Cher(e)s Camarades,
Depuis 25 ans, de « réformes en réformes », tous les régimes et le code des pensions civiles et militaires ont été touchés. Le résultat est le même partout : diminution des droits des retraités et futurs retraités.
Entre report de l’âge légal et allongement de la durée d’activité, tous les salariés sont logés à la même enseigne. Les différents âges de départ dans les régimes spéciaux ou encore la fonction publique deviennent de plus en plus « virtuels » pour celle ou celui qui veut bénéficier d’un taux plein.
Un système universel en points fera référence à l’intégralité des carrières et non plus au 25 meilleures années ou aux 6 derniers mois.
Ainsi, dans le privé, il faudra ajouter aux « 25 meilleures » les 17 ou 18 « pires », sans parler de l’intégralité des carrières dans le public… Comment seraient compensés le travail à temps partiel subi, le chômage ? Le travail à temps partiel subi est « féminin » à 80%, statistiquement, les femmes ont plus de difficultés à réintégrer le marché du travail après une deuxième maternité.
Un régime en points servira donc mécaniquement une pension inférieure à ce qu’elle aurait été avec les régimes existants.
Un système universel ne règle en rien le sujet de l’âge de liquidation de sa pension. Il a été évoqué lors des rencontres « des âges de départ ».
Cela pose deux types de dérives :
- S’il existe des âges de départ, en fonction notamment de la génération à laquelle on appartient, cela fait référence à la technique dite des comptes notionnels. Cette technique pratique la solidarité intra générationnelle et non inter générationnelle, en opposition avec la promesse électorale du candidat devenu Président.
- Avec la contrainte que le niveau des dépenses de retraite (13,8% PIB) ne sera pas augmenté, on se trouve dans une enveloppe fermée, ou un système à cotisations définies. Et dans un tel système, des « coefficients majorants » compenseront l’obligation de fait de retarder son départ pour en bénéficier faute d’une pension suffisante au moment de l’âge légal !
C’est le mécanisme mis en place par les signataires de l’accord AGIRC ARRCO, que nous avons dénoncé parce qu’il fragilise les plus vulnérables. Dans le privé, 50% des personnes qui font leur demande de retraite ne sont plus sur le marché du travail (invalidité, chômage, ASS…). Ce sont elles qui « paieront » les coefficients majorants.
Les rencontres bilatérales ont permis aussi de constater que quelques catégories de cotisants bénéficieraient de dérogations. Quid alors du minimum de pension qui devrait être mis en place ?
Si le minimum (contributif) est le même quelle que soit sa catégorie, alors « un euro ne rapportera pas le même rendement… »
Les défenseurs de cette nouvelle « réforme » argumentent en critiquant le passé. Madame la Ministre n’a pas hésité à employer le terme « bricolage » en évoquant les 25 dernières années.
Les mêmes qualifient « d’illisible » le système actuel. Mais le futur le sera-t-il ? On peut en douter, doublement. Le système actuel, même si le déchiffrage peut être technique, n’exclut nullement de constater que telle catégorie, à travers son régime, fait œuvre de solidarité vis-à-vis d’autres catégories.
Demain, si le projet aboutissait, le système serait en réalité opaque : dans une enveloppe globale de cette taille (environ 315 Mds€), l’information de la solidarité nécessaire ne serait plus disponible.
Et qui garantirait que l’Etat employeur, par exemple, s’acquitte toujours de ses obligations pécuniaires envers ses agents ?
Autre sujet d’inquiétude, la réversion. Certes, il existe une dizaine de règles sur l’attribution de cette prestation en fonction du régime du défunt.
Le 19 Avril 2018, lors du premier colloque au Sénat, Madame la Ministre déclarait qu’il n’y aurait pas « d’alignement par le bas ». Dans ce cas, il reste deux possibilités : le statu quo ou l’alignement par le haut (60% du droit direct du défunt sans mise sous conditions de ressources).
Le nouveau système offrirait plus de liberté dans le choix de la date de « départ » en retraite, nous dit-on.
Aujourd’hui, les régimes laissent une plage « de choix » entre 60 et 70 ans, voire au-delà. Comme évoqué plus haut, celles et ceux qui peuvent et qui veulent rester sont libres de le faire, mais cette liberté s’appuie et n’a de sens que sur la base de la garantie d’un droit qui dépend dans les faits du niveau de pension auquel on peut aspirer dès le moment du départ légal ?
Qu’apporterait le nouveau système ? Nous l’avons dit, à enveloppe de dépenses constante, l’âge fixé à 62 ans devient un leurre si la pension est à minima, insuffisante pour boucler les fins de mois !
A propos de l’âge de départ, une étude récente vient conforter les précédentes : le souhait est majoritairement de partir dès que possible pour profiter de la retraite le plus longtemps possible.
Pour revenir aux questions financières, une fois rappelé que la retraite représente pratiquement 14 points de la richesse nationale (PIB), il faut aborder le sujet des réserves qui ont été constituées dans certains régimes.
Au total, quelques 128 Mds € ont été épargnés par quelques régimes, quel serait leur avenir ? Un élément de réponse a été donné cet hiver par le Haut-Commissaire : « les réserves n’appartiennent pas aux cotisants » !
En cas de régime universel unique, public, comment seraient qualifiées ces sommes ? Quelle que soit la réponse, FO pointe l’inégalité des situations dans ce qui serait devenu un impôt.
Enfin sur ce thème des réserves, lorsqu’il est fait allusion au système suédois, il est bon de rappeler que lors du changement en Suède, le montant des réserves représentait environ 30% du PIB…
Dernier point dans cette longue énumération, pourtant non exhaustive, les conditions de départ anticipé.
Que ce soient les carrières longues, le service actif dans la fonction publique (ses trois versants) ou encore dans les régimes spéciaux, les rencontres avec le HCRR ont permis de redire nos revendications bien sûr, mais aussi d’avoir le sentiment que « l’alignement » auquel faisait allusion Madame la Ministre il y a presque un an, se ferait plutôt par le bas.
Nous avons au contraire demandé, afin de prendre en compte, enfin, la pénibilité dans le privé (ce qu’il reste des dispositions de la loi de 2014 est indigent) un alignement par le haut, en fonction des métiers et activités exercées.
Un seul exemple, les personnels soignants (aides-soignants, agents de service hospitalier en clinique ou en EHPAD) ont des métiers usants, quel que soit le statut de l’employeur : offrons à toutes et tous la possibilité d’un départ anticipé.
Cet argumentaire, forcément incomplet, ne peut faire l’impasse sur certaines suggestions récentes, notamment la proposition d’une indexation des pensions en fonction de leur niveau.
Contrairement à ce que déclarait le Président de la République le 9 Juillet dernier devant le Congrès, la retraite est un droit, pas une libéralité accordée aux anciens par les actifs. Prospérer dans cette vision pourrait saper le fondement de ce qu’est la retraite aujourd’hui, un système contributif et solidaire basé sur la répartition.
Les générations actives versent des cotisations qui leur ouvrent des droits et servent les pensions aux anciens.
Une indexation différenciée viendrait détruire le contrat social entre les générations, et constituerait une rupture d’égalité de traitement sur un droit.
Tous ces items, et d’autres bien sûr, ont été abordés, et cette circulaire retrace les déclarations de la délégation FO dans ces rencontres bilatérales afin.
Bien évidemment, la première des déclarations reste, et restera la résolution du Congrès de Lille :
« Le Congrès revendique le maintien des régimes de retraites tels qu’ils existent aujourd’hui : régime général, régimes spéciaux ainsi que les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO gérés paritairement. […] la retraite n’est pas une prestation d’assistance mais un droit que se sont constitué les travailleurs tout au long de leur carrière. »
Amitiés syndicalistes,
Philippe PIHET, Secrétaire Confédéral Yves VEYRIER, Secrétaire Général