Le 29 mars 2018, une journée thématique sur l’Europe et la protection sociale s’est tenue dans les locaux de la Confédération Force Ouvrière. Riche en échanges, dotée d’intervenants qualifiés (professeur de droit, représentants du CTIP et de l’AEIP, président de l’observatoire Européen de la protection sociale, secrétaire confédéral, représentants des mutuelles…), la journée fut l’occasion d’évoquer un thème majeur et d’une actualité forte : l’avenir de la protection sociale.
En l’état, il n’existe pas de modèle européen de protection sociale et une harmonisation parait inenvisageable tant les disparités sont fortes entre Etats membres de l’Union Européenne. Pour autant, face à l’essor du travail détaché et à l’itinérance des européens qui s’éloignent du modèle « daté » du travail à vie pour le même employeur, l’Europe a décidé de s’emparer de la question pour garantir aux citoyens que nous sommes le respect de nos droits et le bénéfice d’une protection sociale. Objectif avoué : chaque citoyen doit être en mesure d’accumuler des droits en échange de cotisations. Pour reprendre les termes du président Juncker lors de son discours sur l’état de l’union européenne en 2017 : « Nous devrions faire en sorte que toutes les règles de l’UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace par un nouvel organisme européen d’inspection et d’application des règles. Il y a quelque chose d’absurde à disposer d’une Autorité bancaire pour faire appliquer les normes bancaires, mais pas d’une Autorité commune du travail pour veiller au respect de l’équité dans notre marché unique. Nous devons la créer. »
Ce volontarisme se traduit concrètement par la création d’une Autorité européenne du travail. Structure vouée à être permanente, elle devrait être composée d’agents détachés des Etats membres à l’horizon 2019. A cet égard, alors même que le paritarisme est attaqué en France, il convient de souligner que Mme THYSSEN, commissaire européenne pour l’emploi, les affaires sociales, les compétences et la mobilité des travailleurs, a récemment appelé les Etats membres et les « partenaires sociaux » à prendre leurs responsabilités.
Il s’agit dès lors de comprendre et/ou de prendre conscience de ce qui est à l’œuvre. De fait, jusqu’à présent, la protection sociale demeure une compétence partagée entre le niveau européen et les Etats membres. La «compétence partagée» signifie que l’UE et les États membres peuvent adopter des actes juridiquement contraignants dans le domaine concerné. Toutefois, et c’est là qu’il est évident que nous sommes à la croisée des chemins : les États membres ne peuvent le faire que si l’UE n’a pas exercé sa compétence ou a explicitement cessé de le faire. Avec la mise en place de l’Autorité Européenne du Travail, l’Europe semble s’emparer de la matière de sorte qu’il faut s’interroger sur la profondeur du champ de compétence qui restera à la France, et in fine aux organisations syndicales.
Force Ouvrière est, de longue date, un acteur de l’évolution du système français de sécurité sociale. Il s’agit désormais pour nous de nous approprier le sujet de l’Europe sociale et de participer activement à ce projet de création d’une autorité européenne afin de défendre le modèle français et le faire rayonner sur l’Europe. Comme a pu le dire John F. KENNEDY : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays.
Chafik EL AOUGRI, membre de la CPPE