Le 15 juin 2020, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie. Les députés ont acté l’ouverture des travaux pour la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale couvrant le risque de perte d’autonomie d’ici à la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Le texte précise que la perte d’autonomie ou le besoin de soutien à l’autonomie est un risque reconnu par la Nation lequel doit être pris en charge, à part entière, de manière universelle et solidaire par la Sécurité sociale.
En 1967, avec les ordonnances Jeanneney, décision avait été prise de diviser la Sécurité sociale en quatre caisses : maladie, retraite, famille, accidents du travail. Si elle était instaurée, cette cinquième branche viendrait couvrir les risques de la vie liés à la perte d’autonomie et au handicap.
On constate un changement notable concernant la terminologie puisqu’il est désormais question de création « d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche » de Sécurité Sociale relatifs « à l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ». Le vocabulaire a évolué car en première lecture il était question de prise en charge de la « perte d’autonomie ».
La nouvelle branche rassemblerait essentiellement des dépenses inscrites au sein de deux sous-objectifs de l’ONDAM (« contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements pour personnes âgées » ; « contribution de l’assurance maladie aux dépenses et des recettes affectées à la CNSA.
On observe que le rôle de la protection sociale complémentaire et celui des solutions assurantielles ne sont pas prévus. De même les aidants ne sont pas évoqués.
En 2060 environ 2,45 millions de personnes seront en perte d’autonomie et situation de dépendance, contre 1,6 millions d’ici 10 ans. L’évolution démographique permet d’estimer à 15% de la population le nombre de personnes âgées de plus de 75 ans en 2040. Celui des personnes dépendantes serait entre 200 000 et 410 000 de plus entre 2015 et 2030 en fonction de différents scenarios.
Alors que l’attente des français à l’endroit de l’État n’est pas neuve (en 1990, le CRÉDOC mettait déjà au jour le fait que, pour les Français, ce serait d’abord à l’État, avant les parents proches, de fournir les plus gros efforts financiers pour les personnes âgées dépendantes) la prévention de la perte d’autonomie occupait une place mal identifiée dans les politiques.
En effet depuis plus de 40 ans les rapports concernant la dépendance se sont succédé. Peu de rapports ont soutenu le scénario d’une couverture de la dépendance par un risque de sécurité sociale
Quant aux modalités de cette prise en charge, c’est d’abord autour du financement d’un tel effort, par une cotisation, qu’étaient interrogés les français. En 2017, 30% se prononçait en faveur de l’universalité.
En avril 2018 Emmanuel Macron s’engage à mettre en place d’ici la fin de son mandat une prise en charge de la dépendance financée par la collectivité nationale. Pour le financement, il évoquait soit des journées de solidarité supplémentaires, soit de nouveaux mécanismes de Sécurité Sociale. En termes de calendrier, cette réforme devait être liée à celle des retraites…
En mars 2019, après une concertation de grande ampleur, Dominique LIBAULT a été missionné pour réaliser un rapport « Grand âge et autonomie ». Il y énonce que c’est un réel changement de paradigme sur le grand âge qui est nécessaire. Selon lui, un 5ème risque au niveau national est nécessaire car la dépendance est le parent pauvre de la protection sociale, notamment par rapport à ce qui est fait dans d’autres pays. Il estime que l’approche de ce risque doit être différente de ce qui est prévu par l’Ordonnance du 4/10/1945. Il y a à la fois un besoin de solvabilisation (faire face à la perte d’autonomie) et la nécessité de développer des services de proximité.
Depuis mars 2020, la crise sanitaire Covid 19 a mis en lumière les besoins liés à l’accueil et au soutien des personnes en perte d’autonomie. C’est donc cette crise qui donne l’impulsion pour créer une 5ème branche, alors même que le contexte financier de la sécurité sociale est des plus difficile (52 milliards de déficit des branches maladie, famille et vieillesse pour 2020). Ironie du sort lorsqu’on se souvient que dans les années 1990 la plupart des élus politiques locaux rejetaient le cinquième risque en se fondant sur la situation budgétaire délicate dans laquelle se trouvait la Sécurité sociale !
Après 40 ans d’hésitation entre l’option départementale et la sécurité sociale le choix de création d’une branche relègue à un énième rapport, qui devrait être remis le 15 septembre 2020, tous les sujets qui sont connexes à ce choix pourtant fondamental.
Pour Force Ouvrière, les questions renvoyées à ce rapport – l’architecture juridique et financière, le pilotage et la gestion du risque ainsi que la gouvernance – sont justement à débattre autour de cette première question : faut-il créer une branche spécifique dédiée à la gestion du risque « Autonomie » ou faut-il la confier à une branche existante, celle de la Maladie ?
FO est favorable à la création d’un 5ème risque, mais pas d’une 5ème branche. L’assurance maladie doit rester la branche gestionnaire. Les propositions de financement de ce nouveau risque peuvent ouvrir la porte à des réformes dangereuses.
Rendez-vous à la rentrée.
Jocelyne Lavier d’Antonio, en charge de la protection sociale