Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 a été examiné par les Conseils d’administration des Caisses nationales.
A chaque fois, Force Ouvrière a émis un avis défavorable. Et pour cause, ce projet contient des mesures rejetées unanimement.
Pour s’en convaincre, deux exemples sont emblématiques.
Un projet de loi de « non-financement » selon les mutuelles
Les mutuelles de la FNMF ont émis à avis défavorable lors du conseil de la CNAM.
Selon les mutuelles, il s’agit d’un « d’un texte de renoncement à l’équilibre des comptes sociaux », ce qui en fait « un projet de loi de non-financement de la sécurité sociale ».
« Alors que notre système de santé craque de toute part, ce texte ne donne pas les moyens nécessaires à sa transformation et ignore l’urgence », déplore Thierry Beaudet, président de la FNMF.
Une atteinte au salaire différé selon FO
A la CNAV, le 3 octobre 2019, le Conseil d’administration a émis un avis négatif par 14 voix sur ce projet de texte. Voici le détail du vote :
- 14 voix contre (CGT-FO, CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC et 1 personne qualifiée)
- 12 prises d’acte (Medef, CPME, 2 personnes qualifiées)
- 4 abstentions (U2P et 1 personne qualifiée).
Lors dudit Conseil, la délégation Force Ouvrière a prononcé une déclaration forte de convictions :
« Depuis de nombreuses années le financement de la Sécurité sociale fait l’objet de manipulations entre création de taxes et contributions au taux fluctuant, à la répartition mouvante et exonérations de cotisations de sécurité sociale compensées ou pas, voire désormais d’exonérations de cotisations chômage ou retraite complémentaire.
La méthode, pour complexe qu’elle soit, fonctionne à plein et a métamorphosé le financement de la sécurité sociale et étatisé Les Assurances sociales, ce que Force Ouvrière dénonce en permanence.
Entre 2017 et 2020, les contributions, impôts et taxes affectés à la sécurité sociale ont bondi de 53 à 85 milliards d’€ (+ 60 %), même la branche vieillesse, la moins fiscalisée, a vu ses contributions portées de 14 à 17 milliards d’€, soit + 18 %.
Les exonérations générales et ciblées de cotisations ont progressé de 39 milliards d’€ en 2017 à 71 milliards d’€ en 2020, + 80 %, dont 2,15 milliards non compensés.
Une telle progression – 32 Md€ – méritait bien un beau pin’s !
Depuis la Loi de Programmation des Finances Publiques de 2018 l’on a vu apparaître la notion de « Chacun chez soi », ce que Bercy a traduit par « Chacun chez MOI », c’est-à-dire « je compense ce que je veux, quand et comme je veux », en opposition avec la règle instaurée par la loi Veil de 1994… Curieux clin d’œil à l’époque où l’on baptise du nom de Simone Veil moult salles de nos organismes.
C’est ainsi que le Gouvernement a laissé à la charge de la sécurité sociale les exonérations prises en application de la loi MUES et à la branche vieillesse en particulier (2,7 Md€). Force Ouvrière rappelle que le pouvoir d’achat se mesure au bas de la fiche de paie et dans les colonnes relatives aux prélèvements sociaux, générateurs de droits. La reconduction de la « prime annuelle » est contraire à ces principes et génère des effets d’aubaine des entreprises.
Cette dérive menace gravement la sécurité sociale, sa pérennité et sape ses fondements ; qui peut assurer aujourd’hui que la sécurité sociale pourrait rejouer son rôle d’amortisseur social en cas de crise économique majeure, comme en 2008 par exemple, devant faire face à un double défi, augmentation forte des charges et assèchement des recettes fiscales ?
Pour Force ouvrière cette dérive est suicidaire et inefficace puisque le régime général renouera avec le déficit en 2020.
Enfin concernant l’assurance vieillesse, Force Ouvrière se félicite que soient retenues quelques mesures portées par le Conseil d’administration de la CNAV, notamment la transition vers la retraite des bénéficiaires de l’AAH et du RSA.
A contrario, FO condamne de la manière la plus ferme la décision de procéder à des revalorisations différenciées des pensions de retraites, en fonction du revenu, portant atteinte au pouvoir d’achat des retraités. Ces mesures sont contraires au principe même de salaire différé et ravalent l’assurance à l’assistance.
De même, l’article 10 consacre la compensation par la CNAV à l’AGIRC-ARRCO et l’UNEDIC, du volume des exonérations de cotisations de retraite complémentaire et chômage dans l’éventualité où l’État n’y aurait pas affecté la fraction de TVA suffisante.
De fait, l’AA, par cet article 10, est quasi intégré au régime général (collecte de ses ressources et compensation des exonérations de ses cotisations garanties par la CNAV).
FO s’oppose aussi à l’étatisation du régime de retraite complémentaire des salariés.
Enfin, au moment où le gouvernement entend poursuivre le chantier de transformation de notre système de retraite pour créer un grand ensemble uniformisé, Force Ouvrière constate que ces pratiques augurent bien mal de l’avenir de la population retraitée dans notre société.
Nous émettrons donc un avis défavorable. »