Les enjeux : renforcer durablement les effectifs des ARS, accorder davantage de préoccupation à la santé de leurs agents.
Dans sa déclaration liminaire au nouveau Secrétaire Général du Ministère des Solidarités et de la Santé, Monsieur Etienne Champion (ex-directeur général de l’ARS des Hauts de France), Force Ouvrière a tenu a rappeler le contexte dans lequel est survenue une épidémie qui conduit à la crise sanitaire que nous connaissons.
Aux réductions drastiques du nombre de lits d’hospitalisation et des moyens qui leur sont alloués (plus de 75.000 lits fermés depuis 2003, année de la mise en œuvre de la « tarification à l’activité), à la perte d’attractivité des métiers de l’hôpital (et du secteur médico-social), vient s’ajouter une diminution de l’ordre de 1.600 postes en 10 ans dans les ARS.
L’engagement des personnels de l’ARS dans la lutte contre l’épidémie leur vaut une reconnaissance ministérielle, certes …
Monsieur Olivier Véran nous a ainsi transmis un message vidéo de remerciements le 6 novembre dernier. « Admiratif » selon ses propres termes d’un « engagement quotidien » et d’une « valeur inestimable », notre Ministre est conscient de la « fatigue » ressentie par les personnels des ARS mais en appelle à la mobilisation de tous et encore …
Au-delà des discours, quelles actions et mesures concrètes peut-on mettre en regard d’un « Sans vous nous ne pouvons agir », « Sans vous il n’y a pas de service public » ?
Le CNC du 3 novembre apporte quelques perspectives sinon des éléments de réponse :
- Renforcement, baisse, ou stabilité des effectifs des ARS … des principes et de la méthode du calcul infinitésimal …
Selon les annonces du SG MASS, les ARS vont bénéficier d’un renforcement de leurs effectifs avec :
- « un schéma d’emploi 2021 positif (+50 ETP) pour la première fois depuis la création des ARS » (sic)
- « un renfort de 500 ETP pour les activités de tracing (sur 3 mois en 2020 et sur 7 mois en 2021) » (re-sic)
Force Ouvrière s’interrogeait dans sa déclaration liminaire sur la réalité de ce « renforcement ».
« ETP » versus « ETPT » fut la première ligne de repli du SG MASS.
Sauf qu’il ressort des documents présentés par les services du Ministère (« Bilan social du réseau des ARS 2019 », « Présentation du budget 2021 du groupe ARS ») que l’effectif en 2021 serait de 8.289 en 2021, effectif composé de :
- « 7997 ETPT pérennes (même niveau qu’en 2020) (ce qui intègre l’extension année pleine du schéma d’emploi négatif de 2020 et le schéma d’emploi positif de 2021) » (sic)
- « 292 ETPT correspondants aux 500 agents en renfort sur le tracing pour 7 mois (vs 125 ETPT sur 3 mois en 2020) » (re-sic).
Outre le fait que le SG MASS nous a indiqué ne pouvoir prendre aucun engagement quant à l’évolution (au maintien) des effectifs en 2022 eu égard au principe d’annualité budgétaire … ces perspectives sont à considérer au regard des évolutions passées : à titre de comparaison l’effectif (en ETPT) des ARS s’élevait à 8.598 en 2017, 8.338 en 2018, 8.032 en 2019 …
En fait de renforcement des effectifs des ARS, le SG MASS a préféré en revenir à la notion de « stabilité » …
Force Ouvrière s’est alarmée de la double absence d’anticipation et de prise en considération des expériences passées et présentes : alors qu’il est désormais reconnu au niveau mondial que nous aurons à faire face aux impact du changement climatique et au développement de nouvelles épidémies, notre Ministère continue à s’inscrire dans une démarche de diminution tendancielle des effectifs des ARS. Et ne concède qu’un « renfort » prenant la forme d’un recrutement d’agents « bénéficiant » d’un CDD de quelques mois (voire de quelques semaines) avec pour tout horizon la fin de la « deuxième » vague qui par définition n’est (peut-être) pas la seconde …
Force Ouvrière s’insurge contre cette double précarisation du personnel des ARS : à la situation peu enviable de ces CDD vient en effet s’ajouter le risque d’une « précarisation » et de fragilisation de l’ensemble des ARS et de leurs agents. Nos missions ne relèvent pas d’une logique conjoncturelle, et nécessitent une expérience doublée d’une expertise qui s’inscrit dans la durée.
Mais selon le DRH de notre Ministère – troisième ligne de repli – nous aurions motif à nous contenter de cette situation puisque les ARS seraient les seuls organismes (publics) à voir leurs effectifs augmenter dans le contexte général d’évolution de la fonction publique que nous connaissons …
Une parfaite illustration de l’emprise d’une logique budgétaire en « vertu » de laquelle les budgets des ARS sont considérés comme une dépense alors qu’il s’agit de mettre en œuvre des mesures de sauvegarde des populations. Et une méconnaissance semble-t-il tant des missions des ARS que de la priorité donnée par le Gouvernement à la santé sur l’économie ?
- Une « révision » minimaliste des missions des ARS en l’absence de concertation.
Lors du CNC du 3 novembre dernier, le SG MASS a présenté « pour avis » les principaux axes d’un projet d’ordonnance relatif aux missions des ARS.
Dans une note accompagnant cette présentation, le SG MASS a tenu à rappeler que :
- « depuis leur création en 2010, un nombre croissant de missions a été confié aux ARS sans qu’une augmentation corrélative de leurs moyens accompagne cette tendance. Les effectifs (ayant) décru au cours des dernières années »
- « En 2018, une clarification des missions des ARS est apparue nécessaire pour leur permettre de se mobiliser sur les priorités de la stratégie nationale de santé. A partir d’une revue des missions des ARS, il s’agissait de conforter certaines de leurs activités, d’en alléger ou d’en abandonner d’autres, en fonction de l’analyse de leur utilité effective »
Après le diagnostic, le remède : le SG MASS a proposé en tout et pour tout 5 mesures :
- « un allègement des procédures relatives aux règles spécifiques régissant les CRSA dans les territoires ultra-marins » : à l’avenir la composition et le fonctionnement des commissions spécialisées en santé mentale relèveraient d’un décret simple plutôt que d’un décret en Conseil d’Etat
- « une extension du dispositif de déclaration des incidents de sécurité à l’ensemble des acteurs du système de santé » : en l’occurrence une disposition viserait à étendre « la déclaration des incidents de sécurité à l’ensemble des acteurs du système de santé, y compris les acteurs médico-sociaux, et à créer un service national de cyber-surveillance »
- la mise en place un système de déclaration (et non plus d’autorisation) pour les programmes d’éducation thérapeutique, et à supprimer l’évaluation de ces programmes
- permettre aux « pouvoirs publics » de modifier plus facilement la liste des maladies obligatoires afin de «prendre en compte des maladies infectieuses émergentes qui peuvent être source d’épidémies » ; et donner aux ARS la possibilité de « recueillir directement les coordonnées des personnes malades lors du signalement effectué par les professionnels de santé »
- porter de 5 à 7 ans la durée d’autorisation des Pharmacies à Usage Intérieur
- simplifier et « refonder le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les ARS et les établissements de santé afin qu’il soit davantage stratégique et territorial » en « rédui(sant) le champ du contrat et donc le nombre de contrats » (avec notamment la limitation du nombre d’objectifs et d’indicateurs)
5 mesures … alors que dès 2013 les personnels de l’ensemble des ARS avaient été mobilisés dans le cadre d’une « revue de missions » en vue de la simplification de ces dernières.
Des propositions avaient alors donné lieu à une synthèse réalisée par l’ARS Rhône-Alpes et publiée dans un rapport intitulé « Cinquante premières propositions de simplifications normatives »
50 propositions formulées par les personnels des ARS, auxquelles d’autres sont venues s’ajouter depuis 7 ans au gré des sollicitations du SG MASS, cela pour aboutir à 5 mesures de « simplification » – qui n’en sont pas toujours, du moins pour les personnels des ARS – et dont certaines mériteraient un débat approfondi.
L’avis des organisations syndicales ayant été sollicité, le SNFOCOS a voté « contre » ce projet d’ordonnance, rejeté à l’unanimité par l’ensemble des organisations syndicales représentées au CNC.
On peut espérer que sur un sujet aussi important que celui des missions des ARS, à la lumière de la crise que nous connaissons, le Ministère des Solidarités et de la Santé prenne en compte les travaux déjà réalisés et restés lettre morte, mais surtout qu’il engage une réflexion prospective dans le cadre d’une véritable concertation.
- Un effectif « renforcé », puis « stabilisé », qui en fait diminue … Des missions qui ne font que croitre en nombre et en complexité … au-delà des remerciements …
Force Ouvrière a insisté sur l’attention que le Ministère de la Santé doit également porter à la santé des personnels des ARS.
Le SG MASS ayant évoqué les contenus des circulaire (du Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques) et instruction (du SG MASS) en date du 29 octobre dernier, le DRH du Ministère a notamment été très clair au sujet de la nécessité de développer le télétravail, ainsi que sur la nécessité d’adapter les horaires des agents qui ne peuvent en bénéficier afin de réduire le risque de contamination dans les transports en commun aux heures de forte fréquentation.
Cependant on ne peut que constater l’existence d’une certaine « distanciation » du SG MASS en termes de connaissance des réalités et préoccupations de terrain : « renvoi » à la médecine du travail ou aux CHSCT « locaux » pour ce qui est des mesures barrières (le DRH s’étonnant par exemple du non-respect de ces mesures dans certains environnements collectifs de travail et préconisant la pose de cloisons de « plexiglas » … le risque de cluster n’étant pas à négliger au sein des ARS), absence d’informations (de bilan et de suivi) sur les PCA des ARS, …
Un échange en CNC sur les conséquences de l’ordonnance du Conseil d’Etat (15 octobre 2020) relative à la suspension des dispositions du décret du 29 août (modifiant le décret du 5 mai permettant d’identifier les salariés vulnérables) n’a été guère plus éclairant : après quelques hésitations, la DRH du SG MASS a pris l’engagement de revenir vers les membres du CNC avec une interprétation claire. Dans l’attente nous pouvons considérer que les dispositions applicables sont bien celles du décret du 5 mai.
Enfin, s’agissant de la COVID 19, Force Ouvrière a réaffirmé sa revendication de ne pas céder sur la nécessité de reconnaitre cette pathologie comme maladie professionnelle pour les personnels des ARS.
En fait de remerciements, pour Force Ouvrière les opérations de communication ne suffisent pas,
Et « L’économie des paroles profite à l’énergie des actes »
La délégation du SNFOCOS : Yvonne Baudoin, Laurent Castra, Eric Donnadieu et José Robinot