Deux arrêts rendus par la Chambre sociale le 17 avril 2019 (n°17-26724 et n°18-60173) ont apporté de précieuses précisions sur le dispositif de représentation équilibrée femmes-hommes.
Malheureusement, comme un arrêt précédent (Cass. soc., 9-5-18, n°17-14088, PBRI), les enseignements à tirer de ces deux arrêts ne sont pas toujours aisés à appréhender.
- L’annulation de la liste est-elle envisageable dans le cadre d’un contentieux préélectoral ?
En l’espèce, un contentieux préélectoral avait été intenté afin d’obtenir l’annulation d’une liste.
La Cour de cassation estime qu’une telle demande ne pouvait aboutir au motif que l’annulation des listes n’est pas prévue par la loi.
Le tribunal d’instance : A déduit à bon droit que seules les sanctions prévues à l’article L. 2324-23 du code du travail [devenu L.2314-32] étaient applicable. La sanction ne peut consister qu’en l’annulation d’élus mal positionnés ou en surnombre et non en l’annulation de la liste dans sa totalité.
Semble découler, implicitement, de ce constat le fait que le non-respect des règles de représentation équilibrée ne peut faire l’objet QUE d’un contentieux post-électoral (et non préélectoral).
- Lorsqu’au moins deux postes sont à pourvoir, les listes doivent-elle respecter une obligation de mixité ?
L’obligation de mixité s’impose lorsque deux postes, ou plus sont à pourvoir et ce, peu important la proportion de femmes et d’hommes dans le collège.
Cette obligation de mixité consiste à présenter des listes comportant nécessairement deux candidats de sexe différent dont l’un au titre du sexe sous représenté dans le collège considéré.
- Les listes incomplètes sont-elles admises ?
Une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidat que de siège à pourvoir.
Mais alors, le principe de représentation équilibrée doit-il s’appliquer au regard du nombre de personne inscrite sur la liste, ou au contraire doit-il s’appliquer sur la base d’une liste complète ?
La Haute Cour, n’est pas très claire (et les faits de l’espèce encore moins !). Une liste incomplète est possible : dès lors que la liste respecte les prescriptions de l’article L. 2324-22-1 [devenu L 2314-30] du code du travail à proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré. Des précisions ultérieures sur ce point semblent s’imposer. En tout état de cause, la liste incomplète présentée doit comprendre un candidat de chaque sexe (un homme et une femme) et le nombre de femmes et d’hommes présentés ne doit pas excéder la proportion d’hommes et de femmes dans le collège considéré.
- Comment déterminer les élus, dont l’élection doit être annulée, en présence d’une liste avec un sexe surreprésenté ?
En cas de sexe surreprésenté, la règle est la suivante (art. L 2314-32) :
Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
En l’espèce, une liste avait été présentée avec une femme en surnombre. Cette femme en surnombre était en cinquième position sur la liste. Seule la femme figurant en première position a été élue.
Cette élection devait être annulée ? Oui nous répond la Cour de cassation dans la mesure où il s’agissait de la seule élue du sexe surreprésenté.
Exemple :
Un collège pour lequel il y a 6 membres à élire, 60 % de femmes et 40 % d’hommes, soit une répartition proportionnée de 4 femmes/2 hommes.
Une liste est présentée comme suit :
Homme 1
Femme 1,
Homme 2,
Femme 2,
Homme 3,
Femme 3.
Il y a donc une surreprésentation des hommes.
Hypothèse 1 : La liste obtient trois élus, c’est l’élection de l’homme 2 qui doit être annulée
Hypothèse 2 : La liste obtient 1 élu : l’homme 1. Cette élection doit être est annulée.
- Mais alors comment appréhender cette règle en présence d’une liste raturée ?
L’annulation du candidat du sexe surreprésenté nécessite de prendre en compte, au préalable, les ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés (Cass. soc., 17-4-19, n°18-60173).
En l’espèce, dans un collège il y avait 92 % d’hommes et 8 % de femmes. 7 sièges étaient à pourvoir soit une obligation de présenter 6 hommes et 1 femme (cf. obligation de mixité).
Une liste avait été présentée avec 7 candidatures masculines.
Homme 1
Homme 2
Homme 3
Homme 4
Homme 5
Homme 6
Homme 7
Il y a donc une surreprésentation des hommes.
La liste obtient 2 élus.
Le candidat présenté en première position sur la liste a réuni plus de 10 % de rature sur son nom ce qui n’était pas le cas du second.
Ainsi, est élu en première position l’homme 2 et en seconde position l’homme 1.
Selon la Cour de cassation, c’est l’élection de l’homme 1 qui doit être annulée.
Cette dernière rappelle que le non-respect des règles sur la proportionnalité entraîne l’annulation de l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.
Pour appliquer cette règle, le juge tient compte de l’ordre des élus tel qu’il résulte, le cas échéant, de l’application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés.
Toutes ces subtilités rendent le dispositif de la représentation équilibrée de plus en plus difficile à appréhender.