La situation exceptionnelle que nous connaissons fait apparaître de nombreuses situations atypiques, non prévues explicitement par nos dispositifs conventionnels, voire même par le code du travail.

Parmi ces situations, la question de ce qui est communément appelé une « absence pénalisante » est au cœur de nombreuses revendications. En effet, certaines périodes d’absence du salarié sont assimilées à du temps de travail effectif et, ce faisant, elles demeurent génératrices de droits.

Le code du travail liste 6 cas de périodes dites assimilées à du temps de travail effectif, parmi lesquelles :

  • Les périodes de congés payés
  • Les périodes de congés pour évènements familiaux (maternité, paternité et accueil de l’enfant et adoption)
  • Les contreparties obligatoires sous forme de repos des heures supplémentaires
  • Les jours de repos accordés au titre de l’accord collectif aménageant le temps de travail sur une période supérieure à la semaine (accord RTT)
  • Les périodes de suspension du contrat de travail résultant d’un arrêt de travail au titre de la législation professionnelle (ATMP).

Or, l’épidémie est venue créer des situations exceptionnelles au niveau de la gestion du personnel, les cas de salariés en dispense d’activité d’une part et des cas d’absence sui generis d’autre part, dont le traitement doit nous interroger. En effet, aucun texte n’est venu à ce jour traiter de l’impact de ces situations alors même qu’il est majeur : potentiellement, ces situations vont pénaliser des millions de salariés au niveau de l’acquisition des congés, des RTT, de l’intéressement…et même de l’ancienneté, ce qui impacte notamment la couverture mutuelle et prévoyance.

 Et pour le personnel de la Sécu ?

Les Caisses auraient reçu de l’UCANSS et des caisses nationales des consignes de saisie des codes dans les outils RH.

S’agissant des salariés en dispense d’activité, les Caisses communiquent peu de chiffres. Difficile d’en mesurer l’ampleur mais la plupart des remontées permettent d’envisager qu’un salarié sur trois (jusqu’à un sur deux dans certains organismes) a été ou est actuellement concerné.

A priori, il devrait s’agir de salariés qui ne sont pas en arrêt de travail (tout motif confondu) et qui ne peuvent pas exercer d’activité pendant tout ou partie de la période de confinement parce que leur activité n’est pas télétravaillable, qu’ils n’ont pas pu être affectés sur une autre activité et/ou qu’il n’a pas été possible de mettre à leur disposition l’équipement informatique nécessaire.

A priori, les employeurs les classent en absence autorisé assimilée à du temps de travail affectif (code 119) et, ce faisant, ils bénéficieraient du maintien de la rémunération et de ses accessoires (à l’exception du titre restaurant), ainsi que de l’acquisition de congés payés.

En revanche, l’absence est pénalisante pour l’acquisition des RTT et donc devrait l’être pour l’intéressement d’après l’accord du 21 juin 2017.

Or, certains font état de consignes différentes : l’utilisation d’un autre code serait à l’étude, code qui emporterait pour conséquence la proratisation des congés payés…et la rapprocherait de la situation du salarié mis à pied avec maintien de la rémunération ce qui n’est pas admissible !

Les absences sui generis, ce sont les cas d’arrêts de travail dérogatoires.

 A priori, nos employeurs s’accordent à dire qu’ils ne sont pas assimilables à du temps de travail et, ce faisant, ils en deviennent pénalisants pour l’intéressement, l’acquisition de RTT et le bénéfice des titres restaurants.

Pourtant, il ne s’agit pas de congés enfant malade (Code 124 et également pénalisants) ou de congés sabbatiques (Code 137 et là encore pénalisants), et les assimiler à des congés catastrophes naturelles (code 132 et tout autant pénalisants) n’est pas davantage admissible.

Le silence du droit commun, comme du droit dérogatoire introduit par la loi d’urgence sanitaire, ne doit pas être mis à profit pour pénaliser des salariés qui subissent des choix politiques. La situation exceptionnelle que nous subissons ne doit pas davantage permettre de faire des économies aux dépens des salariés, notamment à travers une moindre distribution de l’intéressement, pire encore, une attribution différenciée de mesures salariales venant sanctionner les dispenses et absences susmentionnées.

Une brèche existe toutefois.

En effet, l’accord de 2017 sur l’intéressement, qui arrive à son terme, dispose en son article 10 que : « les absences assimilées à du temps de présence sont identiques à celles résultant de l’application des règles, établies au plan national, pour le calcul des jours de repos liés à la réduction du temps de travail ».

En l’état, d’après une lettre circulaire UCANSS de 2001, ces règles disposent notamment que, pour un salarié à temps complet (base 39h/semaine sur 5 jours) :

  • Son nombre de jours travaillés théorique est compris entre 220 et 230 jours par an
  • Il peut prétendre à un maximum de 20 jours de RTT par an
  • Il acquiert 1 jour de RTT tous les 10 jours de présence
  • Les absences non assimilées à du travail effectif au regard de l’acquisition des jours de repos ont pour effet de diminuer le nombre annuel de ces jours de sorte qu’une absence pour maladie durant 10 jours ne permet plus au salarié que d’acquérir 19 jours sur les 20 initiaux !

Il en résulte qu’il suffirait que lesdites règles établies pour le calcul des jours de RTT soient amendées pour prévoir explicitement que, à titre exceptionnel et chaque fois que des mesures d’urgence sanitaire viendront restreindre la liberté de circulation, les salariés de l’institution ne seront pas pénalisés au titre de l’acquisition des jours de RTT et de l’intéressement. Et de préciser que cette règle de non pénalisation s’applique pour les personnels en activité ainsi que pour les personnels en dispense d’activité et pour ceux empêchés de travailler (arrêts de travail liés au COVID-19).

L’UCANSS elle-même a reconnu dans une lettre circulaire relative à la nomenclature de la gestion du temps de travail que certains codes existants renvoient à des situations où le salarié, bien que n‘étant pas physiquement à son poste de travail, ne peut être pour autant considéré comme « absent ». Il est donc possible de générer et de généraliser à l’ensemble du personnel des codes permettant une gestion bienveillante et harmonisée des conséquences RH de la crise sanitaire. Cette solution s’impose d’autant plus que le confinement devrait s’étaler sur au moins 2 mois.

C’est pourquoi le SNFOCOS revendique et exige des mesures exceptionnelles en faveur des salariés : en matière de congés (acquis ou en cours d’acquisition), de jours de RTT (acquis ou en cours d’acquisition), d’intéressement, de rémunération et de ses accessoires, aucun salarié ne doit être pénalisé, toutes les situations doivent être assimilées à du temps de travail effectif au titre de la solidarité.

Ni sacrifice, ni sacrifié, ni oubli, ni oublié : le SNFOCOS défend le traitement homogène du personnel !


Chafik EL AOUGRI, Secrétaire national en charge de la Branche Maladie