La journée de mobilisation du 13 octobre à l’appel de l’intersyndicale et dans un cadre européen a montré la détermination des travailleurs à faire aboutir leurs revendications pour les salaires, l’égalité femmes-hommes et contre l’austérité. 200 000 manifestants ont défilé sur le territoire. Paroles de militants FO à Paris.
Quelque 20 000 manifestants à Paris, 10 000 à Marseille, mais aussi 2 000 à Toulon et Grenoble, 1 500 à Metz, 700 à Saint-Nazaire, 650 à Périgueux… Le 13 octobre, les travailleurs ont réinvesti la rue, à l’appel de l’intersyndicale et plus largement de la confédération européenne des syndicats (CES). Une mobilisation pour les salaires, pour l’égalité femmes-hommes et contre l’austérité.
A Paris, où le cortège est parti de la place d’Italie vers les Invalides, l’atmosphère était combative : comment expliquer qu’il y a encore dix ans, on vivait assez bien avec deux salaires, mais que désormais les Restos du cœur n’arrivent plus à faire face, tant la demande des familles est forte ? Cet appauvrissement des travailleurs est scandaleux. Alors aujourd’hui, on se bat pour que les salaires soient augmentés. C’est vital, d’autant avec l’inflation qu’on subit. Et, plutôt que de casser nos droits, il faudrait augmenter les salaires. Cela permettrait par les cotisations, d’augmenter les recettes des caisses, pour la retraite et le chômage ! s’emporte Kevin Feltz, responsable de la section FO Com en Ile-de-France.
Salarié à la Poste, le jeune militant ne décolère pas contre le gouvernement qui saigne les travailleurs les plus précaires, ainsi avec les économies forcées sur l’assurance-chômage. Il dénonce aussi le mépris des employeurs, qui traînent les pieds pour rouvrir les clauses de revoyure sur les salaires. A la Poste, où la moyenne des salaires est à peine au-dessus du Smic, la revalorisation, de 3 %, au printemps dernier est très insuffisante. On a à peine rattrapé la moitié de l’inflation souligne-t-il. En juillet, FO a ainsi demandé la réouverture des négociations dans le cadre de la clause de revoyure. Mais la direction retarde les discussions. Nous sommes le 13 octobre, or les premières négociations ne s’ouvriront qu’à la fin du mois. C’est long pour les postiers qui ont déjà du mal à boucler les fins de mois.
« Le patronat ne peut pas se plaindre… »
Dans le cortège parisien, on peut noter les mêmes propos d’insatisfaction dans les rangs de la FGTA-FO. En juillet, pour sortir d’une situation de paralysie dans l’hôtellerie-restauration, le syndicat a accepté de signer l’accord de branche réhaussant a minima les premiers niveaux de la grille salariale passés en dessous du Smic. Mais il va falloir y revenir, se battre pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Le patronat ne peut pas se plaindre d’avoir 200 000 à 300 000 postes vacants dans l’hôtellerie et la restauration tout en payant légèrement au-dessus du Smic pour des métiers aussi pénibles juge Nabil Azzouz, secrétaire fédéral en charge de la filière à la FGTA-FO. Et de rappeler que le secteur a été largement aidé par l’État pendant la crise du Covid avec un accord APLD que nous avons refusé de signer faute de garanties de maintien d’emplois. Ce qui renvoie à la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, un des dossiers que FO porte de longue date et qui sera mis sur la table dans les prochains jours lors de la conférence sociale organisée par le gouvernement. On ne plus continuer comme ça, martèle Nabil Azzouz, sans se poser la question de conditionner les aides que perçoivent les entreprises. Concrètement, le gouvernement doit cesser de rester sourd à la demande syndicale en la matière.
« Le 20 du mois, on ne s’en sort plus »
Hôpital, Education… Dans le cortège parisien, les militants FO ont souligné leur détermination à défendre le service public et beaucoup s’inquiètent d’une privatisation rampante : je suis très inquiet pour le statut des agents hospitaliers. En Ile-de-France, la présidente de la Région, Valérie Pécresse aimerait reprendre la gestion de l’AP-HP (sous tutelle des ministères de la Santé et du Budget, Ndlr) avec l’ARS (qui n’a pour l’instant qu’un avis consultatif sur l’AP-HP, ndlr). Il y a une volonté de resserrer l’étau, de territorialiser l’accès aux soins, ce qui pourrait encore aggraver les injustices dénonce Sadi, délégué FO à l’hôpital Rothschild. Quant aux salaires, pour lui, les mesures salariales issues du Ségur de la Santé en juillet 2020 n’ont rien changé à l’hémorragie des effectifs chez les aides-soignants et les infirmières, qui préfèrent aller travailler dans l’intérim où ils gagnent mieux leur vie. 160 lits sur 360 seraient fermés à l’hôpital Rothschild faute de personnel a calculé Sadi, brancardier, 36 ans d’ancienneté… et un salaire de 1850 euros net. Ce n’est pas assez. Le 20 du mois, on en est à se faire dépanner financièrement parce qu’on ne s’en sort plus. Vous trouvez ça normal ?
« Pour une école publique de qualité pour tous »
A quelques pas, dans le cortège, le secteur de l’Education nationale conteste le niveau minime de la récente revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, +1,5 % en juillet (+3,5% en juillet 2022). Largement insuffisant. Après des années de gel du point, et alors que l’inflation est forte, – la hausse des prix de l’alimentaire est autour de 15 % sur un an -, le pouvoir d’achat des enseignants continue de s’effondrer. Et ils en ont marre des primes ! fustige Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC-FP FO.
Quant aux moyens dédiés à l’éducation nationale… Le secteur est à l’os, s’indigne-t-il, rappelant les grèves, les manifestations organisées devant les écoles, entre autres en Ile-France, pour obtenir l’ouverture de classes supplémentaires. On manque de tout : d’enseignants, de remplaçants de longue durée, de personnels administratifs. La fédération FO se bat et se battra contre l’austérité infligée à l’éducation nationale, le PLF 2024 prévoit encore 2500 postes en moins dans les écoles pour l’année prochaine, au nom d’une baisse démographique s’indigne Clément Poullet, fustigeant l’attitude du ministère, lequel préfère surcharger les classes. Ce que nous défendons aujourd’hui, c’est aussi une école publique de qualité pour tous…
Ariane Dupré, journaliste à l’InFO militante