Un arrêté fixant les conditions d’agrément des Ingénieurs-conseils et des Contrôleurs de sécurité des CARSAT, CGSS et CRAMIF a été signé il y a maintenant plus d’un an, le 17 février 2015 (Journal officiel du 28 février 2015).
Conformément aux engagements pris au Congrès de Carry-le-Rouet en Mars 2015, le SNFOCOS a introduit un recours en Conseil d’État pour abus de pouvoir contre cet arrêté.
Cette procédure est à ce jour toujours en cours…
En attendant, début février 2016, la circulaire* n° DSS/SD2C/2016/30 de la direction de la Sécurité sociale signée de son directeur Thomas FATOME est venue apporter quelques précisions sur les conditions de délivrance, de suspension et de retrait du dit agrément.
Pas une mission, mais un métier !
En préalable, il est important de préciser que les Ingénieurs-conseils et les Contrôleurs de sécurité n’ont pas une mission : ils ont un métier, un contrat de travail, un emploi et un employeur.
Pour les salariés du Régime général de la Sécurité sociale qui représentent environ 80% des salariés actifs, la mission de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles qui est confiée par l’Article L. 215-1 du Code de la Sécurité sociale à la CNAMTS et aux CARSAT, CGSS et CRAMIF est la suivante : « Intervenir dans le domaine des risques professionnels, en développant et en coordonnant la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et en concourant à l’application des règles de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles et à la fixation des tarifs. »
Plus aucune référence en matière de diplôme ou encore d’ancienneté industrielle pour le recrutement des Contrôleurs de sécurité
Dans sa Lettre ministérielle DSS/AT n° 10 du 5 février 1990 – aujourd’hui abrogée – relative au recrutement, à la formation et à l’agrément des Contrôleurs de sécurité du Service prévention des CRAM, le directeur de la Sécurité sociale de l’époque demandait que les candidats justifient « d’un bon niveau de connaissances en produisant un BTS ou un DUT obtenus dans les activités industrielles ou un diplôme au moins équivalent. » Dans cette même lettre ministérielle, les candidats devaient avoir « une bonne connaissance du milieu industriel » justifiée par « trois ans de pratique industrielle exigée si possible comme agent de maîtrise. »
Aujourd’hui, seule « une connaissance opérationnelle du monde de l’entreprise » est simplement nécessaire : c’est un minimum !
Pour le recrutement des Ingénieurs-conseils : on sauve les meubles !
Pour ce qui concerne les Ingénieurs-conseils, les conditions de recrutement et de traitement ne changent pas. L’avenant à la Convention collective nationale du personnel du 9 juillet 1963 pour les Ingénieurs-conseils garantit les exigences en matière d’ancienneté industrielle, les candidats devant toujours justifier « d’un minimum de cinq années d’activité professionnelle dans un emploi nécessitant la mise en oeuvre des techniques de l’ingénieur. » et en matière de diplôme, en faisant référence à la Loi du 10 juillet 1934 relative aux conditions de délivrance et à l’usage du titre d’ingénieur diplômé.
Un parcours de formation enfin unifié
L’organisation du parcours de formation initiale des Ingénieurs-conseils et des Contrôleurs de sécurité, le contenu des séquences de formation et de l’accompagnement des candidats, ainsi que le dispositif d’évaluation sont définis par la CNAMTS. Ce parcours de formation identique pour les deux corps fait intervenir en alternance, l’organisme régional ayant procédé au recrutement, l’EN3S et l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité).
Des conditions de délivrance, de suspension et de retrait de l’agrément presque identiques
La nouvelle circulaire de la Direction de la Sécurité sociale précise les conditions de délivrance de l’agrément par la CNAMTS, mais surtout les conditions de sa suspension et/ou de son retrait à l’initiative du directeur de l’organisme régional.
Délivrance …
Concernant les conditions de délivrance de l’agrément, il faut souligner la notion « d’agrément provisoire » délivré à l’issue des trois premiers mois de formation. En effet, son obtention conditionne la poursuite du cursus de formation qui permet de passer ainsi, l’écueil de l’Article 17 de la CCNP (titularisation au plus tard après 6 mois de présence) et de recourir ainsi à des procédures de licenciement douloureuses et couteuses à la fois pour les candidats, mais aussi pour l’Institution.
Suspension…
Trois motifs de suspension dont les deux premiers sont « automatiques »:
En cas de suspension du contrat de travail ;
En cas d’affectation sur un nouvel emploi au sein de l’organisme, hors champ des risques professionnels ;
Lorsque les garanties d’intégrité ou les aptitudes professionnelles ne sont plus avérées.
Dans ce dernier cas, la suspension de l’agrément se veut « préventive » pendant la période d’instruction du dossier pour manquement au respect des principes d’impartialité, de neutralité, de confidentialité, de probité et de loyauté ou encore durant la période d’acquisition des compétences défaillantes.
En attendant, la conséquence est simple : plus aucune mission nécessitant la détention de l’agrément.
Retrait : la peste ou le choléra…
Trois motifs de retrait dont les deux premiers sont « automatiques » :
En cas de rupture du contrat de travail ;
En cas de fausses informations ou de faux documents délivrés par le candidat en vue de son recrutement ;
Lorsque les garanties d’intégrité ou les aptitudes professionnelles ne sont plus avérées.
Ce dernier cas ressemble à s’y méprendre au troisième cas de suspension de l’agrément ! Mais ici, le résultat de l’instruction du dossier est défavorable à l’Ingénieur-conseil ou au Contrôleur de sécurité où malgré les mesures d’accompagnement, les aptitudes professionnelles ne sont toujours plus avérées.
Comme le précise la nouvelle circulaire, les conséquences du retrait de l’agrément ne sont pas prévues par le législateur !
En clair, l’Ingénieur-conseil ou le Contrôleur de sécurité redevenu « simple » agent de la Sécurité sociale aura le choix entre accepter de travailler avec de nouvelles conditions contractuelles que l’on peut aisément imaginer moindre ou alors accepter le licenciement !
Il faut rappeler ici que les Ingénieurs-conseils évoluent sur une grille spécifique de classification du Niveau 10 au Niveau 12 et que les contrôleurs de sécurité évoluent sur la grille de classification des Agents et des Cadres à partir du Niveau 7, leur parcours professionnel n’excédant que très rarement le Niveau 8, la plupart d’entre eux restant toute leur carrière durant au Niveau 7.
En conclusion
Pour le SNFOCOS, cette circulaire de la Direction de la Sécurité sociale du 3 février 2016 n’apporte quasi aucune précision aux dispositions de l’arrêté du 15 février 2015.
En effet, même si les manquements doivent être établis par des éléments objectifs et que l’Ingénieur-conseil ou le Contrôleur de sécurité visé par cette procédure aura la possibilité de s’expliquer – par oral ou par écrit – sur les faits qui lui sont reprochés, beaucoup de questions restent sans réponse :
Quelle objectivité en matière d’impartialité, de neutralité, de confidentialité, de probité et de loyauté, d’aptitudes professionnelles non avérées ou encore de compétences défaillantes ?
Quel cadre conventionnel pour ces procédures de suspension et notamment de retrait pouvant conduire au licenciement ?
Quel rôle pour le Conseil de discipline ou encore le Conseil national de discipline spécifique aux Ingénieurs-conseils, puisqu’il ne s’agit pas de discipline ?
Quels voies et délais de recours ?
On ne sait pas… On ne sait rien…
Ces nouvelles dispositions fragilisent les Ingénieurs-conseils et les Contrôleurs de sécurité dans l’exercice de leur métier de préventeur au service de la mission de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles confiée à la CNAMTS et aux CARSAT, CGSS et CRAMIF.
Ces nouvelles dispositions fragilisent les Ingénieurs-conseils et les Contrôleurs de sécurité dans l’exécution de leur contrat de travail et dans leurs relations de travail avec leur employeur.
Ces nouvelles dispositions déqualifient le métier de Contrôleur de sécurité en supprimant purement et simplement les conditions minimales de diplôme et d’ancienneté industrielle, cette suppression entraînant à terme, des conséquences sur le niveau d’emploi et de la rémunération.
Ces nouvelles dispositions viennent alimenter encore et toujours l’austérité dénoncée par FORCE OUVRIERE comme « économiquement, socialement et démocratiquement suicidaire. »
Frédéric LORANGE
Secrétaire national en charge de la Branche AT-MP et des conditions de travail