Comme nous en avons fait état à de nombreuses reprises dans nos colonnes, les représentants des directions et des personnels de la Sécurité sociale sont engagés depuis près de deux ans dans une négociation devant aboutir à la refonte des classifications.
Alors que la direction a soumis un projet d’accord aux organisations syndicales, il n’est pas du tout évident qu’il faille s’attendre à une issue favorable dans ce dossier.
Un projet sur la table
Il y a quelques jours, le 24 novembre dernier, après deux années de discussions pas toujours sereines, l’UCANSS, représentant les employeurs de la Sécurité sociale, a proposé aux représentants des salariés un projet d’accord sur les classifications. Il prévoit une unification de la grille des classifications pour les quelque 141 000 salariés des institutions de la Sécurité sociale. Ceci est un changement important, car ces salariés sont actuellement couverts par quatre grilles différentes : celles des employés et cadres, des informaticiens, des personnels des UGECAM et des ingénieurs conseil.
Le projet de classification de l’Ucanss repose sur une grille unique pour les non cadres et les cadres, avec quatre niveaux pour les premiers et cinq pour les seconds. Le placement des salariés dans la grille serait effectué en fonction de leur emploi, par le moyen d’un système d’emplois repères. Enfin, le déroulement de carrière n’évoluerait guère par rapport à celui existant dans le système actuel.
La CFDT plutôt ouverte…
S’exprimant sur le projet de classifications de l’UCANSS, la CFDT le juge de manière plutôt positive. Tout d’abord, elle juge inévitable de revoir les classifications, affirmant que le système actuellement en vigueur à la Sécurité sociale est « à bout de souffle ». Surtout, elle assure que le projet ne remet pas en cause les droits acquis des personnels, en particulier en termes de statuts, de rémunération et de déroulement de carrière. Enfin, elle insiste sur le fait qu’en cas de non adoption du projet, l’enveloppe de 80 millions d’euros d’accompagnement de la négociation proposée par la tutelle étatique sera perdue.
Malgré ces éléments qui, du point de vue de la CFDT, pèsent en faveur d’une validation du projet, elle n’a pas encore arrêté sa position à son endroit. Il est vrai que certaines de ses revendications, par exemple en matière de prise en compte de l’ancienneté, n’ont pas été satisfaites par l’UCANSS. Aussi des consultations internes à l’organisation ont-elles lieu afin de définir la position de l’organisation au sujet du projet de classifications.
… mais FO et la CGT très critiques
Du côté de FO et de la CGT en revanche, les choses paraissent bien plus claires. Par le biais de plusieurs communiqués publiés ces derniers jours, le SNFOCOS, organisation FO représentant l’encadrement, a vivement dénoncé le projet des employeurs de la Sécurité sociale. FO fustige notamment « l’enveloppe insuffisante » proposée par l’Etat, la remise en cause de la prise en compte de l’ancienneté, la nécessité de changer d’emploi pour connaître une évolution professionnelle ainsi que le « déclassement » des cadres – au moins deux niveaux du projet de grille comprendraient à la fois des cadres et des non cadres. D’après nos informations, le syndicat FO des employés de la Sécurité sociale développe des critiques proches de celles formulées par le SNFOCOS.
La CGT, elle aussi, se montre très critique à l’encontre du projet d’accord sur les classifications de la Sécurité sociale porté par l’UCANSS. « Qui veut nous faire croire que le projet de classifications de l’UCANSS a un autre objectif que de maîtriser encore plus drastiquement la masse salariale ? » demande la CGT, avant de dérouler ses critiques à l’encontre du projet : remise en cause de l’ancienneté, primes à la place de hausses de la valeur du point, évolution salariale et professionnelle très limitées, en particulier. « Qui pourrait accepter de signer ce projet de classifications ? » s’interroge finalement la CGT.
Vers un nouvel échec paritaire à la Sécurité sociale
La défiance de FO et de la CGT vis-à-vis du projet d’accord sur les classifications est une fort mauvaise nouvelle pour les employeurs de la Sécurité sociale. La représentativité syndicale y est en effet relativement équilibrée, la CFDT, la CGT et FO représentant environ chacune un tiers des effectifs. Dans ces conditions, même si la CFDT devait signer le texte de l’UCANSS, ses chances de réussite sont limitées. FO a d’ores et déjà annoncé qu’elle s’opposerait au projet d’accord de la direction et il y a tout lieu de penser que la CGT ne le laissera pas passer. Contactée, la CGT ne nous a pas encore répondu sur la stratégie qu’elle allait adopter. « Il est très probable que le projet d’accord sur les classifications va capoter » affirme toutefois un représentant des salariés de la Sécurité sociale.
Si un tel échec devait se confirmer, ce serait une bien mauvaise nouvelle pour l’UCANSS. Après le fiasco de la négociation sur la prime de traçage Covid, une nouvelle mésentente paritaire, sur un sujet aussi important que celui des classifications, constituerait une déroute du dialogue social à la Sécurité sociale.
Mickaël Ciccotelli, Journaliste Tripalio, le 1er décembre 2020