Conformément à l’engagement pris par le Président de la République, dans le cadre d’un programme visant à ériger une protection sociale dite « du XXIème siècle », le gouvernement a déposé un projet de loi instituant un système universel de retraite.

Sans préjuger des positions politiques et/ou syndicales des parties prenantes, notre organisation syndicale (représentative dans le champ des 3 conventions collectives régissant les personnels des organismes de Sécurité sociale du régime général) est attachée à un ensemble de valeurs républicaines et sociales. La défense de la Sécurité sociale et de son architecture actuelle par branches en est un pilier. La défense du personnel des organismes de Sécurité sociale en est un autre.

Force est de constater que le projet gouvernemental emporte des conséquences significatives sur ces piliers, conséquences très mal accueillies par nos adhérents et, plus largement, par le personnel des organismes de Sécurité sociale, jusqu’aux directeurs des caisses et aux administrateurs des conseils. En témoignent les différentes formes de mobilisations initiées localement dans les CARSAT et nationalement, dont l’association des directeurs de CARSAT et l’intersyndicale des agents de direction.

Le Titre 4 du projet de loi vise à instituer « une organisation et une gouvernance unifiées pour responsabiliser tous les acteurs de la retraite ». Ce sont ses dispositions qui sont ici visées.

Pour comprendre l’accueil reçu, il faut avoir à l’esprit divers éléments de contextes, notamment juridiques.

Selon le projet, un futur article L199-3 du code de la Sécurité sociale disposera notamment que :

« II.- Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d’organiser :

1° La gouvernance interne de la Caisse nationale de retraite universelle, entre son conseil d’administration, son directeur général, son directeur comptable et financier, une assemblée générale des retraites et un conseil citoyen des retraites, ainsi que les conditions de désignation de ces instances ;

2° Son réseau territorial, composé d’établissements ne disposant pas de la personnalité morale ; […] »

Partant, il apparait que le projet prévoit de faire disparaitre les CARSAT, leurs personnalités morales, leurs conseils d’administration et leurs agents de direction, le tout au profit de services déconcentrés. Ces derniers ne seraient plus administrés par un conseil d’administration paritaire et dirigés par une équipe de direction, mais supervisés par des « chefs de service ».

Or, dans le droit positif, l’article L121-1 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Sauf dispositions particulières propres à certains régimes et à certains organismes, le conseil d’administration règle par ses délibérations les affaires de l’organisme. »

Cet article est à rapprocher de l’article L122-1 qui « conditionne » la présence d’un directeur (général) et d’un directeur comptable et financier au bénéfice de la personnalité civile ou de l’autonomie financière.

De nombreux députés, notamment de la majorité, ont ainsi pris le soin de déposer des amendements visant à attribuer la personnalité morale aux établissements.

Cette démarche, si elle devait se concrétiser en étant reprise dans le futur texte, serait un geste apprécié des agents de direction. Toutefois, contrairement à ce que l’exposé des motifs de certains amendements laisse entendre, cette « garantie importante » ne suffit pas pour assurer une gouvernance paritaire à l’échelle locale.

De fait, doter les organismes locaux de la personnalité morale, c’est :

  • donner la possibilité à leur Directeur de maitriser le fonctionnement de son « échelon »,
  • lui permettre de prendre des décisions budgétaires en matière de GPEC par exemple, de formations ou d’investissement
  • conserver les Institutions représentatives du personnel et in fine permettre le dialogue social au niveau local.

En d’autres termes, la personnalité juridique de l’échelon local permet juste d’avoir un directeur « capable », un directeur de « quasi plein exercice ».

Si l’objectif à atteindre est, comme nous l’espérons, de rassurer le personnel et les organisations syndicales, il convient d’aller plus loin et de reprendre les dispositions des actuels articles L215-2 et suivant du Code de la Sécurité sociale en ce qu’elles consacrent la gouvernance paritaire. Il s’agirait d’indiquer notamment que : « Chaque [établissement local composant le réseau territorial de la CNRU] est administré par un conseil d’administration paritaire […] ».

En tout état de cause, il ne faut pas oublier les termes de l’actuel article L215-1 dudit code qui délimite le périmètre fonctionnel des CARSAT, cependant qu’il renvoie à un décret la fixation du ressort territorial des CARSAT.

Or, tant que l’article 49 du projet de loi (et plus précisément les alinéas 18 à 25) perdure, l’inquiétude reste de mise au sein des effectifs de la Branche Vieillesse.

En effet, ces alinéas prévoient que le Gouvernement « légiférera » par ordonnance dans les 6 mois de la promulgation de la loi pour tout ce qui concerne l’organisation de la Caisse nationale de retraite universelle, les compétences de ses instances, le fonctionnement du réseau territorial (actuellement les CARSAT), notamment les règles régissant le personnel et ses modalités de financement.

Il conviendrait donc de s’assurer que l’ordonnance, que prendra le Gouvernement afin notamment d’organiser le réseau territorial et ses conditions de fonctionnement, reprendra les termes actuels, à peine de subir :

  • un nouveau maillage territorial source de mobilités géographiques forcées pour les personnels, ce qui a été évité jusqu’à présent lors des évolutions majeures ayant impacté le personnel du régime général. A titre d’exemple, les conséquences de la réforme dite « Justice du XXIème siècle », comme celles de la disparition du Régime Social des Indépendants (RSI) ont bénéficié de garanties fortes au bénéfice des salariés concernés (pas de licenciement, ni de mobilité géographique forcée) ;
  • une éviction du bénéfice des dispositions conventionnelles propres aux personnels des organismes de Sécurité sociale. Les salariés des institutions de retraites complémentaires bénéficient de dispositions conventionnelles spécifiques et rien n’est indiqué pour l’instant quant à la convention collective de rattachement du personnel en charge de la retraite universelle : rattachement de l’ensemble des salariés aux conventions collectives régissant les personnels des organismes de Sécurité sociale (comme ce fut le cas lors du transfert du personnel issu du RSI) ? Maintien des conventions existantes (comme c’est le cas au sein des Agences régionales de Santé) ? Négociation d’une nouvelle convention collective propre au personnel en charge de la retraite universelle (ce qui irait à rebours de la politique de regroupement des branches) ?
  • un éloignement de l’accès au service public pour les usagers (à rebours des grandes déclarations sur le rapprochement dudit service public).

Il serait dès lors opportun que le Secrétaire d’Etat en charge des retraites sensibilise, si ce n’est le Gouvernement, du moins les ministres en charge du dossier des retraites à ces problématiques pour soutenir les amendements et faire évoluer le projet de loi.

Alain Gautron, Secrétaire Général du SNFOCOS