruit de négociations fréquentes, souvent serrées. Cette gestion paritaire exemplaire de l’AGIRC-ARRCO conforte la place et le rôle des partenaires sociaux dans la démocratie sociale.

Jocelyne Lavier d’Antonio, en charge de la Protection sociale au SNFOCOS