Observations Force ouvrière sur l’amendement N°2233 au PLFSS 2025 portant suppression du service du contrôle médical de l’assurance maladie
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Lancé à la hâte de manière unilatérale par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, un projet de suppression du Service du contrôle médical a récemment vu le jour et vient d’être appuyé par le gouvernement qui a déposé un amendement (N°2233) au Projet de Loi de Finance de la Sécurité sociale (PLFSS 2025).
Ce projet est dommageable pour tous les assurés sociaux et met en péril les fondements et l’équilibre de la Sécurité sociale.
En effet, que ce soit pour les affections de longues durée (ALD), les arrêts de travail, les invalidités et les inaptitudes, les médecins conseils du Service du contrôle médical rendent des avis strictement médicaux, dénués de toute autre considération, dont dépendent les conditions de vie des assurés. Une fois cet avis médical rendu, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) délivre les prestations sociales qui correspondent à l’état de santé de l’assuré.
Ainsi le projet gouvernemental de supprimer le Service du contrôle médical pour en faire un service intégré à la CPAM conduit à une concentration de tous les pouvoirs jusqu’à présent séparés. La CPAM deviendrait ainsi juge et partie alors que, jusqu’ici, les décisions prises par le service médical, en toute indépendance, s’imposent à la Caisse chargée de servir les prestations.
Cette disparition du Service du contrôle médical, indépendant des CPAM, fait peser une grande menace sur le démantèlement de la Sécurité sociale et sur le service rendu aux assurés, à fortiori les plus fragiles frappés par la maladie et la précarité. Un service médical dont les spécificités sont l’indépendance et l’impartialité, la déontologie et le secret médical.
Pour aller plus loin sur le sujet nous mettons à votre disposition les éléments ci-dessous.
Propos sur la gouvernance
D’un point de vue global, FO ne peut que souligner son inquiétude face au projet de suppression du service du contrôle médical qui relève d’un certain mépris des conseillers de la CNAM.
Le conseil de la CNAM a été informé le 10 octobre 2024 d’un projet de transformation du service médical non pas pour avis mais pour simple information alors même que les conseillers doivent être saisis sur ce qui concerne les droits des assurés sociaux.
Nous l’avons indiqué dans notre déclaration lue en conseil, nous ne pouvons pas admettre que ce projet, unilatéralement décidé par le directeur de la CNAM, qui répond à une demande du gouvernement, s’impose aux assurés.
Le Service du Contrôle médical
Le service du contrôle médical se caractérise au cœur de notre Sécurité sociale par son indépendance et son impartialité pour rendre des avis que la Caisse primaire doit appliquer : les décisions rendues par le service du contrôle médical sont incontestables par les Caisses dont le rôle est de servir les prestations.
L’exposé de motifs de l’amendement précité est très éloquent en la matière : « Les économies permises par cette réforme, notamment grâce aux renforcements des actions de contrôle et de lutte contre la fraude qu’elle permettra par le déploiement d’effectifs, sont estimées à 114 Millions d’euros par an à terme et 23 millions d’euros dès 2025.
Force Ouvrière voit dans cette manœuvre de suppression du service médical, non pas un moyen de faire des économies de structure, mais des économies à grande échelle contre les assurés sociaux menacés notamment sur leurs arrêts de travail et les ALD.
Les impacts de la suppression du service du contrôle médical
- Le Service du contrôle médical reste l’unique garant de l’indépendance et de l’impartialité tant pour les assurés que pour les professionnels de santé
Le service du contrôle médical c’est le garant des décisions médicales indépendantes des logiques administratives et financières des Caisses, de sorte que les praticiens conseils n’ont aucun lien hiérarchique avec les CPAM chargées de la liquidation des prestations.
Cette indépendance permet alors de rendre des avis médicaux objectifs et justes sur des questions sensibles telles que les arrêts de travail, les affections longue durée (ALD), des maladies professionnelles, l’invalidité et la retraite pour inaptitude médicale.
Au-delà de cette relation de confiance entre les assurés sociaux et les praticiens de santé, le service du contrôle médical, par son expertise, assure également un accompagnement médical permettant de réguler les pratiques tout en préservant l’intérêt des assurés. Cette indépendance est essentielle pour le bon déroulement de coordination des soins.
En effet, l’objectif de ce projet est de réduire le service médical à un simple service administratif diffusant de simples constats, sous le contrôle de la CPAM.
D’ailleurs le nouvel alinéa 9 de l’article L.315-1 du code de la sécurité sociale issu de l’amendement précité prévoit : « est entendu par service du contrôle médical le ou les services d’un organisme national ou local de sécurité sociale dans lesquels les personnels exercent les missions relevant du contrôle médical … ».
Nous lisons également dans l’exposé des motifs : « La CNAM resterait garante du respect de l’indépendance technique des praticiens conseils du réseau, ce qui pourrait notamment s’incarner par le pouvoir de nomination de ces directeurs médicaux par le directeur général de la CNAM ».
Tout d’abord, permettez-nous, de vous demander ce qu’il convient d’entendre par indépendance technique ? et en quoi le Directeur de la CNAM serait le garant de cette indépendance qui est garantie par le code déontologique et le code de la santé publique ?
Nous assistons à un changement de paradigme, ce ne sont plus les décisions rendues par le service médical qui s’impose à la Caisse, mais bien l’inverse.
Les professionnels de santé perdront ainsi leurs interlocuteurs privilégiés et se retrouveront dès lors face à des décisions plus strictement comptables, détachées des réalités médicales.
Et la disparition de cette indépendance et cette impartialité entraine de facto un recul de la qualité des services rendus aux assurés sociaux et une remise en cause de leur confiance vis-à-vis de leur système de protection de santé.
- Le service du contrôle médical : un service garant du secret médical
Le contrôle de l’état de santé du malade au regard d’une prestation suppose l’intervention d’un médecin qui a le droit d’accès au dossier médical du patient.
En fusionnant les missions médicales avec les activités administratives des Caisses, la confidentialité des données de santé des assurés serait compromise : Ce sont 60 millions de français dont les données de santé ne seront plus protégées.
C’est pour toutes ces raisons que Force Ouvrière dénonce ce projet porté par la CNAM et le gouvernement, marque sa vive opposition à cet amendement en en demandant la suppression.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur les parlementaires l’expression de ma haute considération.
Eric GAUTRON
Secrétaire Confédéral en charge du Secteur Protection Sociale à Force Ouvrière