Avec l’aimable autorisation de Tripalio – Mickaël Ciccotelli
Alors que l’inflation atteint des niveaux qu’elle n’avait plus connu depuis plusieurs années – cette configuration étant probablement durable – les personnels de la Sécurité sociale (IDCC 218 et 2793), ainsi que leurs représentants, attendent beaucoup de la négociation salariale conventionnelle qui s’y est récemment ouverte.
Escomptant, en particulier, une hausse de la valeur du point, ils font pourtant face à des directions et à une tutelle étatique qui s’évertuent, justement, à ne pas procéder à une telle hausse.
Les propositions salariales inventives de la Sécurité sociale
A la Sécurité sociale, depuis le milieu du mois de février, l’UCANSS, représentant les directions des caisses, et les organisations syndicales de salariés, sont engagées dans la négociation salariale conventionnelle annuelle. Du point de vue des employeurs et de la tutelle étatique, cette négociation paraît devoir se faire sans emporter de conséquences budgétaires trop importantes. Aussi font-ils en sorte d’avancer des propositions salariales reposant sur d’autres mesures. Ainsi, lors de la réunion de négociation de février, l’UCANSS aurait défendu l’opportunité d’une mesure de hausse des bas salaires – définis comme inférieurs à 115 % du SMIC – pour 15 millions d’euros, et de primes, ciblées elles aussi, pour 5 millions d’euros. Cette proposition a été rejetée par la représentation salariale, qui soulignait qu’elle ne concernait que 15 à 20 % des effectifs et qu’elle était en outre insuffisante.
Ne jugeant pas nécessaire de changer leur fusil d’épaule, les dirigeants de la Sécurité sociale sont revenus, à la mi-mars, à la table des négociations avec une nouvelle proposition salariale. Elle consistait, là encore, à déployer des trésors d’inventivité afin de ne pas toucher à la valeur du point. Par le moyen d’une enveloppe supplémentaire de 28 millions d’euros, il était question d’augmenter de 200 euros par salarié le montant de l’intéressement versé. “Plus exactement, l’UCANSS a expliqué qu’elle allait mettre à la signature ses projets d’accords salariaux à la fin du mois de mars 2022 et qu’ils intégreraient un paragraphe supplémentaire indiquant que l’employeur s’engage à ouvrir une négociation visant à l’attribution d’un complément d’intéressement de 200 euros” précise le SNFOCOS, le syndicat FO des cadres des organismes sociaux. Ainsi l’UCANSS considérait-elle avoir finalisé la négociation salariale 2022.
Critiques syndicales tous azimuts
Prenant connaissance de cette nouvelle proposition patronale, les représentants des personnels de la Sécurité sociale ne l’ont pas vraiment accueillie avec enthousiasme. “Tour à tour, les organisations syndicales ont fait part de leur incompréhension” affirme ainsi le SNFOCOS, qui s’emporte : “Le SNFOCOS attend mieux de l’employeur et des pouvoirs publics que de nous octroyer un plein et demi de gasoil à 2.30€ le litre !”. Pour la CGT, le “mépris” des employeurs pour les salariés n’était plus acceptable. De manière comparable, la CFE-CGC a fustigé une “proposition employeur totalement déconnectée de la réalité”. Plus modérée sur la forme, la CFTC a exprimé sa “grande déception” auprès de l’UCANSS, tandis que la CFDT sortait quelque peu de sa réserve habituelle, s’élevant contre une attitude patronale “inacceptable et incompréhensible pour tous les salariés de la Sécurité Sociale”. L’ambiance se réchauffait donc à la Sécurité sociale.
Hélas pour les employeurs et la tutelle étatique, ces critiques syndicales s’accompagnaient systématiquement d’une même revendication : la hausse de la valeur du point. Une signature d’un protocole d’accord ne comprenant pas une hausse de cette valeur était exclue. Autrement dit, sans changement sensible de la position de l’UCANSS, il y a tout lieu de penser que la négociation salariale conventionnelle de la Sécurité sociale va échouer. Or, si un tel changement n’est pas tout à fait exclu – les élections approchant, des évènements inespérés peuvent survenir… – il demeure pourtant improbable. Si l’échec de cette négociation salariale devait alors se confirmer, le dialogue social interne à la Sécurité sociale connaîtrait sans doute d’importantes perturbations. Les motifs de mécontentement, voire d’exaspération, des salariés, étant nombreux à la Sécurité sociale ces derniers temps, il convient même de prendre au sérieux l’hypothèse d’un déclenchement d’un conflit social.