Alors que le gouvernement a initié une OPA sur le RSI par le régime général, d’aucuns pensaient que c’en était fini avec le « Sécu bashing ». C’était une erreur.

Depuis plusieurs années, les attaques à l’égard de la Sécu sont légions. Outre les démarches des « libérés », de nombreux économistes et politiques voient dans la Sécu un modèle dépassé et surtout un poste de dépenses qui entrave le développement économique.

La Cour des Comptes n’est pas en reste dans cette bataille. Dans son rapport annuel sur les comptes de la Sécurité Sociale, elle stigmatise chaque année telle ou telle activité, résultat, etc.

Désormais, c’est au tour d’un petit nouveau d’entrer dans la danse : la Fondation IFRAP. Le 16 novembre dernier, elle a publié une étude qu’elle classe dans la rubrique emploi et politiques sociales et portant (en principe) sur les 102 CPAM. L’intitulé de cette étude a de quoi surprendre : Palmarès de l’absentéisme en CPAM.

De quoi s’agit-il ?
La Fondation a sollicité desdits organismes la communication de leur bilan social. Face au refus de certains, elle a saisi la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) qui lui a donné raison : le bilan social d’une caisse primaire d’assurance maladie est un document administratif au sens de la loi de 1978 et communicable à qui en fait la demande.

Dont acte car en soi, c’est une bonne nouvelle pour tous ceux qui souhaiteraient consulter pareil document pour un organisme chargé d’une mission de service public.
Toutefois, la suite est moins louable.

D’abord, parce que la Fondation a nommément listé et donc stigmatisé 7 organismes ayant refusé d’adresser ledit document (on ne sait d’ailleurs pas s’il s’agissait de refus implicites ou explicites, ni si les demandes avaient été adressées valablement).

Ensuite, parce que ladite Fondation a exploité les données de manière assez déloyales.

En effet, dans sa présentation, elle fait mention des absences en les distinguant entre « absences toutes causes » (sans lister les causes possibles), « absences pour maladie seule » et « absences pour toutes causes autres que parentalité ».

Il en ressort que sur les 55 bilans exploitables (sur un total de 102 caisses rappelons-le), une moyenne de 36,82 jours d’absence par agent toutes causes confondues.

Puis, on a des palmarès avec les « meilleures caisses », les caisses « les moins performantes ».

Et l’étude se réfère alors au Maitre ès Critique : dans son rapport de 2016 sur les comptes de la Sécu, la Cour de conclure que « le constat d’un absentéisme récurrent, élevé et fortement disparate selon les organismes, traduit la faible attention portée à cette question, pourtant majeure en termes de vie au travail, comme de productivité ».

Productivité…le mot est lancé car oui, ne l’oublions pas, pour certains, la Sécurité Sociale, c’est un groupe d’entreprises et qui dit entreprise, dit productivité ! Oublions la qualité du service rendu, oublions les finalités sociales…
Là encore, la fondation a obtenu des chiffres car le classement des CPAM sur critère de productivité existe et il est défini comme étant le rapport entre les dépenses de référence et le nombre de bénéficiaires consommant pondéré (BCP).

Il sera peut être intéressant de voir ces chiffres dans le contexte des mutualisations pour vérifier si la sacrosainte productivité est au rendez-vous, et de confronter cela avec les enquêtes de satisfaction réalisées auprès des assurés…mais il s’agit là de croisements qui n’intéressent pas la Fondation ni la Cour des comptes !

Après tout, quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage…

Pour finir, on pourra toutefois s’interroger sur le lien causal entre ces éléments et les actions de contrôles menées dans certains organismes. En effet, au-delà des opérations de contrôle à domicile effectuées auprès des assurés en arrêt de travail, certaines caisses ont pu saisir l’opportunité pour contrôler des salariés de nos organismes, ciblant parfois ceux qui « ont souvent des arrêts de travail » (quid de la définition du « souvent » ??).

Argument avancé par les directions : du fait d’un maintien de salaire, le malade doit être présent chez lui et ne pas bénéficier des sorties libres (sic) !

Chafik EL AOUGRI, membre de la CCPE, SNFOCOS